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L’origine des mots : monde, mondial

par Jean Pruvost

La période est marquée par un championnat du monde, de foutebole en l’occurrence, et à y réfléchir, ce mot même de « monde » dès lors qu’il devient adjectif, « mondial » sonne de manière extrêmement forte. On pense aux deux « guerres mondiales » mais heureusement aussi à des combats qui rassemblent des équipes de sport, d’où est né non plus un adjectif mais un nom, « le » mondial.

En définitive voilà deux mots, « monde » et « mondial » – mondialement connus si j’ose dire – qui ne sont pas d’étymologie transparente. Alors pour une fois, avant de remonter à la racine antique du mot, on peut rappeler l’évolution même du mot. Ainsi, rappelons-nous, le 12 octobre 1492, Christophe Colomb atteignait le Nouveau Monde disait-on. Ce qui fait naître incontinent l’ « ancien Monde ».

À dire vrai le monde devint dès lors toujours plus complexe. En 1539, en son dictionnaire françois-latin, Robert Estienne choisit le cumul : « Le monde, le ciel & tout de contenu de celuy-ci  », suivi d’un exemple rappelant la perception première « Au milieu du monde la terre est située ». Quant à Richelet, en son Dictionnaire françois, notre premier dictionnaire monolingue publié en 1680, il se montre habile en proposant pour définition du monde « La terre, les cieux é ce qui est entre la terre et les cieux » . Enfin, au Nouveau Monde attesté dans l’usage en 1516 et à l’Ancien Monde tardivement attesté, en 1690, allait succéder « le tiers monde » en 1952, suivi de près par le Quart Monde en 1969.

On oubliera l’équivoque « demi-monde », mais pas « l’autre monde » attesté en 1585 pour désigner l’au-delà.

Alors d’où vient ce mot, « monde » qui en effet a été l’objet d’usages l’amplifiant au fur et à mesure ?

Comme bien des mots au sens profond, pour ainsi dire universel, on a recours au latin, « mundus », mais de fait impossible aux étymologistes de trouver une origine plus lointaine que le latin. Le mot latin « mundus » avait en réalité deux sens : un premier sens signifiant « net, » propre d’où aussi élégant, coquet, sans doute ces sens partant d’une première signification de mundus, le coffre dans

lequel la mariée apportait son trousseau de toilette. On retrouve en fait ce sens consacré à ce qui est net et coquet dans des mots justement fondés sur l’opposition à ce qui est propre avec l’adjectif « immonde » d’où est tiré le mot « immondice » ou encore avec le verbe « émonder », c’est-à-dire débarrasser un arbre des branches mortes, des plante parasites. Et là avec ce sens du mot « monde » lié à la propreté, on se trouve aussi avec un calque du grec kosmos, exprimant déjà l’idée de propreté, qu’on repère dans un mot comme un « cosmétique » par exemple. Et de ce fait, en grec, le cosmos représentant la notion de moise en ordre, philosophiquement on arrive à l’idée de l’univers considéré comme un système bien ordonné. En fait le mot latin « mundus » a rassemblé dans la même dynamique un triple concept : d’abord ce qui net et ordonné, puis la parure et l’ornement, enfin le monde dans sa totalité.

Et il y a finalement les mots « mondain » et « mondial ». En effet, en faisant attention au fait que « mondain » est un mot d’abord religieux, on distinguait en effet naguère la vie monastique détachée du monde, de la vie mondaine, dans le monde, avec ses vanités. C’est au XVII e siècle que l’adjectif « mondain » est devenu le fait d’être attaché aux divertissements. Quant à l’adjectif « mondial », relatif à la terre entière, il est attesté au début du XVIe siècle avec un sens alors proche de « temporel » s’opposant à « spirituel », et il faut en fait attendre le XIXe pour que ce soit relatif au monde entier, synonyme de « planétaire » et hélas au XX e siècle, ce fut l’adjectif choisi pour la Première et la Seconde Guerre, dite donc « mondiale ». Et je ne recommanderai jamais assez de consulter le Dictionnaire de l’Académie française, qui est gratuit sur Internet, et qui nous rappelle que « le mondial » donc substantif masculin est un emploi qui a été emprunté à l’espagnol au cours de la Seconde moitié du XX-ème siècle. En fait comme on le constate le mot « monde » a une belle et grande famille, avec même d’anciennes expressions qui ne manquaient pas de charme et un redoutable jeu de mots…. Par exemple, on disait à quelqu’un ne sachant pas grand-chose, au XVII e siècle, mais « De quel monde venez-vous ? » On évoquait aussi « l’an du Monde », qui correspondait à l’an de la création du monde ». Enfin, les anagrammes sont cruels ! Quel est l’anagramme du mot monde ? Démon ! Ah le démon du foot, on l’a un peu tous en ce moment ! Mais heureusement le verbe « mondialiser » est plus joyeux, son anagramme étant limonadier. Eh là on se retrouve dans le registre de la gastronomie… pas très loin de l’excellente bûche de Noël que j’ai devant les yeux… Ah une bonne limonade en suivant la finale pour aider les bleus à envoyer le ballon dans le cosmos !

Jean Pruvost

Jean Pruvost, lexicographe, dicopathe, vient de publier : Marcel Proust psychologue original dans les dictionnaires (1920-1960), préfacé de Thierry Laget, Éditions Champion, 200 pages, 20 €. Cette chronique a été lue à l’antenne de Radio Notre Dame le 16 décembre 2022, dans la matinale de Louis Daufresne.

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