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Les stratégies d’Eric Zemmour (1/2)

Par François Martin

Les stratégies d’Eric Zemmour sont très claires. La première partie de sa « campagne de France » s’est très bien déroulée. Plusieurs autres batailles devront être réussies pour gagner la guerre.

La première partie de la « Campagne de France » du Général Zemmour a été une victoire foudroyante, au-delà des espérances de tous ses soutiens, et bien au-delà des craintes de ses adversaires. Ceci montre qu’à défaut d’être un candidat déclaré, il est déjà bien plus qu’un « polémiste » ou un journaliste. Il est un maître tacticien de la politique.

Sa vocation

Il ne fait aucun doute que la vocation politique d’Eric Zemmour était très ancienne. Autrement, la « chenille » (1) du journaliste n’aurait pas pu se transformer aussi vite en la chrysalide que nous voyons aujourd’hui, et bientôt, c’est déjà presque annoncé, en « papillon » politique proprement dit. Eric Zemmour l’a expliqué lui-même. Il brûlait, depuis longtemps, de passer des paroles aux actes, de l’influence aux responsabilités. Plusieurs choses l’ont retenu (et ce mot est très relatif), dans sa démarche : la première était celle de savoir si les temps étaient favorables, la deuxième si les populations répondraient à son message, la troisième s’il avait lui-même les capacités pour ce parcours. Sur les deux premières, les derniers mois ont dû pleinement le rassurer. Sur la troisième, en réalité, seuls les immodestes ont une réponse, qui n’en est pas une. Pour les autres, ceux qui sont responsables, elle ne vient jamais, même lorsqu’ils sont aux affaires. C’est en avançant qu’on le prouve, et qu’on se le prouve. C’est certainement ce qu’il doit se dire aujourd’hui.   

L’observation de la déliquescence française

Depuis des années, Eric Zemmour observe, critique et souffre de la déliquescence française. Il l’avait écrit dans « Le suicide français », et avait certainement été étonné lui-même de cet immense succès. Cette déliquescence a sans doute atteint son paroxysme avec Emmanuel Macron, le Président le plus « décliniste » de tous, celui qui vend les symboles de la France à l’encan pour quelques voix de banlieues (2). A la proposition de Castaner de s’agenouiller en hommage à Georges Floyd, Eric Zemmour s’était sans doute dit « Que coglione ! » comme l’avait fait Bonaparte voyant Louis XVI coiffer le bonnet phrygien. On sait comment le régime a fini… 

La bataille de Lodi d’Eric Zemmour

Dans le « Napoléon Bonaparte » de Dimitri Casali (3), celui-ci explique que c’est la bataille de Lodi (10 Mai 1796) qui donne a Bonaparte la certitude de sa vocation : « La bataille de Lodi est, sur le plan humain, assez peu importante. Cependant, son influence sur la psychologie de Bonaparte est énorme : « Ce n’est qu’après Lodi qu’il me vint l’idée que je pourrais bien devenir un acteur décisif de notre scène politique. Alors naquit la première étincelle de la haute ambition », dira-t-il à Sainte-Hélène . Il ajoutera : « Ce n’est que le soir de Lodi que je me suis cru un homme supérieur ».

Eric Zemmour sait depuis toujours qu’il a un don, celui de la joute verbale sous les caméras. Depuis des années, il fait mordre la poussière à des adversaires chevronnés. Il sait aussi que le débat TV est une arme essentielle pour vaincre en politique (4), tout comme le génie militaire en est une, puisqu’une seule grande victoire peut faire sauter un régime politique tout entier. Tout cela, il le sait depuis longtemps. Mais c’est sans doute son extraordinaire réussite chez C News, où il a réalisé, par son seul charisme, l’exploit de faire exploser l’audience avec « Face à l’info », qui lui a révélé ses véritables capacités politiques. Comme Bonaparte à Lodi, il a peut-être compris à ce moment-là qu’il « pourrait bien devenir un acteur décisif de notre scène politique ».

Ses objectifs

Pour se lancer dans la bataille, il lui fallait un objectif de départ. L’Everest est difficile a atteindre, et même à envisager, à la première fois. Il lui fallait une motivation pour un sommet intermédiaire. Eric Zemmour s’est convaincu que même s’il n’atteignait pas la plus haute marche, le simple fait de dire la vérité, de dévoiler les non-dits et les mensonges, sur lesquels est bâti le système de gouvernement depuis 40 ans (le contraire de ce qu’a voulu faire Marie Le Pen), de soulever le tapis pour en sortir toute la poussière, lui permettrait de dessiner l’échiquier, de fixer les règles, d’imposer les thématiques de la présidentielle à venir. A défaut d’être le futur président, il serait au moins l’inspirateur et le faiseur de rois. Ceci l’a aidé à se lancer. Aujourd’hui, il n’en est plus là. Il est un prétendant, et presque le premier d’entre eux.

Un statut particulier

Comme Macron en 2017, Eric Zemmour a compris à quel point le système politique avait besoin d’hommes neufs (5). Alors que Macron avait réussi le tour de force de recycler toutes les vieilles idées progressistes et tous les vieux « chevaux de retour » de la gauche et de la « droite de gauche », sous la bannière de sa prétendue « jeunesse » (6), Eric Zemmour veut, lui, véritablement incarner l’homme neuf, tant sur le plan du discours que du statut. Pour ce faire, il a démarré sa campagne sans déclarer sa candidature, sans parti et sans programme, sous le prétexte de présenter son livre, se recentrant sans arrêt et uniquement ou presque sur son idée maîtresse : « La France en danger ». 

En se positionnant sous cette forme, il a pu, tel une flèche, aller très vite et taper très pointu et très fort, sans laisser à ses adversaires de « vêtement » pour l’accrocher. Est-il candidat ? Pas candidat ? A-t-il un parti ou non ? Que veut-il vraiment ? Quel genre d’OPNI (7) est-il ? Pendant qu’il avançait à vive allure, enchaînant les meetings, personne, parmi ses adversaires, n’a pu véritablement l’identifier et le contrer. Le temps qu’ils y parviennent, il les a, pour la plupart, dépassés.

La « Campagne d’Italie »

Dès le début de sa campagne, Eric Zemmour a compris deux choses : 

  • Tout le monde se préparait, selon la tradition, à une campagne courte. Ses adversaires en étaient encore à compter leurs troupes, à choisir leurs généraux, à fourbir laborieusement leurs armes devant leurs tentes, en attendant la bataille du printemps, pensant qu’il n’avaient en face d’eux, jusque là, qu’un écrivain décidé à parler de son livre. A rebours de toutes les règles, ils les a donc attaqués dès l’automne (8), alors qu’aucun n’était prêt. Pendant deux mois, il a eu le champ politique et médiatique pour lui tout seul. En face, panique dans les rangs, et les ripostes maladroites et désorganisées n’ont fait que renforcer sa position. Cette période exceptionnelle est bientôt finie, mais il en aura profité à plein. 
  • Incroyablement, et contre toute logique, il existait en France un électorat orphelin : celui des bourgeoisies patriotes, et en particulier catholiques (9). Rejetées de tous côtés, à la fois par le RN (épuré par une Marine le Pen paranoïaque), et par LR (tout empressé de construite ses passerelles « macro-compatibles » et à se réserver les places du futur gouvernement « Macron 2 ») (10), ces bourgeoisies conservatrices très pacifiques, mais très actives, et humiliées par tous, n’ont pas mis longtemps à prendre fait et cause pour ce nouveau champion. Il a ainsi, en allant chercher simplement dans la « poubelle politique » où on les avait honteusement rejetées, pu construire très rapidement la première marche de sa notoriété. « Et la pauvre Hélène, était comme une âme en peine…. Moi j’ai pris la peine de les déchausser, les sabots d’Hélène … et j’ai vu ma peine bien récompensée… J’ai trouvé les pieds d’une reine, et je les ai gardés » (11). Il a fait tous les efforts possibles pour cela (12), et ça a marché au-delà de ses espérances.

Sortir très vite du « pot au noir »

Eric Zemmour a très bien réussi, jusqu’ici, sa première campagne, sa « Campagne d’Italie ». Il ne faut pas, pourtant, qu’il en reste là, car elle n’est pas terminée. Il bénéficie encore aujourd’hui, et pour quelques semaines, de l’effet de surprise et de la désorganisation de ses adversaires. Il doit pousser ses avantages, parce que sa position actuelle est dangereuse. En effet, il se trouve encore « au milieu du paquet » des autres, même si, selon les sondages, un peu devant. Ce n’est pas suffisant. 

Lorsqu’un coureur de contre-la-montre rattrape l’adversaire qui est devant lui, il doit le dépasser à pleine vitesse sans le regarder, afin de le décrocher tout de suite et de lui coller un « coup psychologique » définitif. S’il ne le fait pas, le risque est que l’autre se ressaisisse, s’accroche à sa roue, puis contre-attaque. Le problème, ici, est le même. Eric Zemmour doit sortir du « pot au noir », où sont tous les autres, au plus vite. Il doit décrocher Marine Le Pen (13), et s’installer « dans les hauteurs », avec des intentions au-delà des 20% (14). Lorsqu’il y sera, il pourra « retrouver de l’air frais ». Il sera légitimé en tant que « challenger officiel ». Il n’aura plus que Macron comme adversaire. On commencera alors une toute autre campagne. Eric Zemmour a toute la réserve de voix pour obtenir les points de sondages qui lui manquent. Il a le moteur de la « 2ème fusée » dont il a besoin. Mais il ne peut pas l’allumer avec son organisation actuelle (15). 

François Martin

A suivre : « Les stratégies d’Eric Zemmour – 2ème partie »

  1. Ce mot est employé sans aucune connotation péjorative
  2. « La France n’a pas de culture », « La colonisation est un crime contre l’humanité », etc…
  3. Larousse, 2004
  4. Tous les « duels » télévisés de 2ème tour, depuis Giscard, et pas seulement le dernier, Macron/Le Pen, l’ont bien montré !
  5. Parce que l’opinion étouffe sous la coupe d’un système oligarchique qui s’auto-entretient depuis 40 ans.
  6. Dont il n’avait que l’âge et non pas les idées. Et avec, il faut le reconnaître, l’appui permanent et « enthousiaste » d’une presse aux ordres
  7. Un Objet Politique Non Identifié.
  8. En particulier à la Journée du Conservatisme, à Asnières, le 26 Septembre, où il a annoncé explicitement son intention de fracturer LR et d’en récupérer les électeurs conservateurs trahis et abandonnés.  
  9. En vérité, ce n’est pas tout a fait vrai, puisqu’elles sont représentées par Jean-Frédéric Poisson. Mais sa notoriété est aujourd’hui insuffisante pour porter leurs espoirs au niveau national. Marion Maréchal est aussi leur porte drapeau, mais elle est, momentanément, hors de la politique active. Tous les grands partis ont fait en sorte de les rejeter dans les « poubelles » de la politique française.
  10. Puisque le scénario de la présidentielle était déjà écrit
  11. « Les sabots d’Hélène », Georges Brassens
  12. Il a déjà fait 3 déplacements à Versailles, alors qu’il n’est pas encore officiellement candidat.
  13. D’autant que Jean-Marie Le Pen a déjà « poignardé » sa fille dans le dos, en annonçant qu’il soutiendrait celui des deux qui aurait les meilleurs scores, sachant bien que le « momentum » de Zemmour est fortement ascendant, alors que celui de sa fille décline. Une réponse du berger à la bergère ?
  14. Tous les adversaires d’Eric Zemmour ont bien compris qu’il s’agissait d’un moment critique, qui tentent de mettre en scène une « zizanie » Zemmour/Le Pen, en espérant que ça les fera couler tous les deux, comme les deux acolytes à la fin de « L’oreille cassée », la célèbre BD de Tintin. Une tentative hypocrite et minuscule, qui n’a aucune chance de fonctionner au regard des enjeux majeurs que cette campagne a révélés. 
  15. Cette analyse fera l’objet d’un autre article.

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