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Philippe de Saint Robert, d’Edouard à Valérie

Par Philippe de Saint Robert

Philippe de Saint Robert, écrivain à la plume classique, incomparable chroniqueur de la Ve République qui fut l’interlocuteur du Général de Gaulle (cf. « De Gaulle et ses témoins » – éd. Bartillat) aussi bien que de Georges Pompidou, de François Mitterrand ou de Jacques Chirac comme en témoigne son toujours actuel « Le Secret des Jours » emprunte à Musset l’expression dont il usait pour évoquer ses lectures, ses soirées au théâtre, et ce qui se passait autour de lui : « Le monde, tel qu’il défile devant nos regards souvent étonnés, n’apparaît-il pas finalement comme une interminable revue fantastique ? ». Je voudrais évoquer un moment ma jeunesse normande qui se perd dans les souvenirs. C’est la popularité médiatique d’Edouard Philippe qui m’y renvoie. A qui confierais-je les étoiles de ma scolarité de la classe de quatrième à la philo, chez les Frères des Écoles chrétiennes, rue Saint-Gervais, à Rouen (ou passa aussi mon grand ami François Hollande) ? L’abbé Hue, que nous appelions Cocotte, fut un excellent professeur de français ; il nous parlait souvent de son vieux maître Bellessort (que nous surnommions Pelle à ressort), académicien oublié dont il nous communiquait les goûts littéraires les plus classiques, qui me demeurent présents. Corneille mis à part, je n’ai pas le souvenir d’une littérature purement normande, sauf Flaubert dont la correspondance attendra longtemps pour nous parvenir. Aujourd’hui, l’écrivain normand qui monte, c’est Édouard Philippe. C’est un personnage singulier, qui écrit à quatre mains. Cela déroute ; il aurait dû être musicien. De ce fait, on ne sait qui est qui. Dans Des hommes qui lisent (Lattès, 2017), il se confie : « La lecture est une respiration. Elle est tout à la fois une sortie du monde, et une façon d’y entrer plus fort. Elle est à la fois un ralentissement et une accumulation. » Ses parents le poussent à lire, tout en lui laissant le choix de ses lectures. Il en est une pour laquelle il lui sera beaucoup pardonné, c’est celle des Trois Mousquetaires, dont le philosophe Alain, autre auteur normand, disait qu’on devait le relire une fois par an. Cette merveilleuse fiction donne le goût de l’Histoire, et, mieux, de notre Histoire. Il ne nous dit pas si E. Macron a conforté ce goût de l’Histoire, ou s’il l’a au contraire dispersé en même temps qu’il le méconnaissait.

Derrière Edouard Philippe, l’ombre terrible de Michel Rocard

Les autres goûts d’Édouard Philippe sont un peu superficiels : « J’étais de gauche, j’aimais Rocard, je voulais m’engager, j’entrais donc, fringant comme un jeune homme, au Parti socialiste. Là où je travaillais. Enfin, là où j’étudiais. C’est-à-dire à Sciences Po. » Il ajoute : « On pourrait écrire un livre sur ce qu’était la section du Parti socialiste de Sciences Po en 1990 ». Cet ouvrage, à mon avis essentiel, reste à écrire. Il y a, dans la sphère politique, une tendance à s’enjoliver soi-même en se disant « rocardien » ou « mendésiste » par référence à deux hommes de gauche qui ne firent que de brèves apparitions dans le brouillard républicain. Pas étonnant qu’Édouard Philippe se soit ensuite attaché à Alain Juppé : tout cela est l’univers des opportunistes si bien décrits par Jacques Bainville dans son histoire de la IIIe République. Est-il nécessaire de s’interroger sur l’échec de Juppé sinon pour mettre en garde Édouard Philippe lui-même ? Juppé n’a jamais inspiré confiance. Édouard Philippe se peint lui-même en girouette. Il remet cela : « En 1993, j’étais de gauche, et sans doute pas assez selon mes amis d’alors. En 1997, j’étais de droite, et forcément trop, auraient dit les mêmes. » Pourquoi ne pas oser dire cette banale vérité, selon laquelle on est tout simplement centriste, comme Alain Juppé, c’est-à-dire opportuniste ? Mais Édouard Philippe est un opportuniste qui a avalé trois parapluies, c’està-dire qui est particulièrement psychorigide comme l’ont illustré deux de ses comportements. L’un, dans l’affaire de la « grande réforme » des retraites, où il a réussi à obscurcir l’enthousiasme du président de la République. L’autre, avec sa lubie d’empêcher les gens de circuler en automobile au gré de leur maîtrise du volant. Il n’a jamais été aussi populaire qu’après son départ de Matignon… Philippe nous parle de la tyrannie de l’immédiat sans s’être bien rendu compte qu’il l’avait pratiquée. Au fond, ce qu’il aime, c’est la politique municipale

Le retour flamboyant de Valérie Pécresse

Je prendrais volontiers un pari : en 2027, l’élection présidentielle opposera Édouard Philippe à Valérie Pécresse. Enfin du nouveau ! Il faudra bien ce délai pour que la France, ses médias, son enseignement deviennent complètement anglophones. Souvenons-nous qu’en 2008, alors que la France prenait la présidence de l’Union européenne par Nicolas Sarkozy interposé, Valérie Pécresse avait confié qu’elle ne se battrait pas pour qu’on préside en français. Selon Le Figaro du 26 février 2008, Valérie Pécresse, alors ministre de l’Enseignement supérieur, aurait déclaré lors de la prise de fonctions de la présidence française de l’Union européenne qu’elle n’insisterait pas pour que le français soit utilisé à Bruxelles – car la langue française serait « obsolète ». En 2017, en tant que présidente de la région Ile-de-France, elle annonce, dans Le Figaro Economie du 1er février, la création du « Citypass » pour voyager et aller au musée et ce qu’elle appelle « le nouveau rendez-vous high-tech francilien » et qu’elle nomme «Paris region smart week » (Journal spécial des sociétés, 4 février 2017). En 2021, Mme Pécresse affirme qu’elle veut « rendre à la France sa fierté ». Cet engagement nous paraît difficilement compatible avec le mépris qu’elle affiche pour la langue de la République, dont l’obligation fait l’objet de l’art. 2 de notre Constitution. On jugera à ces écarts de langage comment elle envisage la fierté française.

Par Philippe de Saint Robert

Retrouvez cette grande signature dans le numéro 5 du Nouveau Conservateur

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