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Denis Tillinac, mousquetaire catholique et gaulliste

Un an jour pour jour après la disparition de Jacques Chirac, l’anti moderne Denis Tillinac a tiré sa révérence. Catholique et patriote, ce Parisien aux racines corréziennes (son père fut un temps maire d’Auriac), commença une carrière de romancier par Le Bonheur à Souillac, faisant ainsi partie très vite de « L’École de Brive » aux côtés de Claude Michelet. Il obtint le prix Roger Nimier pour L’été anglais. Son gaullisme fut pour lui comme une seconde nature.

par Gilles Brochard

Dans son dernier éditorial de Valeurs Actuelles, Denis Tillinac ne mâchait pas ses mots et y allait franco pour railler la vague écologiste aux dernières élections municipales, attaquant ainsi : « Le maire de Grenoble n’aime pas le Tour de France, celui de Bordeaux les sapins de Noël. Leurs arguments ineptes maquillent en souci écologique un mépris de caste pour les réjouissances ou les traditions populaires. » Ne supportant pas cette fausse gauche qui méprise au fond le Français issu des faubourgs et des zones rurales, l’auteur de Spleen en Corrèze, concluait : « On lui trouve de mauvaises manières, on lui prête de mauvais instincts ». 

Il est vrai que tenir de tels propos vous fait passer volontiers pour un conservateur, voire un populiste. Et si les mots ont encore un sens, reconnaissons que ces deux-là n’étaient jamais péjoratifs dans sa bouche. Si l’on voyait davantage Tillinac comme un grognard plutôt qu’un hussard, on peut dire surtout qu’il était avant tout un mousquetaire, admirateur du panache des personnages d’Alexandre Dumas, et au-delà, de toute l’Histoire de France traversée d’ombres et de lumières.

La sainteté, l’héroïsme, l’ascèse, la piété, la tradition, la charité ne sont pas « modernes », elles postulent une transcendance et ne poussent pas à la consommation.

Cet admirateur de la lignée des rois de France était un bon républicain, un fidèle laïque qui revendiquait un romantisme du labeur, de la terre, une fierté d’être un Français patriote, suffisamment enraciné dans sa terre de Corrèze pour être le meilleur des provinciaux à Paris, cultivant un tempérament bonapartiste qui se traduisit par un chiraquisme d’action. Orphelin d’une époque à jamais révolue, au lendemain de la disparition du général de Gaulle, ce singulier franc-tireur pouvait constater le vide sidéral d’une époque engoncée dans ses reniements et ses utopies fantasmées par un mai 68 qui vira au vinaigre…

« La France des pieux, des preux et des gueux qui avait bercé mon patriotisme ne sauvait plus les apparences, écrit-il dans Le Dieu de nos pères (Bayard, 2004). J’avais associé Roland à Roncevaux, Jeanne d’Arc à Orléans, Bayard à Pavie, Condé à Rocroi, Bonaparte au pont d’Arcol, les poilus à Verdun, l’armée des ombres de Kessel dans une célébration de l’héroïsme français où la religiosité avait sa part. Une part majeure : la France et l’église, même combat contre les dragons du matérialisme. » Homme de foi, catholique traditionnaliste, Tillinac revendiquait ces mots qui résonnaient depuis l’enfance à ses oreilles : « La sainteté, l’héroïsme, l’ascèse, la piété, la tradition, la charité ne sont pas « modernes », elles postulent une transcendance et ne poussent pas à la consommation. »

Une certaine idée du Général

Né l’année de la création du RPF, en 1947, Denis Tillinac cultivait une certaine idée de la France et donc une certaine idée du gaullisme, ou du moins du Général. Deux idées traduites dans son dernier ouvrage paru pour l’année de Gaulle. Son Dictionnaire amoureux du Général (Plon) reflète largement cette vision quasi universelle d’un de Gaulle aventurier, lui qui écrivait dans ses mémoires : « À 49 ans j’entrais dans l’aventure, comme un homme que le destin jetait hors de toutes les séries ». Le militaire doublé de l’homme d’État voyait grand car son attachement quasi barrésien à la France était celui d’un visionnaire.

Comment Tillinac aurait-il pu rester insensible à ce héros si romanesque porté par l’Histoire ? Tillinac rappelle, selon Marie-France Garaud, que « la France sommeille à perte de temps dans un bourgeoisisme étriqué », qu’il faut de temps en temps réveiller, comme Jeanne d’Arc vînt houspiller Charles VII à Chinon.

Frondeur par nécessité

Paradoxe : dans son entrée « Grognards et hussards », Tillinac raconte son arrivée comme patron de La Table de la Table Ronde qui fut longtemps dirigée par Roland Laudenbach, lequel avait rassemblé autour de lui des écrivains anti-gaullistes comme Kléber Haedens, Jacques Perret, Michel Mohrt ou Jean Anouilh. Cependant, Antoine Blondin et Michel Déon devinrent ses amis et ces hussards désignés comme tels par Bernard Frank dès 1953 « auront manqué par le fait la seule aventure du siècle, c’est cela surtout qui les désolait : de Gaulle les a privés d’Histoire ». Bien vu. On connaît les racines de cette haine, remontant à la nostalgie d’un empire perdu dont le coup de grâce fut l’accession de l’Algérie à l’indépendance dont le Général fut rendu responsable et donc coupable. L’auteur de Du Bonheur d’être réac (Équateurs) le résume joliment : « Au fond, ces plumes désenchantées rejoignaient sans le savoir la mélancolie gaullienne en ceci qu’elles répudiaient les trivialités d’un monde « moderne » antipathique à leurs songeries. »

Tel fut l’homme que je connus à Saint-Germain-des-Prés, quand j’eus le plaisir d’être édité à La Table Ronde : goguenard, bougon, attaché à la France éternelle, conservateur par essence et frondeur par nécessité, provincial dans l’âme et « parigot » par provocation, mal à l’aise dans cette nouvelle société techno-digitale, aimant la vie comme il aimait les femmes, chevaleresque toujours et donnant son amitié à la vie à la mort. Un vrai cœur vaillant. Ce n’est pas un hasard s’il fut terrassé par une crise cardiaque au salon Livres en vignes à Clos Vougeot. Espérons seulement que cet amoureux de la vie, eut le temps de lever son verre de Gevrey-Chambertin en bonne compagnie.

G.B.

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