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Charles Millon : « Lançons d’urgence le débat au sein du mouvement conservateur ! »

On présente plus Charles Millon : ancien ministre de la Défense, ancien président du Conseil régional Rhône-Alpes, président de « L’Avant-Garde » (mouvement lancé avec Charles Beigbeder). Charles Millon a marqué la vie politique française des quarante dernières années grâce à un courage, une audace de vue et un franc-parler qui manquent si souvent à ses pairs. C’est sans complexe qu’il parle de la droite, dont il est significatif qu’il situe désormais le cœur dans un conservatisme qui doit à son avis irriguer et relancer la droite, à condition que les multiples tendances qui s’y juxtaposent sans se connaître instaurent entre elles une sorte de débat permanent d’où devrait surgir un programme commun de la droite. Conscient de notre faiblesse politique, il suggère ici les voies et les moyens – notamment une très judicieuse réforme du système électoral, permettant d’instaurer pour les législatives un scrutin à un tour qui aboutirait à de grandes formations et rétablirait enfin le choix entre les deux lectures du monde et les conceptions philosophico-politiques les plus irréductibles, qui de tous temps opposent progressistes et conservateurs. C’est sans doute le seul chemin du renouveau.

Vous fûtes ministre de la Défense pendant le septennat Chirac, puis avez fondé « La Droite », que les partis dits de Droite n’ont pas laissé prospérer. Vingt ans après, quels enseignements tirez-vous de cette droite française tombée de Charybde en Scylla ?

C’était une grossière erreur que de renoncer à se définir positivement alors que la droite a un certain nombre de principes fondateurs, des attachements forts, un certain nombre de croyances, en particulier une conception du Droit qui la conduit à défendre la personne humaine, sa dignité intrinsèque. La droite, c’est aussi l’enracinement dans une histoire mais aussi dans l’espace, une géographie, ce qui ex-plique notre attachement charnel à la patrie, l’importance que nous attachons à la Nation, au rôle joué par la France dans l’histoire. Être « de droite », c’est aussi se battre pour l’autonomie, celle des personnes mais celle aussi des familles, des sociétés et des corps intermédiaires qui peuvent se prévaloir de l’application du principe de subsidiarité pour prendre, chacun à leur niveau, les décisions qui les concernent sans avoir à solliciter toujours l’État et ses sommets. Pour toutes ces raisons, la droite est résolument contre le centralisme totalitaire de gauche qui bride les libertés et met à mal l’idée même de responsabilité.

Voyez l’enseignement : parce que nous sommes de droite, nous sommes attachés à l’autonomie des établissements scolaires, et pensons que le choix de l’école revient aux parents, qui sont les mieux placés pour orienter leurs enfants en fonction du projet scolaire dont ils ont connaissance. Même principe dans le domaine de la santé : il faudrait que les établissements de soins, notamment les hôpitaux de proximité, jouis-sent d’une large autonomie de décision et d’organisation, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui puisqu’ils sont placés sous la tutelle les Agences régionales de santé (ARS), lesquelles exercent sur leurs directions respectives un pouvoir tatillon qui leur laisse peu de marge de manœuvre. L’hôpital français se meurt d’un excès bureaucratique. Vingt ans après la création de « La Droite», je pense que l’intuition qui avait présidé à son lancement reste pleinement d’actualité. Nous ne traversons pas une crise d’identité mais bien plutôt une crise de foi en nous-mêmes.

Comment expliquez-vous que la droite soit devenue si faible, alors que les thèmes de campagne (immigration, dépense publique, endettement, défense des libertés, grippage des instruments de transmission culturelle…) sont de droite. Est-ce la maladresse de ses dirigeants, son éclatement entre plusieurs partis, l’impossibilité de formuler des paradigmes communs, le manque de travail intellectuel ?

La droite a des idées. Nous comptons dans nos rangs un certain nombre d’intellectuels de renom qui se sont mis au travail et ont creusé intelligemment les grandes thématiques qui caractérisent notre courant de pensée. Malheureusement, depuis maintenant 30 ans, nonobstant l’existence de ce courant d’idées et des penseurs qui le portent, la droite n’a pas su prendre sa place dans le paysage politique français. Elle s’en est montrée incapable parce qu’elle n’a pas su se réunir autour d’un programme commun, ni voulu comprendre comment réaliser la synthèse de tous les tempéraments qui la constituent. Ainsi, la mouvance girondine qui est attachée au localisme et à la diversité des personnalités n’a pas trouvé la place qui devrait être la sienne. Le courant jacobin, lui, occupe toute la place.

Il y a deux droites : une droite très présidentialiste, favorable à l’élection du président de la République au suffrage universel direct et à la rencontre d’un homme avec son peuple ; et il y en a une autre, parlementariste, qui n’est pas prête à s’abandonner à un homme providentiel à qui il faudrait faire confiance de manière aveugle, sans que le peuple soit jamais consulté tout le temps d’un quinquennat, et qui attend au contraire du président qu’il soit un simple arbitre, le chef du pouvoir exécutif. La droite a été captée, prise en otage, par le courant jacobin. De ce fait, un certain nombre de gens de droite se sentent esseulés, d’une certaine manière ils sont orphelins, leur conception de la vie en société n’étant pas prise en compte. La dispersion rend la droite inefficace. Certains considèrent que la bataille doit se faire autour du localisme parlementariste, d’autres pensent l’inverse qui défendent un système très centralisé, au sens propre du terme « bonapartiste ». Aucun ne fait l’effort de chercher à comprendre le point de vue de l’autre. Or, chacun a ses raisons, chaque démarche a sa logique qu’il faut essayer de comprendre avant de la critiquer, si tant est que l’on espère un jour pouvoir converger. La confrontation des idées devrait normalement y contribuer.

Retrouvez la suite de cet entretien avec Charles Millon dans le septième numéro du Nouveau Conservateur.

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