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Le grand mensonge du melting-pot états-unien 

Par Guillaume de Thieulloy, directeur de la Publication du Nouveau Conservateur

Il est bien connu que les States forment une société unie, dont le caractère multiracial et multiculturel est transcendé par le fameux melting pot, l’attachement au drapeau  ayant même l’ampleur d’une religion – il est d’usage de parler de religion civile. Or, les  fragilités des Etats-Unis, comme société et comme empire, sont, depuis quelques années, la source d’une abondante littérature qui ne donne pas cher de l’avenir de la première puissance du monde, et d’une nation de plus en plus travaillée par les divisions politiques, souvent violentes, et par le wokisme, au point que nombre de quartiers sont impénétrables, que la plupart des personnalités, ou simplement des citoyens aisés, se dotent d’imposants gardes du corps, et qu’il est devenu fréquent que, dans les bureaux de vote, les assesseurs éprouvent le besoin de porter de gilets parre-balles – entre autre dérives annoncées il y a vingt ans par Edward Behr dans son fameux essai, Une Amérique qui fait peur, Emmanuel Todd annonçant dès 2001 la décomposition du système américain dans son Après l’Empire. Aujourd’hui, le fameux melting pot n’est plus qu’un gigantesque mensonge, comme le montre ici Guillaume de Thieulloy, bon connaisseur des Etats-Unis et lecteur d’un ouvrage marquant de Stephen Marche, USA : La prochaine guerre civile (Buchet-Chastel. 304 pages. 22,50 €.)

Les Etats-Unis sont en proie à un engrenage mortifère. La violence politique y a atteint un niveau inégalé, sinon depuis la guerre de Sécession, du moins depuis les émeutes des Black Panthers vers la fin des années 1960. 46% des Américains estiment qu’une guerre civile est désormais probable. Il est d’usage, notamment parmi les médias français, d’attribuer cette montée de la violence à Donald Trump et il est vrai que la campagne de 2016 comme, plus encore, le refus des résultats de 2020 ont considérablement durci le ton de la « conversation politique ». Cependant, Donald Trump est bien davantage un symptôme qu’une cause.

Saisissante fragilité

Comme le fait remarquer le journaliste canadien Stephen Marche, fin connaisseur de la société américaine où il réside habituellement, avec ou sans Donald Trump, la violence politique monterait aux Etats-Unis depuis le début de ce siècle et la possibilité d’une explosion de l’empire le plus puissant de la planète serait devenue une hypothèse plausible.

Pour au moins deux raisons.

La première tient aux sources de la citoyenneté américaine : les Américains savent, depuis les origines, qu’ils viennent de nations, de cultures, de sociétés très différentes, sinon hostiles, et ont toujours entretenu un profond sens de la communauté infra-étatique, rendant plus aisée l’explosion politique. Par ailleurs, la mythologie du colon se taillant par la force une place dans le pays demeure puissante. Depuis des siècles, aussi solide qu’apparaisse la société américaine, aussi impressionnante que soit la capacité d’intégration de sa « religion civile », la fragilité du lien proprement politique, comme la solidité corollaire des liens infra-politiques, a frappé les observateurs.

La seconde raison est plus contemporaine : à mesure que les minorités les plus actives ont pris le contrôle des deux grands partis de gouvernement (à la faveur des primaires et en s’appuyant sur un réseau foisonnant de think tanks ou d’associations grassroots), s’est imposée, de part et d’autre, l’idée que la moitié des citoyens n’étaient pas de « vrais » Américains. Pour les conservateurs, les démocrates hostiles au libre port des armes à feu ne peuvent pas être de véritables fils des « Pères fondateurs » ; inversement, pour les électeurs de Bernie Sanders, comment pourrait-on être américain sans être progressiste ? Cette vision manichéenne du monde est certes classique aux Etats-Unis, mais elle devient particulièrement saisissante aujourd’hui.

Les scénarios de l’implosion

Dans ce contexte, Stephen Marche a proposé plusieurs scénarios d’explosion plus ou moins brutale de la société américaine – le refus par le shérif charismatique d’un État conservateur, la coupure d’un pont par l’administration fédérale en charge des infrastructures routières, le chaos successif à une tornade frappant New York ou la fragile Cote Ouest , la tentative d’assassinat du Président par un jeune paumé… Aucun de ces scénarios n’est invraisemblable. Mieux, la plupart des événements imaginés dans ces récits ont déjà partiellement eu lieu. En suivant ces exemples concrets, commentés par de nombreux experts interrogés par l’auteur, le lecteur mesure davantage l’incroyable fragilité d’une société qui, pourtant, continue de régner militairement, politiquement ou culturellement sur le reste du monde – comme l’Empire romain, malgré sa puissance, manifestait, des décennies avant sa chute, d’inquiétantes failles. En tous les cas, la lecture de l’ouvrage de politique-fiction de Stephen Marche, magnifiquement documenté, est vraiment stimulante.

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