Par François-Louis de Voyer, cofondateur et interviewer de Livre Noir et président du cercle Audace.
Notre ami François-Louis de Voyer, cofondateur et interviewer de Livre Noir, président du cercle Audace, était avec Marion Maréchal à Budapest où se tenait, les 23 et 24 septembre derniers, le 4ème sommet démographique international, présidé par le Premier ministre hongrois Viktor Orban. Il y retrouva, outre Mike Pence, ancien vice-Président des Etats-Unis, Eric Zemmour : occasion, bien sûr, d’échanges nourris et de quelques photographies de famille propres à mettre tout le monde en appétit. Récit d’un voyage qui fut aussi court qu’il fut prometteur.
Le quatrième sommet démographique international s’est déroulé sur les bords du Danube, à mi-hauteur des collines de Pest, dans la lumière métallique des premiers jours de l’automne. Dans un palais récemment restauré – la propreté et les choix patrimoniaux dans la capitale hongroise tranchent furieusement avec le Paris d’Hidalgo – l’événement s’ouvre sur un spectacle un peu naïf, une impressionnante chorégraphie en ombre chinoise mimant les grandes étapes d’une vie de famille idéale. Puis un rabbin, un prêtre catholique, un pasteur, et un patriarche orthodoxe ouvrent la première journée consacrée à la famille. Les conférences s’enchaînent, entrecoupées par des récitals ou des spectacles de danse : loin des performances imitant les techniques de l’ultra-gauche, le combat culturel à la hongroise vise le classicisme. Mike Pence, l’ancien vicePrésident de Donald Trump, apparaît fatigué et peu original en dehors d’un éloge de la souveraineté étonnant dans la bouche d’un Américain quand il ne s’adresse pas à ses compatriotes. L’organisateur et hôte du gros millier d’invités, le Premier ministre Viktor Orban, déroule son bilan en matière de politique familiale et met en garde contre la tentation matérialiste d’utiliser l’immigration comme une simple variable d’ajustement. Il apparaît solide et serein, balayant les critiques : « Nous nous contentons de dire qu’un homme est un homme, qu’une femme est une femme, et c’est pour cela que nous subissons les attaques puériles de la Commission européenne » ! Suivent des dirigeants du groupe de Visegrád ou de pays alliés (le président Serbe et celui des Serbes de Bosnie) qui, avec plus ou moins de talent ou de passion, mettent en garde contre le renversement démographique à venir – l’un d’eux rappelant, en fixant Mike Pence, que le Nigéria dans 30 ans sera plus peuplé que les Etats-Unis.
La plate-forme conservatrice voulue par Viktor Orban autour de la démographie est un succès. Certes LCI décrit ainsi l’événement : « un rendezvous qui réunit des chefs d’Etat anti-Islam, anti-immigration, anti-LGBT ». Parce qu’ils n’ont toujours rien compris. Ce sont les mêmes qui ne croyaient pas à une candidature Eric Zemmour il y a quelques jours encore. La presse et la classe politique française n’ont, globalement, rien vu venir. Elles sont en état de sidération. Elles prennent Viktor Orban pour un réactionnaire, elles considèrent Eric Zemmour comme un polémiste ou Marion Maréchal comme une simple directrice d’école. Le Premier ministre hongrois, lui, avait parfaitement saisi l’enjeu en invitant ces deux personnalités politiques françaises quelques mois avant un scrutin majeur pour notre pays (alors que sa propre réélection se jouera également au printemps prochain). Viktor Orban est tout sauf « réac », c’est un pragmatique, un homme d’expérience qui a compris qu’il fallait investir tous les champs de bataille : le terrain académique, les médias, les arts, le secteur associatif, l’influence à l’international (il y injecte près de deux points de PIB). Loyal envers ses alliés, il a une longévité politique et une trajectoire trop souvent ignorées en France : en 32 ans de vie publique, il a été 16 ans au pouvoir, 16 autres dans l’opposition, le temps de ruminer sa doctrine : l’illibéralisme, un conservatisme de combat. Après l’intervention de Marion Maréchal, prévue sous un format « table ronde » et transformée en dernière minute en discours au pupitre, le Premier ministre hongrois l’a reçue pendant près de deux heures alors qu’une trentaine de minutes était prévue au programme. Un membre d’un cabinet ministériel hongrois nous a soufflé ensuite que Viktor Orban lui voyait un grand avenir politique. Exceptionnellement, la directrice de l’ISSEP a accepté de s’exprimer devant les nombreuses caméras de médias français. « Eric Zemmour est un homme intéressant pour le débat public car il va forcer le débat présidentiel à se faire aussi sur des sujets comme l’identité, comme l’immigration, comme les sujets culturels ». Marion Maréchal n’a jamais caché son amitié et son admiration pour le candidat putatif le plus célèbre de France.
La famille était décidément au programme
Lorsque Eric Zemmour est arrivé à Budapest le 24 septembre, au lendemain de son débat avec Jean-Luc Mélenchon. A sa descente d’avion, il a été assailli de demandes d’autographes. Comme si sa dimension avait changé. Un débat digne d’un cœur de campagne présidentielle et un voyage international, avec réception par un chef d’Etat, l’ont fait passer du statut de trouble-fête à celui d’homme politique. Dès son arrivée au « sommet de la démographie », il a tout naturellement retrouvé Marion Maréchal autour d’un déjeuner, avec d’autres intervenants et à l’invitation de Katalin Novák, ministre chargée de la famille et viceprésidente du parti de Viktor Orban, le Fidesz. Leur rencontre, épiée par les journalistes présents, ne s’est pas déroulée autrement que les dizaines de fois où ils se sont vus précédemment : avec amitié et simplicité. C’est déjà ce qui avait présidé, en septembre 2019, à la Convention de la Droite, ce jour où Eric Zemmour avait enfilé pour la première fois un costume politique encore mal taillé. Au fond, la Hongrie est une nouvelle édition de cette Convention, et la droite semble se tourner sans qu’on la force vers le candidat qui se réclame d’elle, qui assume ses convictions, qui réussit ses débats. Zemmour est efficace, il va vite, il tape fort, Maréchal avance discrètement, voit loin. Le premier est mûr pour 2022. La seconde pour 2027 ? Une certitude, il n’y aura pas de coup de poignard dans le dos entre ces deux-là ! Après ce long déjeuner, Eric Zemmour est intervenu au cours d’une table ronde où on le sentait trépigner devant des échanges ralentis par les délais de traduction. Recul historique, remarques diplomates sur les relations francohongroises, constat courageux et limpide, solutions esquissées claires et percutantes… Sans surprise, l’exercice est réussi, malgré un format peu adapté. Après son allocution, Eric Zemmour a été reçu également fort longuement par le Premier ministre hongrois dans son palais. L’Histoire ne dit pas encore ce qu’ils se sont raconté, mais une chose est certaine : l’épisode hongrois fut pour Eric Zemmour un sans-faute : il a échappé aux polémiques, a tenu son rang de presque candidat, a renforcé sa stature, a soudé ses amitiés. C’était donc bien la famille qui était au programme en Hongrie, l’unité peut-être enfin retrouvée de la grande famille de droite. Bien entendu, personne ne peut prévoir, à ce stade embryonnaire de la campagne, qui se ralliera à Eric Zemmour, et quand s’opéreront les soutiens, mais une chose est certaine : le peuple de droite est lassé des divorces de ceux qui la représentent.