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Z : Avenir politique ou destin national ?

Par François Martin

Il existe une confusion, souvent volontaire, chez ceux qui critiquent Eric Zemmour. Lorsqu’ils lui reprochent de ne pas faire une campagne « classique », ils lui demandent de se fabriquer un avenir politique, alors qu’il revendique un destin national.

Tout, dans ce que fait Eric Zemmour jusqu’ici, montre qu’il ne cherche pas un avenir politique, mais un destin national : sa référence à l’Histoire, à la civilisation française, aux « grandes choses », aux héros et héroïnes du passé. Sa déclaration, hommage au Général et à l’Appel de Londres, son diagnostic sombre de l’avenir, qui réclament évidemment, en contrepoint, un sursaut pour affronter la difficulté, puis la surmonter. Et ce discours, qui appelle au courage, est naturellement clivant, entre les « munichois », ceux qui cherchent à retarder, autant que possible et sans rien faire, une échéance fatale (ce qui la rend de plus en plus inéluctable), et les « churchilliens », ceux qui ont décidé d’affronter le destin, quitte à en payer le prix par « le sang, le labeur, les larmes et la sueur » (*). Car c’est bien cela l’enjeu.

En faisant de ces thèmes l’axe central de sa campagne, Eric Zemmour ne s’inscrit pas du tout dans les pas d’un homme politique « classique ». Si c’était le cas, il n’aurait pas cherché à bousculer, mais à rassurer, pas à diviser les courageux et les lâches, mais à unir en rassemblant, quitte à ce qu’aucune prise de conscience ne se fasse. Il aurait soigneusement évité d’aborder « les sujets qui fâchent », ce qui est sans doute la règle n°1 du « mémento de l’homme politique de métier ». Il aurait sans cesse « embelli la mariée ». Il aurait parlé de l’accessoire, pas de l’important, du concret quotidien, pas du cataclysme attendu.

En agissant de la sorte, Eric Zemmour prend volontairement des risques. Il fait exactement, et toujours plus, ce qu’on lui reproche. Ce faisant, il montre qu’il cherche moins à être élu qu’à prendre date. Ou plutôt, il se positionne comme un recours, pour le jour, soit avant la présidentielle, soit après, où il pense que les français, dans leur majorité, lui donneront raison, reconnaissant que sa lecture de l’avenir est la bonne, ce jour où notre impuissance face à la société injuste et bloquée que nous ont fabriqué nos élites se transformera brutalement en un maelstrom de violence. Une violence dont nous voyons déjà les prémices lorsque, à l’instar du système de « terreur civile » instauré autrefois par les nazis pour accompagner la montée d’Hitler, l’alliance des mafias et des « antifas » marseillais fait le vide autour de lui, en menaçant les habitants, en cassant le restaurant où il se trouve, en frappant les journalistes, afin qu’il ne puisse rencontrer personne. Dès lors, l’objectif de sa campagne n’est pas d’abord de promettre, même s’il s’agit de proposer les outils pour reconstruire, mais bien de parler assez dur et assez fort pour hâter la prise de conscience. Il doit placer les français devant leurs responsabilités. Il prend ainsi le même chemin, seul face à l’Histoire, et convoquant l’avenir dans sa propre lecture, que Churchill en Mai 40 et de Gaulle en Juin 40 ont emprunté avant lui.

S’il veut réussir, Eric Zemmour devra d’abord imposer sa lecture de l’Histoire et du système français. Pour cela, il dispose de 7 « discours » :

  • Le discours « apocalyptique » : « Voilà ce qui se prépare. Si nous n’agissons pas, nous sommes perdus ». Il ne cesse de le répéter. C’est de Gaulle, c’est Churchill.
  • Le discours victimaire « anti-système » : « ils veulent me faire taire à tout prix, parce qu’ils veulent sauver leurs privilèges, parce que je suis le seul qui les dénonce, qui dit qu’ils nous entraînent dans le mur ». C’est Trump. On peut penser qu’il va utiliser beaucoup plus, lorsqu’il sera face aux classes populaires, ce puissant moteur, propre à réveiller leur ressentiment et leur sentiment d’identification. En effet, ses adversaires sont tellement stupides, ou incapables d’intérioriser leur haine, qu’ils ne cessent d’alimenter la « pile à victimisation » dont il a le plus besoin (**). Il doit s’en nourrir. Il peut sans doute insister aussi beaucoup plus, comme Trump a su si bien le faire, sur le fait que chaque fois qu’on l’insulte, on insulte aussi ses électeur. Il va ainsi fortement les fidéliser. 
  • Le discours « anti-pacifisme » : c’est la clef explicative de toute son argumentation. Il doit montrer que si ses ennemis sont à ce point hystériques contre lui, c’est parce qu’ils sont lâches, verts de peur. Ils préfèrent la mort lente (et bientôt rapide!) à l’affrontement courageux. Ils auront « le déshonneur et la guerre ». C’est Churchill. Zemmour ne se sert probablement pas assez de ce puissant outil de délégitimation de ses adversaires. D’autant plus qu’il prouverait ainsi que c’est lui qui est l’homme de paix (parce qu’il assume les rapports de force), et les autres les faiseurs de guerre. 
  • Le discours de grandeur : mettre en scène le grand souffle, la puissance, l’intemporalité de la France, l’Histoire, la pierre, la grande littérature, la spiritualité. C’est de Gaulle. Tout est dans « les madones aux fresques des murs ». Eric Zemmour l’a très bien compris. Il l’a magnifiquement mis en scène dans sa déclaration. Il va évidemment continuer.
  • Le discours de confiance et de redressement : pour catalyser les énergies, pour éclairer l’avenir. C’est de Gaulle : « La France n’est pas seule », « une source d’ardeur nouvelle ..», et c’est Trump : « Make America Great Again ». Eric Zemmour, probablement, ne s’en sert pas assez.
  • Le discours de personnalisation : « Croyez-moi, moi qui vous parle… ». , « Moi, Général de Gaulle, j’invite… à se mettre en rapport avec moi ». Dans les périodes dramatiques, la recherche du chef et, en regard, la forte personnalisation et verticalisation de la relation, sont naturelles. Elles concourent à la compréhension juste de la situation. Eric Zemmour n’utilise sans doute pas assez cette fibre.

Eric Zemmour doit marier tous ces discours dans un récit unique et cohérent. Il les a employés tour à tour avec beaucoup d’à-propos dans son allocution de Villepinte, en y ajoutant un 7ème, très important, le discours de réappropriation : « c’est vous », « c’est à vous », « c’est grâce à vous ».  Il a toutes les armes qu’il lui faut. Il n’en a pas d’autres, en réalité. En faisant sa campagne « prophétique », il parle bien, d’une façon particulière, du quotidien des français. Et s’il abandonne sa ligne, il n’existera plus. Il ne peut, bien sûr, maîtriser la prise de conscience. Nonobstant le reste (programme, etc…), tout ce qu’il fait doit avoir comme but premier de l’accélérer.

François Martin

(*) « I have nothing to offer but blood, toil, tears and sweat ». Discours de Churchill à la Chambre des Communes le 13 Mai 1940.(**) Dans ce sens, ses interventions à Marseille ou devant Gilles Bouleau sont exactement ce dont il avait besoin pour relancer sa campagne, comme le diktat du CSA l’avait initialement lancée. Encore faut-il qu’il impose sa lecture victimaire des choses : « On cherche à me faire taire parce que je mets en cause les privilèges des profiteurs et des puissants. C’est la preuve que je défends les français ».

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