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Des Européens faibles et couards

Par Jean-Frédéric Poisson

Président de VIA – La Voie du Peuple
Directeur de la Publication du Nouveau Conservateur

Ça recommence ! Les experts colonisent les plateaux pour commenter la guerre russo-ukrainienne, pour beaucoup d’entre eux avec la même clairvoyance que, il y a quelques mois, les médecins (ou les mêmes experts…) commentaient l’évolution de la crise sanitaire. Et toujours la même méthode: une goutte d’eau fait déborder un vase, et la presse française préfère commenter le débordement plutôt que de s’interroger sur les raisons pour lesquelles le vase était plein. On dira qu’un tel effort est inutile. La messe semble dite en effet : le Président russe est un fasciste dictateur, obsédé comme tous les dictateurs fascistes par l’expansion de son territoire et la domination de tout ce qui n’est pas lui, ou chez lui. Pour grotesque qu’elle soit, cette vision rencontre un certain succès. Elle alimente le discours des « Européens », celui des responsables de l’OTAN et celui de notre Exécutif. Mais même si le déclenchement des hostilités martiales incombe uniquement à Vladimir Poutine, on ne peut raisonnablement défendre l’idée qu’il porte seul la responsabilité de ce conflit. Depuis 30 ans, les Russes n’ont cessé d’alerter l’Occident sur deux points: 1/ dans ce monde qui ne peut pas être unipolaire, la Russie entend exister et jouer un rôle 2/ l’OTAN ne peut pas sans cesse ignorer ses promesses et ses engagements de ne pas s’étendre vers l’Est (le premier fut pris en 1991 !) et empêcher la Russie de défendre ce qu’elle considère être (et qui fut toujours) ses intérêts vitaux. A plusieurs reprises, la Russie a fait savoir qu’elle n’accepterait pas de nouvelles extensions de l’« Organisation du Traité de l’Atlantique Nord » jusqu’à ses portes. Un premier avertissement avait été lancé à Munich, en 2007, après l’intégration des trois états baltes au sein de l’OTAN, un second un an plus tard, à la conclusion du sommet de Bucarest : les responsables de la même OTAN y avaient déclaré leur volonté d’intégrer désormais l’Ukraine et la Géorgie. Le président Poutine avait été clair : « cela ne se produira pas ». Les Occidentaux n’ont pas entendu, ou voulu entendre, cet avertissement. Ils ont persévéré. Les Américains, obsédés par leur volonté de faire plier la Russie, ont entraîné derrière eux des européens faibles et couards. Cet attelage incertain a tout fait pour « dé-russifier » l’Ukraine en pensant que l’opération arriverait à son terme sans réaction des Russes. Il était naïf et dangereux d’imaginer que ceux-ci laisseraient le berceau historique de la Russie passer sous le contrôle de Wall Street, de Davos, de G. Soros et de l’OTAN . Les Occidentaux ont voulu faire avec l’Ukraine, à une plus grande échelle, ce qu’ils avaient réalisé en arrachant le Kosovo à la Serbie il y a vingt ans . La Serbie n’a pas eu les moyens de faire front alors . Les Russes qui, alors très faibles, ont avalé l’insulte, ont relevé la tête, et ne se laisseront pas faire aujourd’hui : c’est ce que n’ont pas compris les Occidentaux . Leur aveuglement les a perdus . Mais il y a plus grave : en fait, les dirigeants occidentaux d’un côté et le président Poutine de l’autre ne sont pas du même siècle . Nos occidentaux sont des progressistes forcenés . Ils croient dans la puissance irrésistible des instances internationales . Ils sont convaincus que les intérêts nationaux sont solubles dans les traités, et que la bonne volonté européenne peut venir à bout de tous les agacements . Ils ne sont pas armés, sinon de leur « bon droit » . Puisqu’ils défendent la démocratie, les « valeurs », ils croient que tout leur est permis . Ils sont du XXIe siècle . Cet orgueil nous avait déjà conduits au pire dans tous les coins du monde, de manière spectaculaire au Proche-Orient, en Afrique, en Afghanistan . Les conséquences seront les mêmes . D’abord parce que le Président Poutine est plutôt un homme du XIXe siècle . Il sait, lui, que les intérêts nationaux sont vivaces, et qu’il est donc toujours légitime de les défendre . Il constate que le modèle occidental de la paix et de la démocratie ne s’impose nulle part sans la contrainte et le mensonge . Et que le triomphe apparent du capitalisme sans limite ne se fait qu’au prix du malheur du plus grand nombre . Ensuite parce que les arguments « moraux » des Occidentaux n’impressionnent plus personne : le mensonge et l’hypocrisie auront eu raison de leur prétendue solidité . Les Occidentaux imaginent que le droit est leur meilleur ami, au point de pouvoir l’utiliser et le lire à leur profi t lorsque cela les arrange, au détriment de leurs adversaires quand c’est opportun . Ils professent la diplomatie de la promesse et de la parole donnée mais ne les respectent pas . Ils disent vouloir propager dans le monde entier les principes de la démocratie, mais ils les tordent à peu près partout sur la surface de la planète – et, de plus en plus souvent, chez eux . Cette géométrie infi niment variable ne les gêne jamais . N’y avait-il pas quelque chose de succulent à entendre des protestations de jeune fi lle des dirigeants américains à l’encontre des supposées tentatives de manipulation des élections américaines par la Russie ? Comme si les États-Unis n’étaient jamais intervenus dans aucun scrutin en dehors de leur sol, et n’avaient jamais modifi é à leur avantage le déroulement d’une campagne électorale ? Comment établir des relations confi antes avec des interlocuteurs qui n’ont de l’éthique qu’une vision machiavélique ?

Jean-Frédéric Poisson

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