0,00 EUR

Votre panier est vide.

De la dette publique et de ses conséquences

Par Victor Fouquet

Jeune fiscaliste (il est né en 1991) dont les conseils font déjà référence,
auteur d’ouvrages remarqués, dont une instructive Anthologie de
« La pensée libérale de l’impôt » (2016, éd. Libréchange, préf.
Pascal Salin), éditorialiste dans plusieurs publications, Victor Fouquet
énumère ici les graves inconvénients de l’endettement à tout va, qu’ignorent
souvent les têtes légères qui s’en font les chantres : si la zone euro connaît les
taux de croissance parmi les plus bas du monde, c’est en partie à cause de cette
très dangereuse fuite en avant…

Un discours à la mode a répandu l’idée que la hausse de la dette publique ne
serait pas un problème. De fait, nous explique-t-on, « si la dette a augmenté, la
charge de la dette, elle, a baissé ». Il est exact que, en France le poids des intérêts de
la dette a reculé. Tandis qu’elle représentait 16 % du budget de l’État au moment
de la crise des subprimes, la part de la charge de la dette devrait être inférieure à
10 % en 2021 (9,6 % d’après les prévisions de l’État). D’où l’on déduit que le
Gouvernement devrait dépenser sans compter… Les partisans de l’endettement
illimité feignent toutefois d’ignorer – plus ou moins délibérément – les coûts
économiques substantiels associés à un tel laisser-aller. Rappelons tout d’abord que
la part de dette détenue par des non-résidents représente environ la moitié de la
totalité de la dette publique tricolore. L’endettement public fragilise ainsi notre
souveraineté en même temps qu’il appauvrit notre pays en favorisant la fuite des
revenus vers l’étranger. Précisons ensuite que la diminution de la part de la charge de
la dette dans la dépense publique ne saurait avoir pour effet d’annuler les montants
des intérêts payés. Ainsi, les quelque 38 milliards que représente le service de la
dette française en 2021 ne constituent pas une somme négligeable dans un pays
où les services publics (hôpitaux, universités, prisons, etc.) sont en capilotade et où
l’innovation peine à être financée.

La morphine monétaire nous endort

Surtout, on aurait tort de croire que la baisse continuelle des taux d’intérêt
protège d’un déplacement contreproductif de l’épargne du secteur privé vers le
secteur public. Le déplacement ne fait en réalité qu’emprunter un chemin différent.
Au lendemain de la crise de 2009-2010, les États membres de l’Union européenne
ont durci la réglementation bancaire, discriminant entre les titres privés et les
titres publics au bénéfice de ces derniers présumés non risqués. Pour le dire plus
simplement, la réglementation pesant sur les banques a conduit à définir « a priori »
ce qui était risqué et ce qui ne l’était pas, en sorte que les établissements financiers
sont désormais incités, en dehors de toute rationalité économique, à privilégier les
titres publics au seul motif de satisfaire à la réglementation en vigueur. Par ce biais
réglementaire, banques et compagnies d’assurance sont en quelque sorte « forcées ».

à détenir des titres publics, dans l’unique but de permettre aux États de s’endetter
toujours plus. Cet effet d’éviction est d’autant plus problématique en France que,
comme l’a montré le politologue Luc Rouban, la pratique du pantouflage entretient
les liens entre la haute fonction publique et les établissements de crédit(1). De fait,
les principaux établissements détenteurs de créances publiques françaises (AXA,
Natixis, BNP Paribas, etc.) sont dirigés par d’anciens hauts fonctionnaires, sans
que personne ne s’émeuve des intérêts communs susceptibles d’unir ceux qui, en
amont, édictent les règles et ceux qui, en aval, sont chargés de les appliquer.

Les taux de croissance de la zone euro sont parmi les plus faibles du monde

Il y a un autre effet délétère induit par un endettement toujours plus élevé et des
taux d’intérêt toujours plus bas : relâchant la contrainte budgétaire, la diminution
de la charge de la dette favorise l’affectation de l’épargne à des dépenses publiques
improductives et la détourne, du même coup, de l’investissement productif. Addictive,
la morphine monétaire administrée par la Banque centrale européenne (BCE) a donc
pour autre effet de « désinciter » l’État à se réformer. Car, si la dette publique française
a triplé en vingt ans, les quelque 6 000 milliards d’euros créés dans le même temps
ex nihilo par la BCE ont permis à la France de s’endetter sans augmenter le coût du
service de la dette, c’est-à-dire sans avoir à engager la moindre réforme structurelle
relative au périmètre de la sphère publique – réforme que justifie pourtant pareil
endettement. Une fois de plus, les gouvernements ont pris l’habitude d’utiliser les
facilités de paiement qui leur étaient ainsi offertes pour gagner des voix lors des
échéances électorales et transférer à leurs successeurs la gestion des problèmes au long
cours. Utilisée pour financer dépenses de fonctionnement, prestations et assistances
diverses plutôt que des dépenses d’investissement, alors que seule la dette générée
par ces dernières constitue un actif pour le futur, la politique d’endettement a bridé
le cercle vertueux de l’épargne, de l’investissement et de l’augmentation du pouvoir
d’achat. Jusqu’à quand les gouvernements pourront-ils se refiler la patate chaude ?
Les rachats massifs d’actifs et la politique des taux extrêmement faibles et
même négatifs de la BCE ont pour autre effet nocif de distordre les prix relatifs de
différents biens et des structures de production, et d’approfondir la déconnexion
entre l’économie réelle et la sphère financière. Ils empêchent par conséquent
l’ajustement harmonieux et permanent de l’offre et de la demande. La manipulation
des taux d’intérêt monétaire perturbe le comportement des entrepreneurs et les
choix qu’ils font dans le temps entre consommation immédiate et consommation
future (c’est-à-dire l’épargne, laquelle conditionne l’investissement privé). L’échec
de ces politiques monétaires, utilisées depuis la crise des subprimes prétendument
pour stimuler l’activité économique, est cuisant. En témoignent depuis plus de dix
ans les faibles niveaux de croissance au sein de la zone euro, qui sont parmi les plus
faibles au monde. La solvabilité de la dette publique que soutient la BCE se fait en
d’autres termes au détriment de la croissance économique.

Retrouvez la suite de l’analyse de Victor Fouquet dans le numéro 4 du Nouveau Conservateur – Eté 2021.

Voir aussi

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici