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De quoi je me mêle ? Anne Hidalgo et sa conception du mandat municipal…

Par Benoît Duteurtre

Loin de travailler pour ses administrés, Anne Hidalgo les met au service de causes supérieures (le climat, le progrès sociétal, la politique internationale) qui ne figurent pas au cœur de sa mission, argumente l’écrivain, amoureux de la Ville Lumière.

Comme si les mots pouvaient remplacer les faits, Anne Hidalgo répète que Paris est « plus beau que jamais » depuis qu’elle s’évertue à le défigurer. Mais elle aime aussi mettre partout son grain de sel : sur la politique nationale et internationale, sur l’Europe, la jeunesse, les femmes, le climat, l’euthanasie, le Rwanda, et tous autres sujets qu’elle commente depuis son bureau du IVe arrondissement. Le soutien affiché de la mairie de Paris au mouvement contre la réforme des retraites – et son indifférence aux empilements d’ordures subis par les parisiens – fut une spectaculaire manifestation de ce comportement récurrent qui finit par s’apparenter à un détournement de mission. Car un maire, me semble-t-il, devrait d’abord déployer ses efforts pour rendre la cité agréable à ses habitants, favoriser leur vie quotidienne, leurs déplacements, leurs loisirs… Autant de tâches dérisoires pour la présidente du conseil municipal qui utilise Paris comme un outil de communication politique et instrumentalise les parisiens au service de ses visions, y compris à leur propre détriment.

On se rappelle comment, dès le début de son premier mandat, Anne Hidalgo décida, du jour au lendemain, de fermer le dernier tronçon des voies sur berges malgré une décision contraire de la justice. Cette disposition approuvée par beaucoup, mais pas unanimement (ce tronçon désengorgeait le centre de Paris), n’était toutefois que la première d’une série d’annonces par lesquelles la mairie se fixait désormais pour objectif non seulement d’administrer la ville, mais de sauver la planète : une priorité imposée à tous les citoyens, quitte à bouleverser leur vie quotidienne, tout en ruinant la municipalité par d’incessants et monstrueux travaux. Les méthodes s’apparentent à des gadgets contre-productifs, inadaptés à la réalité urbaine : comme ces entraves à la circulation qui se reporte toujours ailleurs avec son lot de bruit et de pollution ; ou cette passion pour les potagers urbains et autres pissoires végétales, allant de pair avec le manque d’entretien des jardins existants et la dégradation de l’espace public. Ne parlons pas même de l’arrivée des moteurs électriques qui retire toute logique à cette lutte obsessionnelle contre l’automobile ! Il en va pourtant ainsi : dressés face au charbon allemand et à l’industrie chinoise, les parisiens doivent participer à ce combat qui complique leur vie au lieu de la simplifier, à moins d’adorer se déplacer à bicyclette (option très insuffisante dans une grande métropole). Mme Hidalgo peut ainsi parader dans les congrès de stars mobilisées pour le climat, puis seriner que son action est « très appréciée à l’international ». On préférerait qu’elle le soit davantage localement !

C’est la faute des autres !

S’exprimant sur tous les sujets au nom de la ville de Paris, elle se présente comme le porte parole de sa population. Rappelons pourtant qu’Anne Hidalgo et ses alliés furent élus, en 2020, par 17 % des inscrits avec une abstention de 64 % ! Détail insuffisant pour empêcher la téméraire édile de proclamer que « la ville de Paris » s’oppose à la réforme des retraites, quand, à l’évidence, une proportion non négligeable de ses habitants pense différemment. Nous avons même appris que certains guichets municipaux seraient fermés ou réduits par solidarité, cependant que la municipalité attendait le dernier moment pour s’intéresser au ramassages des déchets pourrissant sous le soleil avant de prendre feu dans les manifestations. Qu’on approuve ou pas le mouvement social, il est permis de s’étonner qu’une administration au service des citadins se présente ainsi comme un acteur de la politique nationale. Rien n’y fait, la ville entière doit servir les prétentions de celle qui, malgré la gifle de 1,75 % aux élections présidentielles, nous explique toujours que c’est la faute des autres (les fachos, les machos, l’appareil du PS…) ; et qui songe déjà à la prochaine présidentielle ou aux prochaines  municipales (où jamais, ô grand jamais, elle ne se présentera une troisième fois).

Des courriers administratifs en charabia inclusif

Cette conception du rôle de maire comme général en chef d’un combat pour la vertu se lit dans les tweets et autres messages dont Anne Hidalgo bombarde les réseaux sociaux, mais aussi sur cette plate-forme de communication qu’est devenue la façade de l’Hôtel de ville. On y découvre que nous, parisiens, luttons pour les retraites, les féminicides, les discriminations LGBTQI+, et que nous combattons avec une même ardeur pour les ressources en eau ou la construction européenne… causes sans doute excellentes, auxquelles on préférerait toutefois, comme simples citoyens : l’entretien de la ville, la propreté des rues, la lutte contre les tags, une circulation fluide, le soutien au commerce, etc. Loin de ces futiles nécessités, la reine de Paris approuve le mouvement « Extinction rébellion » qui bloque le Châtelet avec des bottes de foin et pourrit la vie de tout le quartier. Toujours à la limite de la légalité elle diffuse des courriers administratifs en charabia inclusif plutôt qu’en en français, afin de rappeler son pseudo-féminisme. Et, comme si ça ne suffisait pas, la mairie s’attribue une vocation de politique internationale : après avoir subventionné les associations qui aident les migrants en Méditerrannée, elle affiche les couleurs du drapeau ukrainien et apporte son obole à la guerre quand les finances municipales frisent la catastrophe. L’élue qui se prend pour un chef d’État s’est rendue deux fois à Kiev pour délivrer des conseils qui ont gêné tout le monde – avant d’exiger que les jeux olympiques se déroulent sans athlètes russes. Là encore, la voix hidalgienne se présente abusivement comme l’expression d’une ville, donnant envie de lui rétorquer : « de quoi je me mêle ? Occupez-vous plutôt de la saturation des transports publics, des réfugiés sous leurs tentes de fortunes, des problèmes de drogue qui rongent le nord est parisien, etc. »

La disparition déjà entamée des classes moyennes de la capitale.

On objectera que l’utilisation de Paris comme plate forme d’une carrière personnelle n’est pas nouvelle et qu’elle fut au cœur du mandat du premier maire, Jacques Chirac. Lui-même utilisa cette fonction prestigieuse comme une étape vers l’Élysée. Soulignons toutefois des différences significatives : la première étant que la ville de Chirac était extraordinairement riche, prospère, et non au bord de la banqueroute comme celle d’aujourd’hui ; ensuite qu’elle mettait en œuvre une politique remarquable d’équipements au service des habitants, comme les théâtres de quartiers, les conservatoires, les services sociaux, l’entretien des églises, jardins et monuments qui ne visaient pas à sauver la planète entière mais simplement à agrémenter la vie locale. La fameuse « ville du quart d’heure » qu’Anne Hidalgo sort à présent de son chapeau existait alors dans chaque quartier. Ces mandats ne furent pas sans taches et il y aurait beaucoup à dire sur certains programmes immobiliers, comme sur la disparition déjà entamée des classes moyennes de la capitale. Du moins cette gestion attentive au terrain allait-elle se poursuivre avec Jean Tiberi qui n’avait pas d’autre ambition (comme le montre aujourd’hui encore l’excellent état de son cinquième arrondissement), et même après l’élection de Bertrand Delanoë, parfois capable d’écouter, contrairement à son ex-première-adjointe qui se répète chaque matin devant la glace qu’elle est formidable.

Elle prétend rien moins que « réinventer » la ville

Loin de travailler pour ses administrés, Anne Hidalgo les met au service de causes supposément supérieures – climatique, écologique, géopolitique, sociale, sociétale – qui ne figurent pas au cœur de sa mission, mais qui l’autorisent à faire souffrir les habitants au lieu de les servir. Elle s’exprime en leur nom, les traite comme des écoliers priés de donner le bon exemple au monde entier. Au lieu d’entretenir Paris et de veiller sur l’héritage des siècles pour rendre la capitale en aussi bon état qu’elle l’a trouvée, elle prétend rien moins que « réinventer » la ville, selon les conceptions fumeuses dictées par son catéchisme progressiste et ses alliances politiques. Ses méthodes inspirent d’autres maires qui, aujourd’hui comme hier, croient bon d’imiter la capitale. Car elle agit au nom de ces « bonnes intentions » qui, à force de viser trop grand et trop loin, ont transformé ces dix dernières années en chemin de croix pour le simple piéton de Paris. Pis encore, elle monte les parisiens les uns contre les autres. Les habitants de certains quartiers populaires n’en peuvent plus des bidonvilles qui prospèrent et de la délinquance qui grandit. La politique de rachat d’immeubles risque d’aggraver le déséquilibre d’une ville partagée entre quartiers pour très riches, meublés touristiques et logements sociaux. Le réseau cyclable serait vertueux s’il n’était excessif, opposant partout les furieux pédaleurs qui sauvent le climat, les piétons apeurés et les automobilistes désemparés – et ce n’est pas un référendum sur les trottinettes qui changera quelque chose. Face à tant d’arrogance et de négligence dans la gestion d’une cité surendettée, les citoyens, mis chaque jour à contribution, auraient quelques raisons de se révolter et d’exiger de leur maire un minimum de sérieux et de modestie : deux qualités qui lui semblent résolument étrangères.

Benoît Duteurtre

Cette tribune est parue en partie dans les colonnes du Figaro le 31 mars 2023 sous le titre de : « Climat, Ukraine, retraite, immigration... Anne Hidalgo se mêle de tout sauf de Paris ». Dernier ouvrage paru : Dictionnaire amoureux de la Belle Époque et des Années folles (Plon).

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