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Pour une autre politique culturelle – Entretien avec Julien Aubert

Propos recueillis par Valentin Gaure

Fils unique d’une vieille famille de Carpentras, Julien Aubert tient passionnément à ses racines vauclusiennes, département qu’il représenta entre 2012 et 2022 à l’Assemblée nationale. Esprit patriote au discours franc, il fut le condisciple d’Emmanuel Macron à l’ENA… Comme en miroir inversé de son ancien camarade, il s’est imposé en procureur sceptique de l’Union européenne ; pourfendeur du saut fédéral, inspiré par l’héritage de Charles Pasqua et de Philippe Séguin. Aujourd’hui Conseiller référendaire à la Cour des Comptes, Julien Aubert est l’un des plus proches adjoints d’Éric Ciotti à la tête des Républicains. Il préside aussi Oser la France, laboratoire d’idées et d’actions, héritier du Rassemblement Bleu Lavande lancé comme un écho au Rassemblement Bleu Marine. Pour compléter notre triade des trois grands partis de droite, il a choisi de s’interroger ici sur ce beau mot de « Culture » qui demeure pour cette droite un impensé trop longtemps laissé en friche.

Commençons par une question directe : quelle définition proposeriez-vous du mot culture ?

Il convient d’opérer une différence très nette entre la culture et la civilisation. Si la culture consiste en des projections symboliques, un ensemble de rites et de liens, la civilisation représente un volet moral essentiel. Ainsi, les Aztèques par exemple, qui pratiquaient le sacrifice humain, sont l’émanation d’une culture mais pas d’une civilisation. Evidemment, on peut considérer la culture comme la conjugaison d’un passé, d’un patrimoine, de connaissances et d’activités. Pour vous répondre, je rappellerai ce sondage réalisé il y a quelques années auprès de la population française. Il apparaissait que pour 30 % des personnes interrogées, la culture, c’était d’abord les beaux-arts, l’éducation classique… Une vision finalement réduite au principal et à l’essentiel. Une majorité des Français (60 %) sont des « libéraux culturels ». Ils ont une vision très large de la culture, pouvant s’étendre à de nombreux domaines de l’ordre du « para[1]culturel » : les séries, le jeu vidéo, le jardinage, la cuisine, et même le sport ! Pour compléter, notons que 10 % de la population se dit « anti-culture » – ce sont les « réfractaires culturels », ceux pour qui ce mot n’a aucune signification.

En lien avec les Républicains, vous présidez Oser la France. Ce mouvement politique est-il doté d’un programme culturel et pourriez-vous nous en indiquer les grandes lignes ?

En effet, nous avons consacré à la thématique culturelle notre dernier Conseil national, organisé à Lyon. Je crois qu’un programme en la matière doit reposer sur deux piliers. D’abord la conservation, avec l’aspect essentiel du patrimoine, des beaux-arts, notamment de la protection des églises. Il est fondamental de défendre notre héritage et de le transmettre. Je crois toutefois qu’il faut sortir le patrimoine du périmètre culturel pour lui donner une existence propre, notamment via les collectivités locales – trop souvent démunies pour engager les travaux nécessaires. Ce premier point fait relativement consensus. Et puis il y a le second volet, la création. Est-ce à l’Etat d’orienter la culture ? En France, cela est toujours le cas. Nous pourrions citer la Renaissance, le Grand Siècle ou même le Front populaire, avec Léo Lagrange et Jean Zay. Le danger aujourd’hui est évidemment le wokisme. Nous devons cesser toute subvention à ces acteurs anti-culturels. Enfin, je suis un partisan de la médiation culturelle. Bien que Malraux ait mis en œuvre, durant son passage au gouvernement, une politique culturelle ambitieuse et décentralisée, il ne croyait guère à l’idée de médiation. Pour lui, l’art devait être un choc émotionnel, un instinct et même un sursaut. Il ne fallait pas tenter d’expliquer ou d’amener les choses. Mais je crois qu’aujourd’hui, à l’ère du divertissement, il convient de mettre en œuvre des approches ludo-éducatives, notamment pour les jeunes et les 10 % de réfractaires à la culture. Il faut les amener à la culture sans le dire, par exemple par le cinéma ou les jeux vidéo.

A côté du programme, il y a l’intendance. Que pensez-vous du ministère de la Culture ? Livrée au copinage et au parisianisme, la Rue de Valois semble prisonnière d’une politique de guichet, incapable de toute initiative d’ampleur. Les ministres qui y font le tourniquet défilent à une vitesse impressionnante, paraissant tous plus inaudibles les uns que les autres…

L’administration et l’art ne peuvent que difficilement faire bon ménage, c’est certain. Lorsque vous regardez les FRAC (fonds régionaux à l’art contemporain), vous constatez que 9 fois sur 10, cela ne marche pas. En effet, comment une commission de dix personnes peut-elle effectuer des choix culturels audacieux ? L’artiste, c’est la marge, certainement pas la moyenne ou le plus petit dénominateur commun. Il faut orienter le ministère de la Culture à la fois sur les nouveaux enjeux des arts culturels, dont la musique et la technologie peuvent être les vecteurs. Et puis il faut surtout protéger le modèle économique de certaines disciplines comme le théâtre. Monter une pièce de théâtre en 1600 ou aujourd’hui, c’est sensiblement le même coût, le même investissement. Il convient donc de soutenir les initiatives locales qui ne peuvent pas vivre sans subventions. D’autres mesures, qui relèvent du simple bon sens, sont prometteuses. Il faut par exemple développer les friches culturelles, lieux inhabités que l’on peut confier à des artistes pour créer. L’audiovisuel public enfin doit être promptement réorienté pour aboutir à un « Netflix à la française ».

Quelles sont vos grandes références culturelles et littéraires ?

Mon parcours est celui d’un autodidacte, à mi-chemin entre le classique et la culture de marge. Le classique pour Dumas, Hugo, Apollinaire, Shakespeare aussi, que je préfère à Molière. Je me suis aussi passionné pour des univers plus marginaux, comme l’œuvre de Tolkien – aujourd’hui mieux considérée qu’elle ne le fut. J’aime beaucoup la science-fiction, le jeu de rôle, l’univers de la fantasy. Je suis également assez mélomane – à 16 ans, j’ai voulu apprendre un instrument grâce à une collection de DVD intitulée « Grandeur du Classique »…

Vous êtes dans la politique française un défenseur reconnu de la Francophonie et de la langue française que vous portez haut. On se souvient que, à l’Assemblée, vous teniez à nommer la présidente de séance par le vocable classique « Madame le président » refusant ainsi la féminisation des titres aujourd’hui dominante.

J’ai vécu longtemps aux Etats-Unis où j’ai pu constater qu’à rebours de la passion qu’on entretient ici pour le globish, il est très bien vu, là-bas, de ponctuer ses phrases par des expressions françaises. Cela fait très chic ! Quant à cette petite affaire de l’Assemblée nationale, je persiste à penser que j’ai eu raison – tant pis pour le politiquement correct. Je suis très opposé à la politisation du langage, qui aboutit à tout ce que l’on constate aujourd’hui : l’écriture inclusive, les mots interdits, les réécritures [comme récemment encore avec l’œuvre d’Agatha Christie, accusée de comporter des mots « offensants » – ndlr]. Si une langue peut évoluer, c’est seulement par l’usage de la société et jamais par décision politique ou idéologique. Quant à la Francophonie, elle souffre d’une trop faible reconnaissance. J’ai quelques propositions à ce sujet : dabord, je crois qu’il faut sanctuariser l’Académie Française en assurant son entrée dans la Constitution, afin de lui offrir un véritable statut ; il faudrait également poursuivre son ouverture vers la Francophonie, en y nommant davantage d’auteurs Québécois ou Africains. Mais le premier combat à mener reste bien entendu celui de l’Ecole. Voilà pourquoi Oser la France, dans son « 15 de France », ce programme politique que nous avons proposé en 2022, place, comme première priorité, celle de « faire du Français une grande cause nationale ». Cela se traduit par une proposition concrète : un examen d’entrée en 6e qui assurerait la maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul mental.

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