Par Gilles Brochard
Né le 6 août 1920 à Paris, et mort à 101 ans aux Invalides le 12 octobre dernier, Hubert Germain sera le dernier Compagnon à être enterré au Mont Valérien le 11 novembre 2021. Il aura été un « gaulliste » de la première heure, rejoignant les Forces Françaises Libres à Londres pour faire une carrière éclair d’officier jusqu’à la libération de la France. Avant de tourner la page et d’entrer en politique, fondant avec Jacques Vendroux et Michel de Grailly l’amicale parlementaire « Présence et action du gaullisme ».
Dans son Guide de la politique (Balland, 19072), quelque peu volontairement irrespectueux mais toujours passionnant, l’écrivain Dominique Venner avait tenu à dire quelques mots plutôt agréables et sibyllins sur Hubert Germain, entre deux entrées, « Alain Gesmar » et « Françoise Giroud ». Il le présentait comme un militant du RPF, maire de Saint-Chéron depuis 1953 et député UNR de de Paris depuis 1962, rappelant que dix ans plus tard, il avait été nommé par Pierre Messmer, son frère d’armes et ami, à la tête du ministère des Postes et Télécommunications en juillet 1972. N’avait-il pas refusé d’ailleurs, et Venner ne le dit pas, le ministère des Anciens combattants, en s’exclamant : « Qu’est-ce que j’en ai à foutre des anciens combattants ? ». Car si ce fils d’officier général issu des troupes coloniales, avait claqué la porte de l’armée à la fin de la guerre, il considérait que servir désormais son pays passait par un engagement politique.
Pourtant, personne ne peut contester son parcours militaire, qui fut exemplaire. Engagé dans les Forces Françaises Libres, nommé d’abord aspirant et affecté à l’état-major de la 1e Brigade commandée par le général Koenig, il rejoint la 13e Demi-brigade de la Légion étrangère pour participer héroïquement comme chef de section antichars à la bataille de Bir Hakeim, où il sera cité à l’ordre de l’armée.
Nommé sous-lieutenant en 1942, cet intrépide est de toutes les batailles : El Alamein, Tunisie, Italie, Pontecorvo près de Monte Cassino où il prendra une balle avant d’être évacué à Naples en mai 1944. Trois mois plus tard, il est sur pied pour participer au débarquement de Provence et aux combats victorieux de la 1e armée qui remonte la vallée du Rhône en direction de l’Allemagne.
Sa plus grande récompense
Il terminera son périple comme commandant en chef des troupes d’occupation en 1945. Il a alors 25 ans. Coeur vaillant mais pas tête brûlée, Hubert Germain sera fier d’être devenu un « croisé » du général de Gaulle, lui qui avait refusé l’Armistice et qui préféra rendre une copie blanche le jour du concours de l’École navale…. Sa plus grande fierté, comme sa plus grande humilité, fut d’avoir été fait Compagnon de la Libération, cet ordre de chevalerie qui le reliait à une fraternité d’hommes, tous choisis pour leur action particulière. Dans un entretien donné à Caroline Pigozzi pour Paris Match (26 novembre 2020), Hubert Germain fit cette confidence : « J’ai eu la chance, comme les autres, d’avoir un lien exceptionnel avec le général de Gaulle qui a créé l’ordre le 16 novembre 1940 », se disant heureux de se retrouver aux côtés de l’amiral Thierry d’Argenlieu (Père Louis de la Trinité), premier chancelier de l’ordre, qui retournera au Carmel en 1947, de Mgr Saliège, évêque de Toulouse et futur cardinal, ou de Mohammed V du Maroc.
« J’ai retrouvé un père »
Il rapportait ce que le général lui dit à Londres, lors de leur première rencontre, alors qu’il n’a que 18 ans : « Faites-moi confiance. D’où venez-vous ? Quel est votre niveau de préparation militaire ? Je vais vous envoyer dès que je le pourrai dans une école d’officiers. Cela doit être fait rapidement parce que j’aurai besoin de vous. » Et ce jeune volontaire de s’exclamer : « Dès qu’il m’a ouvert la porte, j’ai retrouvé un père et tout de suite embrayé sur la guerre. Ça m’est tombé dessus de façon évidente. » C’est ainsi que Germain suivra une formation d’élève officier de marine à bord du cuirassé Courbet. Et que débutera ainsi son aventure remarquable.
La France combattante au Mont Valérien
Est-il besoin de rappeler que le Mont Valérien et sa crypte où sera inhumé le 11 novembre Hubert Germain parmi quinze « morts pour la France », expriment la Résistance par excellence. Le général de Gaulle désigna le mémorial du Mont Valérien auquel il se rendit régulièrement le 18 juin, comme le lieu de mémoire dédié à la France combattante. En effet, entre 1940 et 1945, plus d’un millier d’hommes, jugés pour faits de résistance, amenés par camions sur cette colline proche de Paris, ont été enfermés dans une chapelle, avant d’être attachés à des poteaux pour être fusillés par groupes de quatre. L’immense croix de Lorraine en grès rose des Vosges, érigée sur une grande esplanade, en contrebas du fort, reste à jamais la croix de la liberté retrouvée. Et comme l’a souligné Denis Tillinac dans son Dictionnaire amoureux du Général (Plon, 2020) : « Seize hauts reliefs de bronze à l’alignement de part et d’autre de la croix commémorent les villes libérées par la France en armes (Colmar, Casablanca, Paris, Alençon, Saumur), les victoires (Fezzan,Cassino, Bir Hakeim, Narvik, Sienne, traversée du Rhin), le maquis, la déportation, l’action, les Forces Françaises aériennes libres, les fusillés. » Que le dernier Compagnon, repose en paix !
Gilles Brochard
En perspective : Le général de Gaulle a assisté aux cérémonies commémorant les 25 ans de l’appel du 18 juin. Après avoir reçu les compagnons de la Libération à l’Élysée, il s’est rendu au Mémorial de la France combattante au Mont Valérien. Il s’est recueilli quelques instants dans la crypte puis a ranimé la flamme avant d’observer une minute de silence. Il a ensuite parcouru la foule pendant de longues minutes, pendant que les musiciens interprétaient « Le chant des partisans ».
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