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Le journal de PMC – Juillet 2021

Paul-Marie Coûteaux

Samedi 3 juillet 2021. Hier, amusant déjeuner avec Z. et un petit aréopage bien choisi : je vois aussitôt sa force, une imparable simplicité, qui le rend disponible comme « de plein pied » avec tous, et les plus divers des caractères – cette force, aussi, qui vient du permanent sourire, jamais feint. Aperçu aussi une faiblesse, ou bien une pudeur à corriger : deux interlocuteurs lui parlent de la Providence, chaque fois il se dérobe, et revient à l’alphabet de la politique française, seul domaine qu’il sait maîtriser convenablement – lui dire que le registre de la Providence, la chanson des origines, et le lointain secours des choses invisibles fait aussi partie du registre de la France…

Partis très tôt de Paris ce matin, P. et moi – fragile douceur de l’aube -, vers 6 heures, tandis que Paris semble encore loin de s’éveiller, et plaisir, aussi, de l’autoroute dont j’ai toujours aimé l’univers. Il me dépose à Angoulême où je retrouve ma voiture et regagne mes pénates – plus exactement l’aumônerie, où, la grande maison se trouvant louée, je vais passer trois jours avant de partir, mardi, pour le Forez, afin d’enregistrer, pour TV Libertés, quelques émissions avec Bernard Lugan dans sa confortable gentilhommière la demi-montagne auvergnate. Lecture de ses ouvrages sur l’Afrique, longs morceaux pour Z., correction des ultimes articles du prochain numéro du NC, paperasses diverses – certes, je ne chôme pas ! Et pourtant, rien ne me passionne tant que l’hallucinante affaire de la Covid.
« La pandémie représente une rare mais étroite fenêtre d’opportunité pour ré-imaginer et réinitialiser notre monde » écrivait au printemps dernier, quelques semaines après l’apparition de la Covid, Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial – le fameux World Economic Forum, sis à Davos. Ce Schwab est un personnage : familier de la plupart des chefs d’État, à commencer par Emmanuel Macron (que son organisation a honoré, dès 2016, en le nommant parmi les 120 personnalités de moins de 40 ans à qui elle décerne le titre de « maîtres du monde »), il ne côtoie que les Grands, ou les puissants, notamment les chefs des plus grandes multinationales du numérique ( il se rend fréquemment en Californie). Il y a cinq ans déjà, dans un opuscule intitulé La Quatrième Révolution Industrielle (2016), Schwab affirmait que les « nouvelles technologies allaient nous mener vers un monde « que l’humanité n’a jamais expérimenté auparavant ». De fait, ce techno-progressiste pur et parfait, fervent partisan de la fabrication d’un « homme nouveau », de la planification et du contrôle des populations, voyait dans la ‘Quatrième Révolution’ une « fusion des technologies à travers les mondes physiques, digitaux et biologiques ». Et d’évoquer, dans des vidéos très officielles du Forum, un futur cybernétique combinant le corps humain avec des technologies de haute volée, des nanoparticules sur la peau, des puces dans le crâne, une amélioration générale de l’espèce humaine par croisements génétiques, transplantations de cellules animales etc…
Vaticinations d’un vieil allemand (il est né à Ravensburg en mars 1938, notation qui contrarie certes sa curieuse volonté de ne jamais indiquer l’âge ni l’origine des personnalités qu’il reçoit), ou magnifiques perspectives d’un grand optimiste, grandioses mais banal, jamais las de
reconstruire le monde ? Le croire, pour minimiser l’importance de ces vastes projets, serait oublier que le personnage, formé à Harvard, est un ingénieur de haute volée, et que le Forum économique mondial, qu’il a fondé en 1987 et qu’il dirige avec une infatigable énergie, est une
organisation forte de plus de 500 salariés, financée par les plus grandes financières et industrielles du monde, et qu’il réunit chaque année, sur les hauteurs de Davos, devant les magnifiques massifs des Grisons, plusieurs centaines des hommes et des femmes les plus puissants de l’univers. Schwab a mis au point son concept de « Quatrième Révolution » lors
d’innombrables rencontres, réunions et « forums » (son grand mot, que cet anglophone parfait prononce toujours à l’allemande Foroum) avec les plus importants leaders (un autre de ses mots), des dernières décennies, qu’il se flatte d’avoir « tous connus ». Dans son précédent livre, Klaus Schwab se désolait d’un « déficit d’ordre mondial » et appelait de ses vœux à un « management systémique de l’existence humaine ». Le techno-progressisme ne reculant devant aucun effort, nous finissons par y arriver…

Jeudi 8 juillet. Encalminé par une sérieuse panne de voiture, dans petit village d’Auvergne après entretiens dans le Forez avec Bernard Lugan pour TVL (…)

Jeudi 9 juillet. Retour à Paris en voiture hier, par un frais beau jour d’été, juste à temps pour assister à une réunion du cercle Montalembert : encore quelques âmes fortes, qui me font penser à une citation, que je croyais avoir oubliée mais qui colle à merveille avec l’époque, d’Henri Bergson : « Certains sont nés avec un système immunitaire spirituel qui, tôt ou tard, rejette la vision illusoire de ce monde qui leur a été greffé depuis la naissance jusqu’au conditionnement social. Ils commencent à sentir que quelque chose est mal et apparaît alors la recherche de réponses. La connaissance intérieure et les expériences extérieures anormales leur montrent un côté de la réalité que les autres ignorent et commencent ainsi leur voyage vers l’éveil. Chaque étape du voyage est faite en suivant le cœur au lieu de suivre la foule et en choisissant la connaissance et non pas les voiles de l’ignorance » Que ne parle-t-il pas de conscience aussi bien que de connaissance.

Samedi 10 juillet. Ma pauvre voiture étant tombée en panne, elle s’est trouvée clouée trois jours dans un garage à Pontgibaud, adorable village niché dans la chaine dite « des volcans », de sorte que j’ai dû louer une voiture pour arriver presque à temps chez Lugan, avec les techniciens pris au vol à la gare de Clermont ; nous avons pu enregistrer dès mardi deux émissions, puis trois autres mercredi matin, après quoi, revenant à Pontgibaud sans déplaisir, j’ai loué une petite chambre au dernier étage de l’hôtel accueillant et propret de la place, des fenêtres desquelles rien ne m’échappe des allées et venues des habitants, qui font un ballet si bien réglé qu’on le croirait immémorial.

Dernières relectures du PdF du numéro 4 du Nouveau Conservateur – mais quand le garage m’appelle pour m’annoncer dire que la voiture est prête, je m’empresse de donner le bon à tirer, qu’importe les dernières fautes, et de rentrer par l’autoroute de Paris. Dans la voiture, hélas, mauvaises nouvelles : on sent bien que se préparent en haut lieu un nouvel épisode de l’opération Covid, et de nouvelles réglementations salées. Le prétexte est un nouveau variant, que l’on a baptisé « delta » (après le variant anglais, brésilien, indien, sud-africain, on change de lexique…) et qui, peu dangereux mais très contagieux, va servir à faire avaler le fameux « passe sanitaire » sans lequel les autorités n’obtiendront pas la large vaccination massive que notre peuple, assez méfiant semble-t-il, ne lui accordera pas tout seul. En route pour de nouvelle réglementations, dont je gage qu’elles ne passeront pas comme lettre à la poste, et rejoindront la désespérante masse des règles non appliquées qui est le propre des États à la dérive. 1h30. La nuit d’été est si douce dans Paris qu’une défaite de l’équipe de France de foutebole a enfin rendu au calme, que je ne me sens aucune envie de dormir, donc de rater la nuit, et reviens plutôt à mon petit journal – et à l’image des États à la dérive, c’est-à-dire des États sans autorité que j’évoquais tout à l’heure à propos des amas de réglementations covidiennes. L’une de mes plus grandes surprises lorsque, en janvier 1980, je fus envoyé comme « stagiaire de l’ENA » à l’ambassade de France au Caire, ne fut pas tant la splendeur des pyramides de Gizeh que je découvrais tous les matins en ouvrant les fenêtres de mon hôtel et qui ne me disaient pas grand-chose, que la vie grouillante de la rue cairote et, tout spécialement, ses fascinants feux rouges. Ils ponctuaient de part en part toutes les rues et avenues, comme en toutes capitales du monde, s’allumant, s’éteignant, passant au vert, à l’orange, puis de nouveau au rouge, mais ce savant dispositif n’avait absolument aucun effet, d’aucune sorte, sur personne. Verts ou rouges, les passants passaient. Rouges ou verts, les voitures passaient aussi, et même quand les passants passaient, l’indifférence aux fameux feux demeurait tout aussi complète, imbécile, désarmante, surtout pour le petit Français qui débarquait de Bordeaux, où, tout de même, les feux tricolores gardaient une sorte de valeur sacrée. Certes, je vis au cours de mon séjour touristico-diplomatique quelques accidents, des gens renversés attirant aussitôt des nuées de criards et de lamentés (quoique, mais dans ce pays où il arrive que des autobus bondés conduits par des chauffeurs hachichomanes s’égarent sur les trottoirs ou basculent par- dessus les balustrades des ponts. Les drames sont toujours éphémères mais, l’époustouflante capacité des uns et des autres, passants et automobiles, ou automobiles entre elles, à s’éviter avec maestria ne se démentait pas, réglant la circulation bien mieux que les batteries touchantes de feux tricolores qui s’allumaient, s’éteignaient ou clignotaient dans l’indifférence la plus générale. 
Or, la même indifférence à la règle s’installe à Paris, me semble-t-il. Je pensais à mes jours du Caire tout à l’heure dans les rues de Paris où l’époustouflant magma de voitures, camionnettes, camions, vélos, motos et trottinettes qui virevoltent dans tous les sens méprise davantage d’année en année les innombrables panneaux, signalisations au sol, feux et objurgations de toutes sortes qui balisent les rues, en pure perte, ne faisant plus que ridiculiser la touchante prétention de la Mairie de Paris à réglementer un caravansérail qui, manifestement, ne peut plus l’être. Je pensais aussi que la rue de Paris n’est sans doute que l’avant-garde d’une anarchie, en tous les cas du mépris des règles et des lois, dont le volume augmente à vue d’œil, composant un fatras juridique dans lequel nul ne s’y retrouve, pas même les avocats en bien des domaines, ce qu’on appelle pompeusement le Droit s’apparentant de plus en plus aux pauvres feux inopérants des rues du Caire.
Si j’avais un peu de pouvoir et que je sentais que ce pouvoir n’était pas très légitime, très assis, convenablement respecté, je m’abstiendrais de multiplier les règlementations, car, en les multipliant, je craindrais de faire étalage, non de ma puissance, mais de mon impuissance. Madame Hidalgo, élue l’an dernier à force de propagandes, de clientélisme et de rafistolages avec les écolos et autres rigolos de listes dissidentes (ou citoyennes ou farfelues…) avec guère plus de 17 % des électeurs inscrits (et encore beaucoup ne s’inscrivent-ils même plus) serait avisée de ne pas multiplier les initiatives en cette pauvre ville de Paris que son gouvernement a rendu chaque année plus déliquescente, et plus désobéissante, presque hors de contrôle. Et de même, son petit copain M. Macron me paraîtrait-il avisé de lever le pied sur la fabrication industrielle des lois qui s’accumulent et s’amoncellent dans les placards des juristes sans que l’inénarrable Conseil d’État puisse y retrouver une quelconque cohérence et même jusqu’à son latin – cohérence et latin qu’il a d’ailleurs lui-même perdu depuis longtemps. Or, depuis le début de la Covid, c’est un festival : lois et règlements se multiplient à un rythme effréné dont on finit par ne plus retenir grand-chose sinon des ribambelles de déclarations présidentielles, gouvernementales, ministérielles, sans compter les médicales et les scientifiques, dans lesquelles personne ne se retrouve et qui finissent par laisser tout le monde indifférent. Dans le cas du pompeux passe sanitaire c’est le pompon. D’ailleurs, il faut se méfier de tout ce qui a nom anglais, qui, à mes yeux, est louche par nature. Sans doute une nouvelle loi, archi tatillonne, archi compliquée, sera sans doute votée dans quelques jours par une assemblée qui ne rassemble plus grand monde, n’a plus beaucoup de légitimité et qu’on ne peut plus même dire législative quand la loi a perdu tout sens et toute autorité. On annonce d’énormes amandes et même des peines de prison pour les récalcitrants, mais je gage que, pas davantage que pour le couvre-feu qui n’a jamais vidé la moindre rue de Paris la nuit, elle ne recevra beaucoup d’applications sauf à faucher ici et là de pauvres hères qui seront verbalisés au hasard, et pour le symbole. Je gage que le jour où des policiers non-vaccinés entreront dans un restaurant, armés, féroces et solennels, en demandant de produire des passes sanitaires à des braves familles attablées devant leurs entrecôtes ou leurs couscous (mais il semble justement que les couscous soient exemptés) ils ne feront pas long feu dans la boutique. Moi, en tous les cas, je n’en aurais pas plus cure que je n’eus cure du masque, du couvre-feu et de tout le saint-frusquin covi-charlatanesque. Et je crois bien que ce Gouvernement de l’a-République, son petit président et ses ministricules ridicules, n’ont plus la légitimité pour imposer quoi que ce soit. Ce sera une belle levée de boucliers, je gage ! Voici la France précipitée dans ce que j’ai toujours pensé être son démon principal, l’anarchie. Mais, n’était-ce pas, d’ailleurs, la vocation de ces générations de dé-constructeurs » qui chantaient jadis  »ploum ploum tralala, anarchie vaincra » et qui, tout en jouant les matamores, touche enfin au but ?

Samedi 24 juillet 2021. Et toujours les mêmes données, centrales mais jamais rappelées : la létalité du virus est très faible. Il fallut le Figaro, pour établir une fois de plus que, selon les chiffres mêmes de ‘Santé Public France », organisme gouvernemental peu enclin à minimiser le phénomène, l’âge moyen des victimes de la Covid est de 81ans qui est à peu près l’âge moyen de la mortalité en France, toutes causes confondues. Au 22 juillet, la moyenne des morts de la Covid s’établit à 18. Les moins de 70 ans représentent 17% de ces décès, ce qui ne fait guère que 3 par jour, toujours par comorbidité. La létalité n’est donc pas très faible, elle est insignifiante, en tous les cas, disproportionnée au cirque que le Gouvernement monte de toutes pièces avec son  passe sanitaire qui n’est pas près de passer et qui sent furieusement l’impasse. En tous les cas, la belle foule rassemblée tout à l’heure au Trocadéro, d’où je reviens, m’a l’air prometteuse. Une restauratrice annonce à la tribune un mouvement de désobéissance dont elle a l’air assurée qu’il sera suivi. Une brave citoyenne déclenche des tonnerres d’applaudissements quand elle annonce bonnement que « Macron et son Gouvernement n’ont plus rien de légitime ». Une furieuse partie s’ouvre…

Paul-Marie Coûteaux

Juillet MMXXI

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