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Les Carayon, la France de père en fils

Depuis Pline l’Ancien et Pline le Jeune, on rencontra souvent des fils, ou des filles, qui ont continué le père : cela dans tous les métiers, notamment le métier politique. Sous la Vè République, la dynastie Debré, Narquin-Bachelot, Joxe, etc. On en trouve peu cependant (notamment pas les trois cités…) dont les positions politiques soient proches. C’est le cas, assez exceptionnel, des Carayon. Le père, Bernard, maire de Lavaur, ancien député du Tarn, avocat au Barreau de Paris, auteur notamment de Patriotisme économique (Rocher, 2006), patriote scrupuleux, a associé son nom à la relance d’une politique industrielle (hélas différée sans cesse jusqu’à ce que la France perde l’essentiel de son tissu industriel) ; le fils, Guilhem, jeune étudiant en droit de 22 ans, fut élu l’an passé Président des Jeunes LR sur une ligne très nationale dont ce n’est pas rompre un secret de dire qu’elle déplut à la direction dudit parti. Nous avons rencontré l’un et l’autre, leur proposant, pour vérifier sans ruse la concordance de leurs vues, de proposer à chacun les mêmes questions sans qu’aucun ne connaisse les réponses de l’autre.

Reconnaissez-vous, chacun de vous, votre proximité politique, ou idéologique, et accepteriez-vous, l’un et l’autre, de nous en fournir les paradigmes principaux ?

Bernard Carayon – Notre droite n’est pas sociologique. Nous savons l’un comme l’autre que la résistance au déclin est rarement organisée par les élites, si elles ne le précipitent pas. De Gaulle disait : « Nous avons réussi à contenir les Soviétiques, nous avons repoussé les Allemands, mais nous ne sommes pas parvenus à rendre la bourgeoise patriote ». Ma droite est celle de la « réaction » : réaction au désordre, réaction au fatalisme, réaction au matérialisme, réaction aux théocrates de tout poil. On peut être « à droite », c’est la stratégie du locataire. Nous sommes « de droite », celle de l’enracinement dans des valeurs qui ne sont pas monétaires : le culte d’un héritage spirituel et patrimonial, le goût de la transmission, la science non comme fin mais comme moyen. D’une droite, en somme, qui n’emprunte pas à la gauche ses mots pour accabler de maux connus notre Patrie. Nous ne sommes pas susceptibles d’être intimidés : la Résistance, c’est d’abord celle de l’âme des pêcheurs de l’Ile de Sein qui n’avaient dans leur bagage que leur foi.

Guilhem Carayon – Nous sommes d’une droite bonapartiste. Une droite qui parle aux élites patriotes, mais aussi et surtout aux classes populaires. Cette union a été permise grâce au Général de Gaulle ; le RPR a ensuite été la structure réalisant cette union. Nous croyons en une droite de panache, une « droite mousquetaire » comme disait Tillinac, une droite qui ne transige pas avec les valeurs françaises. Nous sommes de ces Français qui ne veulent pas se taire devant l’effondrement de notre pays. La Nation se disloque. La France est fracturée. Et Emmanuel Macron est coupable d’avoir accéléré cet effondrement, dans l’illusion d’un Nouveau Monde qui est bien pire que l’ancien. Avec mon père, nous avons en commun une âme rebelle, typiquement tarnaise. L’esprit occitan est celui de la révolte contre l’injustice, et la lâcheté qui a fait tant de mal à l’action politique.

Illustration de cette proximité : vous semblez nourrir l’un et l’autre une grande dévotion pour l’Empereur. Maire de Lavaur, vous avez organisé cet été des festivités pour marquer le bicentenaire de sa mort, tandis que Guilhem, en ouvrant récemment la rentrée des Jeunes Républicains, vous avez mis certaine insistance à lui rendre hommage. Pour quelles raisons admirez-vous tant Bonaparte, ou Napoléon ?

B.C. – Célébrer Napoléon dans un pays qui oublia de commémorer Austerlitz quand les Anglais ont fêté Waterloo fut naturellement une provocation. Avec Napoléon, nous célébrons la Nation du panache, de l’aventure et de l’intelligence. C’est le génie français, reconnu comme tel dans le monde entier, et ce n’est pas un hasard si Napoléon choque les bien-pensants, les indigénistes et les racialistes, les analphabètes des ressorts intimes de notre pays, étrangers à l’âme nationale. Napoléon fait le lien entre l’Ancien Régime et la Révolution. Il reconstruit l’État, flingue les féodalités. Aimer Napoléon, c’est avoir le plaisir de déplaire aux veules. Un plaisir de gourmet.

G.C. – Bonaparte incarne le génie Français. L’Empire Napoléonien dominait l’Europe à une époque où l’Europe dominait le monde. Il y a du panache chez Napoléon même dans la défaite. Bonaparte est le plus grand visionnaire de l’histoire Française. L’organisation de l’Etat, les préfets en charge de l’action de l’État dans chaque département, notre organisation juridique, le Code civil, les lycées, la Banque de France, tout cela est l’œuvre de Napoléon. Napoléon est le bâtisseur de l’État moderne. A l’heure où nous commémorons le bicentenaire de sa mort, je crois que nous n’avons pas été à la hauteur. Nous avons laissé trop de place à certaines minorités qui détestent l’Histoire de France, à ceux qui exècrent notre héritage. Je crois qu’est venu le temps de déconstruire les déconstructeurs. La lecture anachronique de l’histoire n’a aucun sens. Quand j’entends la Ministre chargée de l’égalité hommes-femmes, Elisabeth Moreno, affirmer que Napoléon est « un des plus grands misogynes », j’ai mal à ma France. Honorons Bonaparte à sa juste valeur et laissons aux incultes le mépris qu’ils méritent.

Autre grand personnage de l’Histoire qui vous réunit, le Général de Gaulle. Où en êtes-vous, l’un et l’autre, avec de Gaulle ? Si vous n’aviez qu’une dizaine de lignes pour évoquer sa mémoire et son héritage, en quels termes les formuleriez-vous ?

B.C. – De Gaulle : une France, des tribus Gauloises aux soldats de l’an II. Sans doute a-t-il plus aimé la France que les Français. Il n’a pas toujours eu tort. Car dans les épreuves de notre pays, il fallut toujours l’ardeur de quelques centaines d’hommes et de femmes pour ramasser le drapeau tombé à terre.

G.C. – Le Général de Gaulle nous a légué une Nation libre, fière et souveraine. Qu’en avons-nous fait ? De Gaulle nous enseigne que la France peut toujours se redresser, même dans les pires moments de son histoire. Notre héritage nous oblige : nous sommes les héritiers d’une grande civilisation ; héritiers du Parthénon et du droit romain ; de Voltaire et de la liberté d’opinion. Parce que de Gaulle connaissait l’histoire, il a décidé de résister, symbole d’une France qui refuse d’être à genoux, puis se fit l’étendard d’une France puissante. Il doit se retourner dans sa tombe en voyant notre actuel état de soumission, notamment vis-à-vis de l’Allemagne.

Sans doute se retourne-t-il aussi dans sa tombe en voyant l’état du parti qui se réclame de lui ! A l’Assemblée Nationale, vous vous êtes spécialisé, Bernard, dans les questions d’intelligence économique et la défense de l’industrie française, notamment face aux dégâts infligés par le principe bruxellois de libre concurrence. Diriez-vous, l’un comme l’autre, que ce combat peut être mené dans l’état actuel de l’Union européenne ?

B.C. – Oui, et je me réjouis que les analyses que je faisais et la politique publique de défense et de promotion de nos intérêts industriels que j’ai bâtie il y a 18 ans soient aujourd’hui validées par les faits, et presque par tous. En octobre 2020, le Conseil européen, puis la Commission, ont reconnu la nécessité de construire des champions industriels, notion qu’ils vilipendaient avant la crise épidémique. La nécessité encore de construire des barrages ou des filtres juridiques aux frontières européennes pour lutter à armes égales avec nos concurrents déloyaux. Les institutions européennes admettent même l’urgence de réviser la politique communautaire de la concurrence et le régime des aides publiques. Je me souviens de m’être heurté au mépris de certains, au silence des autres, lorsque j’éclairais les formes nouvelles de la guerre économique, une guerre que se livrent aussi des amis et des alliés. Que l’Europe fasse, dans les mots pour l’instant, son aggiornamento est une belle revanche intellectuelle et politique. Et quand certains expriment leur adhésion au protectionnisme, un sabre de bois, je préfère promouvoir le patriotisme économique qui n’est que la définition et la promotion de nos intérêts dans le respect de la réciprocité. Exiger la réciprocité n’est pas simplement la moindre des choses mais nécessite du courage et de la persévérance. L’industrie est au cœur de la puissance nationale : moteur de la recherche, de l’enracinement local des emplois, garantie de nos technologies de souveraineté, figure symbolique à travers de beaux objets – avions, bateaux, fusées, trains, centrales nucléaires – l’industrie est aussi un formidable réservoir d’ascensions sociales.

G.C. – Je suis convaincu que l’idée européenne pourrait être une chance pour la France ; mais en aucun cas en fonctionnant de la sorte. Une politique naïve de libre concurrence, l’interdiction des aides d’Etat et des concentrations d’entreprises empêche l’émergence de champions industriels européens. Emmanuel Macron est le produit de l’idéologie Bruxelloise. C’est d’une ringardise sans nom. Notre industrie s’est effondrée. 85 milliards de déficit commercial en 2020. Quand l’Allemagne a dégagé un excédent commercial de 180 milliards d’euros. Nous sommes à l’heure du retour des Nations et des frontières qui séparent moins les peuples que les murs. Les identités constitutionnelles de chaque État de l’Union européenne doivent primer sur une Europe fédérale déconnectée des réalités des Nations. Une Europe sans âme ne m’intéresse pas. En revanche, une Europe qui choisit de mettre en commun ses forces dans les domaines où nous sommes plus forts ensemble me séduit. La recomposition des grandes puissances de ce monde nous oblige à refaire une Europe conquérante.

Nous questionnons beaucoup, au Nouveau Conservateur, le thème du progrès, et surtout du progressisme. De quel œil regardez-vous, l’un et l’autre, le progressisme ? Le thème du progrès peut-il encore fédérer les droites ou faut-il trouver d’autres paradigmes ?

B.C. – Le progrès ? Quel progrès ? Celui d’une génétique sans humanité qui permettrait de choisir son enfant blond aux yeux bleus, et qui condamnerait à la mort le futur handicapé ? Le progrès sans morale ni vertu n’a pas de sens. Il est même un contre-sens. Des progrès, oui, mais sans majuscule. L’âme n’est pas en équation.

G.C. – J’ai rencontré beaucoup de jeunes se définissant comme progressistes à l’université. Leur progressisme est en réalité le cache-sexe d’une idéologie décoloniale, « woke », importée du milieu universitaire américain. Biberonnés aux lectures de Foucault, Deleuze, Derrida, ils veulent tout déconstruire. Ils détestent la France et ce qu’elle représente. L’ordre : ils considèrent la police raciste. Nos traditions : ils veulent les effacer. Notre rapport à la famille : nous serions les partisans d’une société patriarcale. Faire table rase de ce que nous sommes, voilà le volet progressiste !

Propos recueillis par Paul-Marie Coûteaux

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