0,00 EUR

Votre panier est vide.

Pourquoi des élections si le pouvoir est ailleurs ?

par Charles-Henri Gallois, président de Génération Frexit

Dans l’ordre des menaces qui transforment l’actualité en poire d’angoisse, les opérations de com’ sur un virus annoncé comme dévastateur (mais n’entraînant qu’une surmortalité de 0,6% !) puis la mise en scène d’une « escalade nucléaire en Ukraine » censée menacer la paix en Europe (bêtise que l’on entendit répéter cent fois) ont remplacé la menace d’un « Frexit de fait » qui aurait pu affoler les braves électeurs et polluer la campagne électorale. Cette fois, les médias officiels n’eurent pas à insister sur le fait que Marine Le Pen, comme Éric Zemmour, Nicolas Dupont-Aignan et même Michel Barnier (cf. Le Nouveau Conservateur n° 5) proposaient à divers degrés une sorte de Frexit sans le dire. Surtout, il ne fallait pas donner à entendre cette vérité dangereuse que presque toutes les questions qui étaient soi-disant « en débat » n’étaient plus du ressort de l’État national. La question de l’UE reste donc essentielle pour le camp des patriotes, d’autant que, bien cachées sous les crises artificielles, les avancées de la Commission européenne excèdent plus que jamais ses attributions telles que les ont fixées les traités européens, lesquels sont désormais outre-passés de façon stupéfiante. Charles-Henri Gallois, avocat, cadre dirigeant d’une grande entreprise française et Président de Génération Frexit (jeune mouvement qui fait alliance avec Debout la France et Les Patriotes lors des élections de juin en demandant ensemble l’organisation d’un référendum sur la sortie de l’UE) montre ici la vanité du débat électoral dès lors que le Gouvernement français n’a aucune prise sur des questions qui sont pourtant au centre de la fonction régalienne, comme le contrôle des frontières.

La question de l’Union européenne a été abordée par plusieurs familles politiques qui voient que l’Union européenne est un obstacle à la mise en œuvre de leurs programmes. D’un côté Jean-Luc Mélenchon (et les trois candidats communistes) ont proposé de désobéir aux traités, d’un autre Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour proposent à des degrés différents une supériorité du droit national sur le droit communautaire – sujet au cœur de l’actualité avec les dissidences de la Pologne et de la Hongrie.

Le référendum revient à la mode, et tout démocrate devrait s’en réjouir : que ce soit sur l’immigration ou sur la supériorité du droit national sur le droit communautaire, beaucoup de candidats l’ont proposé. Si un référendum sur l’immigration peut être une idée séduisante sur le papier, on se heurte rapidement à un obstacle, l’Union européenne, qui rend son application improbable. En d’autres termes, on ne peut pas sérieusement réduire l’immigration tout en restant dans l’UE. C’est pourtant une nécessité impérieuse pour permettre l’assimilation et le développement des pays d’origine que l’émigration vide de leurs forces vives.

Le contrôle des flux migratoires n’est pas de la compétence nationale

Examinons ce cas d’école, la question du contrôle des flux migratoires et des obstacles qu’y met l’UE, aussi bien pour l’immigration légale qu’illégale. Le traité d’Amsterdam, entré en vigueur en 1999, confère à l’UE une large compétence en matière migratoire, restreignant considérablement les marges de manœuvre des États membres. Il suffit pour s’en convaincre de lire les articles 67, 77, 78 et 79 de l’actuel traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). L’art. 67 stipule que l’UE « assure une absence de contrôles des personnes aux frontières intérieures et développe une politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle aux frontières extérieures ». L’article 77 fixe même l’absence de contrôle aux frontières et une politique commune de visas et titres de séjour de courte durée. L’art. 78 expose le droit d’asile et « un statut uniforme d’asile en faveur de ressortissants de pays tiers, valable dans toute l’Union ». Enfin, l’art. 79 confirme que l’UE statue sur « les conditions d’entrée et de séjour » ainsi que les « normes concernant la délivrance par les États membres de visas et de titres de séjour de longue durée, y compris aux fins du regroupement familial ». Voilà pour le cadre général des traités.

Le premier pourvoyeur d’immigration légale est le regroupement familial. Sur 277 406 entrées légales en 2019, un tiers des titres de séjour octroyés l’étaient pour motifs familiaux – 90 502 selon l’AGDREF. Si l’on enlève les titres étudiants, c’est même la moitié des titres de séjour. Or ce regroupement familial est gravé dans le marbre au niveau de l’UE depuis 2003 avec la directive européenne 2003/86/CE. On nous explique souvent que le regroupement familial a été mis en place en France par Valéry Giscard d’Estaing en 1976. C’est vrai. La grande différence est que cela restait au niveau national, donc toute nouvelle majorité pouvait y mettre fin du jour au lendemain. Ce n’est plus le cas avec cette directive européenne. Matteo Salvini en Italie avait fait beaucoup de communication en tant que ministre de l’Intérieur, mais il avait connu le même échec cinglant. L’immigration légale en Italie a été de 332 000 personnes en 2018, elle est passée à 333 000 personnes en 2019 (Eurostat). Preuve s’il en est qu’il n’y a pas de réduction possible de l’immigration légale en étant dans l’UE. L’immigration illégale avait légèrement diminué mais ce n’était même pas de son fait puisque le gouvernement précédent (Parti démocrate) avait conclu un accord avec la Libye pour qu’elle retienne les migrants sur son sol en 2017.

Venons-en à l’immigration illégale. On peut affirmer d’emblée que notre appartenance à Schengen et à l’UE nous empêche tout contrôle sérieux. Un immigré illégal qui arrive en Grèce ou en Italie peut ensuite arriver tranquillement en France sans le moindre contrôle. Le règlement Dublin III qui concerne l’asile est une usine à gaz inapplicable comme seule l’UE sait le faire. Le rôle de la CEDH est aussi majeur car elle empêche largement les expulsions, même quand des demandeurs d’asile sont déboutés – au point que le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) est inférieur à 20 %. C’est infime au regard des 178 000 personnes qui ont demandé l’asile en France en 2018, selon le ministère de l’Intérieur – il n’y avait que 1 600 demandeurs en 1973, 61 000 en 2012. La demande d’asile n’est plus marginale mais massive, son statut étant bien plus avantageux qu’un titre de séjour. Les services chargés de son traitement sont noyés sous les recours, qui se multiplient souvent pour une même personne. Le droit d’asile, complètement dévoyé, constitue le principal pourvoyeur de l’immigration illégale.

On’a qu’à ne pas appliquer les normes et décisions de la CJUE. Or, le juge du droit de l’Union européenne est le juge national : autrement dit, tout juge français saisi d’un litige portant sur une problématique migratoire appliquera le droit européen et se conformera aux décisions de la CJUE.

Le droit national, incertain et inopérant

Or l’appartenance à la CEDH et à ses principes est gravée dans le marbre des traités (article 6 du traité sur l’Union européenne). La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se nourrit donc des arrêts de la CEDH. À titre d’exemple, les arrêts de la CJUE de 2011 (El Dridi) et 2012 (Sagor) empêchent la peine d’emprisonnement pour délit de séjour irrégulier – arrêts découlant de la fameuse directive européenne dite « retour » de 2008 (2008/115/CE). Certains diront que le Gouvernement.

Étant entendu que l’UE n’est pas uniquement un obstacle pour l’immigration mais pour bien d‘autres sujets, il convient de se demander si la solution de supériorité du droit national sur le droit communautaire, proposée par un grand nombre de candidats, permettrait de contourner ce problème. Il y a deux méthodes à ce sujet : mettre les politiques voulues dans la Constitution puisque, dans l’ordre juridique français, il n’y a rien au-dessus de la Constitution (même si cette hiérarchie est contestée par l’UE) ou, autre solution, modifier la Constitution pour y inscrire la primauté du droit national. Balayons d’emblée la première solution.

La Constitution n’est pas faite pour accueillir des projets de loi. Elle doit régir le fonctionnement des institutions, et ne peut être modifiée que par référendum ou par vote en Congrès à une majorité renforcée de trois cinquièmes. La procédure est donc bien plus lourde que celle d’une loi, et l’on imagine difficilement un gouvernement modifier la Constitution tous les quatre matins. L’autre option consiste à modifier l’article 55 de notre Constitution qui prévoit que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Cet article explicite clairement la supériorité des traités, dont les traités européens, sur le droit national.

L’idée consiste donc à modifier cet article pour stipuler que toute loi nationale postérieure sera supérieure aux traités. Dès lors, à partir du moment où il y a un flou ou une contradiction, c’est le juge qui tranchera. En fait, l’appartenance à l’UE, inscrite dans notre Constitution, implique le droit européen. Or, il n’y a rien au-dessus des traités européens, qui ont valeur de Constitution, et aucune cour ne peut supplanter la CJUE. Par les arrêts Costa de 1964 et Simmenthal de 1978, la CJUE a déjà tranché et considère le droit communautaire comme supérieur au droit national.

Même au niveau national, la Cour de cassation en 1974 avec l’arrêt Jacques Vabre et le Conseil d’État en 1989 avec l’arrêt Nicolo ont tranché dans le même sens. Pas besoin d’être un grand clerc pour affirmer que le juge national tranchera dans 90 % des cas en faveur du droit communautaire, et toute réforme ambitieuse sera paralysée. C’est ce qui vient de se passer en Hongrie où la Cour constitutionnelle a rejeté un recours de Viktor Orbán contre une décision de la CJUE en matière de droit d’asile. Cette « solution » pose aussi un problème d’insécurité juridique.

L’UE, ce n’est que du droit et des traités. À partir du moment où l’on dispose que le droit national est supérieur aux traités, c’est la fin de l’UE sans le dire, d’autant que les autres États membres pourraient aussi refuser de respecter les droits et garanties issus des traités et éventuellement faire appliquer l’article 7 du TFUE pour nous priver du droit de vote.

Vous pouvez retrouver la fin de cette analyse de Charles-Henri Gallois dans le numéro VII du Nouveau Conservateur.

Voir aussi

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici