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Les choses se clarifient : les leçons des Régionales

Par François Martin

Il peut sembler paradoxal de choisir un tel titre dans la situation présente de notre pays. Pourtant, le résultat des récentes élections, et l’abstention en particulier, tout autant que l’allocution d’Emmanuel Macron le 12 Juillet dernier, ou les supputations soudaines autour de la candidature d’Éric Zemmour, ont donné de précieuses indications sur l’évolution du paysage politique, et sur les stratégies possibles pour la prochaine élection présidentielle.

On a dit beaucoup de choses sur l’abstention des Français aux dernières élections départementales et régionales. On n’a pas beaucoup parlé de deux aspects très importants :

Le premier, qui saute pourtant aux yeux, c’est l’hypocrisie du discours politique et médiatique, qui s’est lamenté de cette abstention. En réalité, c’est ce qu’ils souhaitent le plus au monde ! Qu’on en juge : cela fait plus d’un an que tout est fait pour que les français dorment, et ne se réveillent si possible jamais : confinements, interdictions, fermetures, injonctions, amendes, discours répétitifs et lénifiants, etc… Plus de réflexions, plus de discours d’opposants, plus de manifestations (sauf pour Traoré…), même plus de culture. Tout juste un peu de sport, et encore, sans spectateurs. Le monde pourrait s’écrouler, les journaux TV ne parlent que du COVID. Comment les français ont-ils fait pour ne pas casser leurs postes ?  En somme, une opération de lavage de cerveau gigantesque, orchestrée et systématique. Et on nous dit qu’on s’inquiète de l’abstention ? La belle affaire ! Delahousse est drôle, ou plutôt tragique, lorsqu’il « pique un coup de sang » en direct (et spontané ?), en disant qu’il comprend les français mécontents des politiques, et qu’il voudrait qu’ils aillent voter… Il est le « Monsieur chloroforme » en chef…

Pourquoi cela ? Plusieurs raisons :

D’abord, le chef de l’État, le gouvernement, les instances sanitaires, avec le concours zélé des médias, ont soigneusement construit et orchestré cette configuration politique particulière, dont la COVID a été le prétexte. Il était en effet tellement tentant, et tellement simple, de se servir de « l’exigence sanitaire » pour faire, à la chinoise, taire toute sa population. Il eût été pourtant facile, si le gouvernement l’avait voulu, d’assouplir un tant soit peu les règles, pour faire vivre la vie sociale et politique. On s’en est bien gardé ! La stratégie du « tout sanitaire » (qui a été celle du « rien économique », mais aussi du « rien social et politique ») a été calculée pour éliminer toute vie autre que physique, et toute opposition.

Elle a aussi été calibrée pour satisfaire, en premier lieu, les « boomers » et les retraités, qui sont, quoi qu’on en pense, le cœur des électeurs du jeune, moderne et sémillant Président, chantre de la « start-up nation ». Pour eux, jamais assez de sécurité. L’autre catégorie choyée, ce sont les « jeunes » et les banlieues, à qui l’on a bien fait comprendre qu’on appliquerait pour eux les règles « avec discernement »,  pour ne pas les désespérer. Et tant pis pour les actifs, et surtout les plus petits d’entre eux, qui trinquent. Cela fait longtemps qu’Emmanuel Macron n’est pas leur Président, à supposer qu’il ne l’ait jamais été.

Pour ceux qui ont connu les derniers temps du communisme soviétique, cette atmosphère de mécontentement et de frustration profonde et rentrée, de suspicion et de peur, et en même temps de désenchantement et de fatalisme, comme si chacun avait la certitude que le « système » était inscrit dans l’Histoire, qu’il durerait pour toujours, et qu’il était inutile de vouloir s’y opposer, c’est exactement ce qui était recherché. Qu’ils dorment par apathie ou qu’ils se taisent par fatalisme, c’est la même chose, du moment qu’ils ne contestent pas… Et on se plaint qu’ils ne votent pas ? Allons donc ! C’est au contraire ce que l’on veut obtenir.      

La « maladie du sommeil » des Français

L’autre raison, c’est le souvenir des Gilets Jaunes. Bien qu’ils aient perdu leur bataille, ils ont marqué profondément la vie politique du début du quinquennat. Fatigué, le lion s’est rendormi, momentanément. La dernière des choses qu’il faudrait, c’est qu’il se réveille ! La situation économique, sociale et sécuritaire catastrophique pourrait bien le justifier. Pour empêcher cela, il faut lui chanter la « berceuse du COVID », et lui parler à voix basse. Si l’on observe les choses, jusqu’à son discours du 12 Juillet, toute la communication du Président a été à bas bruit. Présent partout, mais sans qu’on ne l’entende jamais vraiment. Tout cela était conçu et soigneusement organisé par ses équipes de com’.

L’autre aspect de l’abstention, après la « maladie du sommeil » des Français, voulue et entretenue, (avec, il est vrai aussi, le manque d’enjeu national de cette élection), c’est le fait que les électeurs se posent des questions sur l’avenir, et qu’ils ont du mal à distinguer les choses.   

Depuis longtemps, on leur sert, sous toutes les formes (Macron leur en a offert la dernière version), un « infâme brouet » progressiste : l’amour universel, le vivre ensemble, l’ouverture de toutes les frontières (telle que seuls les « anywhere » pourront partir, le moment venu, lorsqu’on aura la guerre civile dans le pays), la dictature des minorités et leur prosélytisme absolu, même à l’école, sous couvert de non-discrimination, la liberté, présentée comme un impératif tellement catégorique qu’il faut absolument en être esclave (et surtout ceux qui n’ont pas les moyens de l’exercer…), la guerre des races et des sexes sciemment organisée, le fascisme de tous les autres, tout cela, les français commencent à en avoir un peu assez… Comme, ils le voient bien, cette politique ardemment poursuivie depuis 40 ans ne conduit pas vers le « meilleur des mondes », et que par ailleurs, il semble bien que les périls augmentent, ils se demandent s’il ne leur faut pas autre chose.

Les politiques l’ont tous bien compris, qui tentent, chacun à sa façon, de « recycler » le progressisme, en lui rajoutant une pincée ou deux de sécurité. Ce « néo-progressisme sécuritaire », c’est, peu ou prou, ce que proposent Pécresse, ou Bertrand, ou Macron lui-même, ou même Marine Le Pen. Mais ils savent déjà que ça ne marchera pas. En effet, l’alternative au progressisme, ce n’est pas le néo-progressisme, c’est le conservatisme. Pour résoudre les tensions inter-communautaires, c’est l’assimilation qu’il faut, et non pas seulement la sécurité. Et pour cela, il faut ré-enseigner le modèle d’une France à aimer, à aimer passionnément, une France qui est aussi la France traditionnelle et culturellement chrétienne, cette France que précisément les progressistes haïssent. Pour faire cesser les tensions sociales, il faut revenir à la famille. Si l’on veut cesser de disloquer les couples, et de désaxer durablement les enfants, il faut les libérer de la propagande effrénée des lobbies féministes et LGBT. Il faut offrir comme modèle, sans pour autant discriminer les autres, la famille traditionnelle, celle précisément que les progressistes détestent. Les néo-progressistes ne veulent pas cela. Leur doctrine, c’est comme le « Canada Dry ».  Ça a l’apparence, le goût, l’odeur du conservatisme, mais ça n’est pas du conservatisme.

Cette supercherie, les Français l’ont sentie aussi. Pour cette raison, ils se posent beaucoup de questions. Ils sentent que le choix du conservatisme est un vrai choix. De fait, il ne faut pas seulement choisir, il faut rompre. Rompre avec des schémas anciens et des raisonnements empoisonnés, avec des certitudes, des partis pris et des habitudes qu’on leur a inculqués de force pendant des décennies. Même lorsqu’on les détecte, il n’est pas facile de sortir des conditionnements. En d’autres termes, les français sentent qu’ils sont au centre d’une sorte « d’œil de cyclone » politique. Pour cette raison, ils sont à la fois intéressés, inquiets et désorientés. Tant qu’ils n’auront pas fait leur choix, la résultante sur leur vote sera, on peut le penser, l’abstention. 

Jeu de dupes

La période est très intéressante. On doit l’interpréter à la lumière d’un livre exceptionnel, « Private truths, public lies » dont on regrette qu’il n’ait pas été traduit en français.  Son auteur, Timur Kuran, est un économiste et politologue américain d’origine turque. Dans ce livre proprement génial, dont Michèle Tribalat fait une magnifique recension (*), il explique que chaque personne a deux « préférences » politiques : une privée et une publique. La préférence privée l’est par rapport à sa conscience, la publique par rapport à ses voisins et ses proches.

Le problème, c’est que l’homme n’étant pas très courageux par nature, il choisit en général d’être en paix avec ses voisins plutôt qu’avec lui-même, ce qui fait qu’il a souvent l’habitude, surtout lorsque le « consensus » politique est fort, et violemment entretenu par la presse et la « propagande » (le « politiquement correct »), de masquer son mécontentement, et d’afficher extérieurement des convictions qui ne sont pas les siennes, et ceci même lorsqu’il se trouve dans le secret de l’isoloir, parce qu’il craint les conséquences de ses propres actes, s’il les perçoit comme trop disruptives, et même lorsqu’il parle aux sondeurs, pour les mêmes raisons. L’opposant de base n’est donc pas facilement détectable, et l’expression politique publique est souvent (toujours ?), d’une certaine façon, un jeu de dupes.

Il existe malgré tout des personnes construites de telle sorte qu’elles ne supportent pas une telle contradiction, ni pour elles-mêmes, ni pour les autres. Ce sont les « résistants », les Walesa ou les Soljenitsyne, les véritables leaders politiques, ceux qui font changer les choses. Parce que lorsque les choses empirent, et que les mécontentements montent et montent encore, les « masques » décrits par Kuran font qu’ils ne s’expriment pas spontanément. La contradiction entre interne et externe devient très forte, mais à ce moment-là, les « briseurs de banquise » peuvent faire en sorte, explique Kuran, que l’opinion bascule d’un seul coup. Dans ces moments, ceux qui portaient les masques les retirent, trop heureux d’être enfin cohérents, et ceux qui n’en avaient pas se dépêchent de les mettre….

Ce sont les situations pré-révolutionnaires, celles qu’on dit imprévisibles avant qu’elle ne se produisent, et dont on reconnaît après coup que le changement était une évidence. Ceci, parce que, à l’instar des tremblements de terre, la tension est très détectable, mais pas le moment ni la raison précise du « passage à l’acte » des forces tectoniques. Nous sommes aujourd’hui, typiquement, dans une telle configuration.

Tout cela constitue un danger pour Emmanuel Macron, qu’il tente de conjurer (**).

François Martin 

(*) Cf http://www.micheletribalat.fr/439783525

(**) Cf « Les choses se clarifient (2) : les stratégies d’Emmanuel Macron » 

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