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Pécresse, c’est Daladier

Par François Martin

Valérie Pécresse est déjà présentée dans un sondage comme la possible gagnante de la présidentielle au second tour. Ceci n’a pas de sens, parce que sa campagne nationale vient à peine de commencer, parce qu’un élément, la volatilité des votes, n’est pas pris en compte, et parce que sa position « barycentrique » rend son électorat très friable. Mais c’est néanmoins possible, en jouant sur la peur des français.

« Pécresse gagnante ? Ben voyons ! », aurait pu dire un célèbre candidat… En réalité, il est facile de prouver que ce premier sondage la concernant a été « fabriqué », et il n’est guère étonnant qu’une certaine presse l’ait repris, et même l’amplifie depuis. Cela prouve, une fois de plus, son manque de professionnalisme et son parti pris (1).

Car enfin, ce sondage a été réalisé alors que la candidate n’avait pas encore commencé sa campagne nationale. Mis à part son passé de Ministre et son engagement à la Région IDF, le grand public ne sait encore à peu près rien sur ce qu’elle est, sur ce qu’elle veut faire, sur ce qu’elle va dire à l’ensemble des français, au-delà du cercle de ses militants. Surtout, on ne sait pas encore ce que les français vont penser d’elle comme candidate. Et aucune voix ne s’est encore exprimée pour véritablement la critiquer, à part le récent article de Médiapart (2). Ce sondage paraît donc « bidonné ». Qui ose le dire ? On se souvient que pour Eric Zemmour, alors qu’il battait la campagne depuis déjà plusieurs mois (certes avec son livre sous le bras, mais ça ne trompait personne), que l’on savait à peu près tout sur lui, et que les intentions en sa faveur montaient progressivement, la presse se demandait en chœur si ces intentions n’étaient pas une « bulle ». Pour Pécresse, un sondage avant même sa campagne peut-il avoir une valeur ? Pourtant, dans ce cas, la qualification de « bulle » n’est pas évoquée. Mystère du « deux poids, deux mesures »…

Un autre élément n’est pas pris en compte par les sondeurs (ou il n’est pas médiatisé) alors qu’il est primordial, c’est la solidité, ou au contraire la volatilité des intentions. On sait très bien à quel point cette valeur est déterminante. En effet, si un candidat dispose de 15% d’intentions de vote, avec 80% de ses électeurs affirmant qu’ils sont sûrs de leur choix, alors qu’un autre en a 20%, avec 20% de ses électeurs seulement sûrs de leur choix, c’est le premier qui a la meilleure position, évidemment, et pas le second (3). Or ce travail de pondération des estimations n’est pas exprimé. Quelle valeur a un sondage qui n’en tienne pas compte ? Et, à l’évidence, sans même en avoir le détail, il est très probable que la solidité des électeurs de Zemmour ou de Marine Le Pen est beaucoup plus forte que celle des électeurs de Pécresse.

Pécresse s’affirme comme étant le « barycentre » de l’électorat. « Ni à gauche, ni à droite, et à gauche et à droite en même temps », semble-t-elle dire. Or on sait que cette position est éminemment fragile. Macron l’a maintenue jusqu’ici pour lui-même, mais seul, semble-t-il, le traitement politique très particulier de la crise sanitaire qu’il a infligé aux français, traitement qui a pollué et interdit, jusqu’à présent, toute « respiration » véritable du pays, lui a conservé un semblant d’image et l’a empêché de sombrer. 

En réalité, Pécresse choisit le même créneau parce qu’elle n’a pas d’autre espace politique, parce qu’elle n’en a pas du tout. Coincée à droite par Zemmour, et à gauche par Ciotti (qui trahira sa promesse de soutien si elle dérive trop vers le centre), mal à l’aise sur sa doctrine (vouloir y intégrer un volet sécuritaire, tout en restant par ailleurs une progressiste, n’a pas de sens (4)), empêtrée par ses changements de pieds (de la Manif pour Tous à Solidays, à l’Huma et aux lobbies LGBT), son seul espoir est de siphonner les voix macronistes, et encore pas trop, si elle veut se laisser la porte ouverte, demain, pour intégrer en bonne place son futur gouvernement…. Quel est son véritable objectif ? Être élue ou donner le change ? Où est la force d’une conviction, où est la ligne politique claire et entraînante dans tout cela ? Et pense-t-on que Macron va se priver, lui, de lui tirer dessus à boulets rouges ? Et pense-t-on que les électeurs ne vont pas préférer l’original à la copie ? Derrière ce sondage et les suivants, apparemment flatteurs, il y a toutes ces questions. Pourquoi la presse n’en parle-t-elle pas, et fait-elle preuve d’une sorte d’unanimisme, qui paraît bien factice, à son égard, comme si on s’efforcer de monter des œufs en neige, avant que le gâteau ne retombe ? Mystère de la « pravda »… 

En réalité, Pécresse, c’est à la fois la « plate-forme de tri sélectif » et la « décharge publique » de la future présidentielle. Le « barycentre » sans direction, c’est là que se portent, en attendant de savoir ce qu’ils veulent faire, tous les indécis et tous les inquiets. C’est pour cela qu’elle a du monde dès le début, mais c’est aussi pour ça que, logiquement, ils ne devraient pas y rester, sauf si la presse fait un « battage d’enfer » en sa faveur, pour faire perdurer cette configuration improbable, comme elle l’avait fait, en son temps, pour le candidat Macron.

Eric Zemmour a imposé, depuis le début de la campagne, des thématiques très clivantes : « un cataclysme est devant nous ». C’est sur ce choix très important que doit se décider l’élection, entre « churchilliens », ceux qui accepteront d’affronter enfin courageusement les questions de l’islam, de la sécurité et de l’immigration (et aussi, du même coup, la question sociale), et « munichois », ceux qui choisiront de ne rien choisir, même si Pécresse, comme Macron, rajouteront un peu de sécurité, qu’ils n’appliqueront guère, dans leur programme, pour « rassurer » des électeurs terrorisés.

Si Zemmour s’est affirmé comme voulant être un de Gaulle, ou un Churchill, le modèle de Pécresse, c’est Chamberlain, et c’est Daladier. Sa seule chance de réussir, en réalité, c’est de tenter de rassembler les « munichois » : « rassurer », en masquant les vrais enjeux, en proposant une fausse sécurité, et « en même temps » une « politique d’apaisement ». Et sur ce plan, cette chance, malheureusement, existe. Il s’agit d’utiliser la même ficelle que Daladier : jouer sur la peur et la lâcheté (5). Si jamais les électeurs la suivent, on sait comment cela finira.

François Martin  

  1. Cela en dit long aussi sur le « squelette politique » de tous ceux qui la rejoignent sans même attendre qu’elle soit véritablement positionnée : Wauquiez, Retailleau, Bellamy,… Ah, le bon goût de la soupe… Seul Sarkozy est un peu plus prudent.
  2. https://www.youtube.com/watch?v=zH1kVc3VMAk
  3. La solidité de son électorat était, on s’en souvient, la force de Trump.
  4. Parce qu’en France, le progressisme se sert de l’islamisme pour repousser les conservateurs dans la « fachosphère ». La séquence Zemmour en est la énième démonstration : puisqu’il prône une politique de fermeté vis-à-vis de l’islamisme, c’est donc qu’il est fasciste. Pour cette raison, les progressistes sont incapables de faire une véritable politique sécuritaire, que ce soit sur le volet immigration ou celui des banlieues, parce que l’islamisme est leur allié. Ils promettent la sécurité, mais ne peuvent pas tenir cette promesse, au risque d’écrouler leur édifice politique.   
  5. En regard de l’effort proposé par Eric Zemmour, l’impact politique du « lâche soulagement » peut en effet être grand. https://www.universalis.fr/media/VI000013/. 500.000 personnes attendront Daladier au Bourget à son retour de Munich. https://www.youtube.com/watch?v=eLZqaUQXgTM. Pour ne retarder la guerre que d’un an.

François Martin

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