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Vous reprendrez bien un peu de crédit social ?

Par Florent Ly-Machabert, professeur agrégé d’économie, éditeur de presse indépendant, chercheur pour Action Ecologie

Florent Ly-Machabert est professeur d’économie et de science politique, chargé d’enseignement à l’EDHEC et à l’Ecole d’Economie de la Sorbonne, conférencier pour l’IFP (le très excellent excellent Institut de Formation Politique de Paris). Auteur de plusieurs ouvrages (notamment Economie formelle et lutte contre la pauvreté en 2018), il fut consultant en stratégie puis en développement économique pour de nombreuses collectivités publiques, notamment sur la question des industries créatives et des nouveaux modèles de croissance. Il a fondé en 2013 Samarie & Cie, un institut de vulgarisation à visée libérale-conservatrice qui publie, sur abonnement, « Finance & TIC », une lettre mensuelle de formation (économie, finance personnelle) et de réinformation, pour les moins de 30 ans (samarie-cie.fr). Il collabore aussi au groupe « Action Ecologie » qui a pour ambition de « promouvoir une écologie responsable, soucieuse des paysages, des traditions et des libertés mais aussi combattre les solutions coûteuses et inefficaces des fossoyeurs de l’écologie » (www.actionecologie.org). Un sémillant conservateur dont la créativité fait de lui un défricheur très sûr des temps à venir !

Parce que notre environnement naturel, nos racines, notre terroir et notre patrimoine méritent d’être conservés et donc protégés dans ce qu’ils ont de plus fragile, la question écologique doit retrouver toute sa place dans l’esprit conservateur, où elle a pourtant pris naissance, mais qui a laissé le marxisme culturel la préempter. En réfutant l’idée que l’histoire avance inéluctablement vers le progrès, en battant en brèche l’obsession de rupture avec le passé pour sans cesse « réinventer le présent », le conservateur assume son double statut d’héritier et de passeur, au sein d’une société qu’Edmund Burke a décrite si justement comme « un pacte entre les vivants, les morts et ceux qui ne sont pas encore nés ». Sa philosophie l’incline ainsi à adopter en toutes choses une posture de scepticisme et à faire sienne la vertu de prudence, qui consiste notamment à se tenir aussi loin qu’il est en son pouvoir des certitudes scientistes, pourtant remises au goût du jour par la crise sanitaire.

Le conservateur mesure combien il est vain de s’insurger contre l’immuabilité des cycles climatiques et des extinctions d’espèces : il se laisse en revanche inquiéter par l’accélération avec laquelle ces changements se produisent ; il convient avec le Pape François qu’il est pressant de concevoir l’« écologie intégrale », c’est-à-dire de cesser de séparer artificiellement notre environnement, d’un côté, jugé pur, naturel et propre, et l’humanité, de l’autre, qui, au lieu d’être perçue comme un corps étranger, doit, au contraire, être pleinement intégrée à la nature ; le conservateur est, enfin, étranger à la tradition de l’« écologisme primaire », volontiers romantique et rousseauiste, qui n’a de cesse d’idéaliser l’état de nature, pourtant jadis synonyme de famines, de graves épidémies et de prolifération des prédateurs ce qui serait aisément contestable. Mais l’écologiste primaire, indiscernable en cela de l’écologiste politique, a la fâcheuse tendance soit à occulter les faits les plus irréfutables, soit à en interpréter d’autres de façon catastrophiste ou excessivement malthusienne1 , c’est-à-dire, dans les deux cas, idéologique, s’abritant derrière un discours punitif censé masquer son incompétence, mais caractéristique des pulsions totalitaires de tous les ennemis de la liberté – et ils sont nombreux dans la caste actuellement au pouvoir…

La camisole dorée du progressisme

Au demeurant, le projet de « Grande réinitialisation2 » porté par le Forum économique mondial (dit « de Davos ») est très révélateur du peu d’égards qu’ont l’élite économique mondiale et les gouvernants occidentaux, qu’elle influence passablement, pour la démocratie et le suffrage universel, qui ont – horreur ! – conduit à des « accidents de l’histoire » aussi graves que l’élection de Donald Trump et le Brexit en 2016, ou encore le non du peuple français au référendum de 2005 sur les institutions européennes : c’est que les oligarques ont fait leur le trilemme institutionnel de Rodrik3 , qui souligne l’incompatibilité entre la mondialisation, la souveraineté et la démocratie et qui, commandant d’en sacrifier une sur les trois, nous enferme dans une « camisole dorée » dans laquelles les valeurs de la démocratie libérale, et notamment les libertés individuelles, ont bel et bien disparu, sacrifiées sur l’autel de l’évolution technologique et d’un Progrès qui ne dit jamais où il va, ni qui il est et dont il est désormais prohibé de discuter jusqu’au bien-fondé.

Cette option idéologique, d’essence totalitaire, déplace donc graduellement le centre de gravité de nos sociétés occidentales non seulement vers la domination étatique, exacerbée en France en un « capitalisme de connivence » entre les pouvoirs économique, médiatique et politique, mais aussi vers la surveillance généralisée. A cet égard, la « santé publique » et la « transition écologique » constituent les deux terrains de jeu privilégiés des « davocrates » qui ont, à la faveur de la crise sanitaire de la Covid, accéléré leur agenda de promotion d’un « crédit social à l’occidentale », pour tenter de sauver (en vain, à notre sens), le modèle de profit capitaliste post-45, en le maquillant tantôt de vert, tantôt de rouge, mais les deux dans des camaïeux toujours très sécuritaires4 et autoritaires. C’est ainsi que, sous un prétexte hygiéniste scientifiquement fallacieux5 , s’est généralisé le « passe sanitaire », dont le nom même va jusqu’à brouiller les pistes dans certains pays, puisque les Italiens, mais aussi les Israéliens, l’ont baptisé « Green pass », préfigurant déjà son transfert dans le champ environnemental ; ce qu’on a d’ailleurs déjà observé cet été dans les Bouches-du-Rhône, où l’accès à certains grands sites naturels généralement sur-fréquentés6 en cette période de l’année, a d’ores et déjà été soumis à la présentation d’un QR code.

Dans le même esprit, le Nigéria a annoncé vouloir limiter l’accès des non-vaccinés aux services bancaires, ce qui est du crédit social au grand jour et donne un aperçu saisissant sur l’évidente instrumentalisation politique de la crise sanitaire et son exploitation – je cite Klaus Schwab en personne – comme « fenêtre d’opportunité pour changer les habitudes de vie, les comportements sociaux et sociétaux et accélérer la quatrième révolution industrielle, celle de la digitalisation ». Il est donc tout naturel pour la caste du World Economic Forum de continuer à tirer le fil du contrôle social de masse et à pousser les pions d’un passe sanitaire dont la mise en application, plus contestée dans la rue qu’elle ne le pensait, va vraisemblablement laisser la place à un « passe carbone » (dont nous ne donnons pas cher non plus).

C’est en tout cas ce que laissent entendre la multinationale américaine de gestion d’actifs BlackRock, impatiente semble-t-il de faire ses choux gras du basculement de la finance dans la transition environnementale, mais aussi les institutions européennes : nous en voulons pour preuves la conversation que Mme Lagarde a eue le 1er septembre dernier avec Schwab – encore lui ! – au cours de laquelle elle a donné mandat à la Banque Centrale Européenne, qu’elle préside, de lutter contre le réchauffement climatique, ceci au mépris de tous les traités de l’Union européenne ; mais aussi, au printemps dernier, la publication par la Commission Européenne d’une « Taxonomie verte » établissant une nomenclature fine des activités économiques vertueuses en matière climatique. Il ne manque plus qu’un système de score associé et son extension aux comportements individuels pour que cette classification constitue l’armature d’un crédit social citoyen à l’occidentale.

Retrouvez la suite de cette analyse de Florent Ly-Machabert dans le numéro cinq du Nouveau Conservateur

Le lecteur voudra bien nous pardonner cette infographie, certes en langue anglaise, mais qui reste des plus instructives pour compléter la lecture.

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