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Il faut une nouvelle offre politique

Par François de Voyer

Nous avons demandé à François de Voyer, président du Cercle Audace, organisateur, avec Jacques de Guillebon de la Convention de la Droite du 28 septembre 2019 et fin connaisseur de la politique française, que l’on sait proche de Marion Maréchal, de tirer à chaud les leçons des scrutins de juin. A chaud, et au scalpel…

Deux Français sur trois ont déserté les élections régionales et départementales. Aucun sursaut de participation n’a corrigé le premier tour malgré les admonestations tonitruantes de Marine Le Pen et les suppliques larmoyantes de la gauche. Les élections locales se transforment en une sorte de scrutin censitaire, qui ne draine plus que les retraités et la clientèle des sortants. La liste des vainqueurs n’est donc pas surprenante : tous les présidents de région ont retrouvé leur poste de guichetiers pour associations et d’organisateurs d’appels d’offres. La distribution erratique des professions de foi a pu jouer à la marge, mais ne nous leurrons pas : elle dit plus sur la tiers-mondisation de notre pays qu’elle n’explique l’abstention massive et assumée de nos compatriotes.

Rejet massif du mille-feuille administratif

Cette abstention est un acte politique. Elle est le fruit d’un dégoût profond de notre représentation nationale et régionale, et plus généralement de l’offre partisane existante. Elle est également issue d’un rejet du mille-feuille administratif, et d’une profonde indifférence à l’égard de ces grandes régions déracinées. Il est d’ailleurs intéressant de constater que la Corse a connu un taux de participation de 20 points supérieur à la moyenne nationale, ce qui s’explique par des candidats locaux, des enjeux locaux, une cohérence territoriale. Enfin, les Français ont refusé de considérer ce scrutin comme un galop d’essai national, et leur morne indifférence exprime une répulsion pour le duel que les deux finalistes de 2017 rêvent de rééditer. En apparence, les deux principaux perdants sont Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Tous deux persuadés qu’il s’agirait d’une répétition de leur duel tant annoncé, ils ont commis l’erreur de nationaliser une élection déjà déconsidérée. Malgré le « Grand Tour » du Président, la quinzaine de ministres en lice a pris une terrible claque, l’arrogant Ferrand a été balayé, et les listes de ce parti fantoche qu’est En Marche ne dépassent pas les 10 % au national. Pourtant, Emmanuel Macron n’a pas de raisons de désespérer : il devrait imposer la tenue du scrutin présidentiel pendant les vacances scolaires de Pâques, et peut espérer pour lui-même en 2022 ce qui a fait le succès des municipales et des régionales : abstention forte et prime au sortant.

Quant à Marine Le Pen, la déroute peut sembler complète : 10 points de moins au national, une centaine d’élus régionaux et une trentaine d’élus départementaux perdus, tout cela alors que son visage et son nom figurait sur chaque affiche, sur chaque tract, et son nom sur chaque tweet pendant la campagne ! La facilité a poussé les cadres du RN, peu accoutumés au discernement et à l’auto-critique, à pointer l’abstention sans aller plus loin. Or, pourquoi a-t-elle touché davantage l’électorat de ce parti ? D’abord parce qu’il est incapable de s’ancrer dans nos régions : sa vision jacobine – certains cadres disent « stalinienne » – est la première explication. La deuxième est une pratique du népotisme et du parachutage aussi pléthorique que maladroite. Enfin, la gestion humaine des militants et des cadres est apocalyptique. Ceci explique que moins d’un tiers des élus régionaux de 2015 aient été reconduits sur les listes en 2021. Dans certaines régions, on peine à atteindre 10 %… Lorsqu’on fait face au rouleau compresseur du « Front Républicain », on ne peut pas se permettre des frondes, des rancunes et des aigreurs. Et pourtant, la direction du parti semble se complaire à se faire toujours plus d’ennemis parmi ses propres partisans. Il n’y aura pas d’ancrage local si le RN continue à gérer ses militants et ses élus comme le PC des années 1980… Il est encore une autre explication : les Français ne croient plus en la figure tutélaire de Marine Le Pen. Malgré ses efforts, sa combativité, son autorité, quelque chose s’est brisé depuis 2017. C’est sans doute injuste et peut-être regrettable, mais c’est ainsi. Pourtant, cet échec ne doit pas faire oublier à ceux qui veulent enterrer trop vite Marine Le Pen que ses électeurs ne se sont pas volatilisés. Ce sont des « frontistes fantômes » un peu à la manière dont Emmanuel Todd parle des « catholiques fantômes » : ils sont plus opportunistes, moins fidèles, désabusés, mais ils pourraient revenir vers le parti à la flamme pour un enjeu tel que la présidentielle.

Le duel Macron/Le Pen déjà évacué ?

Quant à la droite « républicaine », faut-il envier sa victoire ? La reconduction des satrapes de région dissimule une réserve militante et électorale famélique. La rente électorale est maigre, et les gourmands nombreux à la disputer : Xavier Bertrand dont la simple évocation provoque l’ennui, Valérie Pécresse qui pense que la droite est urbaine et écolo, Laurent Wauquiez le mal aimé… Sans compter les Barnier et Baroin en embuscade. Qui reste-t-il ? Marion Maréchal restant en retrait à ce jour, il reste Zemmour. C’est sans conteste un vent frais qui souffle sur la campagne. A l’évocation de sa candidature, les plus sceptiques arborent un sourire malicieux en imaginant les débats de la présidentielle. Il aurait l’avantage de pousser Marine Le Pen à revoir sa manière de traiter sa droite, il la forcerait à préparer des alliances, à envisager des stratégies autres que l’absorption. Enfin, elle sera mise en demeure de « rassembler », et pas seulement sur un tract : rassembler vraiment ou disparaître. Quant à Emmanuel Macron, la candidature d’un Eric Zemmour, s’il parvient à rallier des figures conservatrices et souverainistes, viendrait bouleverser son scénario bien lustré, sans compter ses fièvres à l’idée d’un débat avec le plus célèbre de nos polémistes. On ne sait pour l’heure s’il pourra passer le premier tour. Et pourtant, sur les ruines des régionales, celui qui craint tant un déclin inéluctable pour la France incarne bel et bien l’espoir que tout n’est pas déjà écrit.

François de Voyer

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