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Une nouvelle vague migratoire menace la cohésion de la société française

Par Patrick Stefanini

Est-ce le début d’une prise de conscience par nos gouvernants et notre plus haute administration de l’urgence qu’il y aurait à traiter enfin sérieusement la question migratoire, dont ils ont nié pendant des décennies la gravité ? Patrick Stefanini, conseiller d’Etat, vient d’y consacrer un solide ouvrage : « Immigration : ces réalités qu’on nous cache » (éd. Robert Lafont) qui mérite la plus grande attention, pas seulement en raison de sa qualité (c’est un véritable dossier, tiré aux meilleures sources, et des remèdes précis), mais aussi en raison de celle de son auteur. Patrick Stefanini fut à deux reprises Préfet de Région (Auvergne, puis Aquitaine), mais aussi directeur de cabinet et l’un des plus proches conseillers d’Alain Juppé, directeur adjoint de la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1995 et directeur de campagne de François Fillon. Modéré quant à la forme, le propos est, sur le fond, si vif qu’il est au plus haut point alarmant : félicitons Patrick Stefanini de montrer, en grand serviteur de l’Etat, un courage d’autant plus méritoire que, parmi ses pairs, il est bien rare.

Depuis vingt ans, la France fait face à une vague migratoire de grande ampleur. Le pourcentage des immigrés dans la population résidant en France, qui était passé de 5 % en 1946 à 7,5 % en 1975 est resté stable jusqu’en 2000, mais il a ensuite fortement progressé pour atteindre 10 % en 2020. Cette nouvelle vague migratoire trouve d’abord sa source dans une augmentation sans précédent du nombre de titres de séjour délivrés chaque année à des ressortissants de pays n’appartenant pas à l’Union européenne. Ce nombre qui était de 150 000 en 2000 s’est établi à 275 000 en 2019, soit une progression de 83 %. L’augmentation du nombre annuel des demandeurs d’asile est encore plus spectaculaire puisque ce nombre est passé de 40 000 en 2000 à 132 000 en 2019. Enfin, le nombre des mineurs étrangers isolés, rebaptisés pudiquement « mineurs non accompagnés », présents en France est passé de 5 000 en 2014 à 40 000 en 2018. Une partie de l’école démographique française tente de dissimuler l’ampleur de cette nouvelle vague, prétendant que le solde migratoire de la France serait faible. Mais d’une part l’Insee vient de réévaluer ce solde en l’estimant à environ 103 000 personnes pour chacune des trois dernières années, soit un quasi doublement par rapport à l’estimation avancée pour 2015, et d’autre part le solde migratoire de la France est la synthèse du solde migratoire des immigrés qui ne cesse de croître et du solde migratoire des Français qui grandit, mais en sens inverse car un nombre croissant de nos concitoyens s’expatrient. Le solde migratoire n’est donc pas un bon indicateur de la pression migratoire. En revanche, il est permis d’affirmer sans contestation possible que, depuis 2016 et pour la première fois dans notre histoire contemporaine, la croissance de la population immigrée participe davantage à la croissance de la population résidant en France que le solde naturel, c’est-à-dire la différence entre les naissances et les décès enregistrés sur le territoire national. Cette rupture historique n’est presque jamais évoquée par les soi-disant experts dont le rôle semble être de rassurer à bon compte les Français sur les réalités de l’immigration et les problèmes qu’elle pose.

Toutes les formes d’immigration sont en pleine croissance

Si on analyse dans le détail les composantes de l’immigration depuis vingt ans, on constate que toutes les formes d’immigration sont en forte croissance : l’immigration familiale avec un tiers du total vient toujours en tête, talonnée par l’immigration estudiantine en forte progression, le troisième tiers correspondant d’une part à l’immigration économique toujours faible en France et d’autre part aux réfugiés ou aux étrangers admis au séjour en raison de leur état de santé ou pour des motifs humanitaires. Cette nouvelle vague migratoire pose trois problèmes à la société française. Elle traduit une véritable perte de contrôle de l’Etat sur l’immigration. L’ancien Premier Ministre, Edouard Philippe, l’avait reconnu à la fin de 2019. Deux phénomènes récents en sont l’illustration. Le premier est l’évolution de la demande d’asile : alors que dans tous les autres pays d’Europe, le nombre des demandeurs d’asile a diminué de manière spectaculaire depuis la crise de 2015-2016 (en Allemagne par exemple, il est passé de plus d’un million en 2016 à moins de 200 000 en 2019), en France le nombre des demandeurs d’asile n’a cessé de progresser. La France est plus attractive parce que les demandeurs d’asile savent pouvoir y bénéficier d’un régime social plus favorable, mais aussi et surtout parce qu’en France le risque pour un demandeur d’asile débouté d’être éloigné du territoire est très faible, de l’ordre de 5 %. Le second indice de la perte de contrôle de l’Etat sur l’immigration est l’évolution de l’immigration familiale : plus de la moitié du flux familial est constitué désormais par des membres de famille de Français et plus précisément par des étrangers qui rejoignent leur conjoint français. Or, contrairement à ce que d’aucuns affirment, cette progression des mariages mixtes ne traduit pas un progrès de l’intégration : ceux qui font venir en France leur conjoint étranger sont le plus souvent des Français de fraîche date, récemment naturalisés et si mal intégrés en France qu’ils se marient à l’étranger, dans leur pays d’origine ou dans celui de leurs parents, avec un conjoint qui ignore tout de la France et dont la nationalité était la leur il y a quelques années encore.

Cette nouvelle vague migratoire n’est justifiée ni par notre démographie, ni par notre situation économique. De tous les pays européens, la France est celui dont l’indicateur de fécondité est le moins faible. Contrairement à ce qui se passe en Allemagne, Italie ou Espagne, nous n’avons pas besoin d’immigration pour maintenir notre population active. Par ailleurs, le taux de croissance moyen de notre économie est faible, de l’ordre de 1 % et les pénuries de main-d’œuvre, lorsqu’elles existent, sont limitées à quelques secteurs ou métiers que les Français regardent comme insuffisamment rémunérés ou trop pénibles.

Immigration – ces réalités qu’on nous cache // Patrick Stefanini // éd. Robert Lafont.

Lire la suite dans le numéro 4 du Nouveau Conservateur – Été 2021

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