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Israël et Ismaël

La Revue fantastique de Philippe de Saint Robert

Ce qui doit arriver arrive. Le conflit israélo-palestinien est né avec la constitution même de l’État hébreu qui devait être issu d’un partage de la Palestine qui n’eut jamais lieu. On oublie trop, ou l’on veut oublier, les conditions dans lesquelles l’État d’Israël a été admis à l’ONU en 1949. Il ressort, en effet, de la résolution 273 (III) du 11 mai 1949 que l’État d’Israël n’a été admis à l’ONU que sous une condition formelle, la mise en œuvre par son gouvernement des précédentes résolutions des 29 novembre 1947 et 11 décembre 1948 par lesquelles obligation était faite aux autorités israéliennes de rapatrier les réfugiés qui désiraient rentrer dans leurs foyers et d’indemniser ceux qui renonceraient à ce droit. Les réfugiés palestiniens, en dépit des engagements formels pris par les dirigeants israéliens devant la Commission politique spéciale des Nations Unies en 1949, ne furent jamais ni rapatriés, ni indemnisés.

     Il est donc facile de reprocher aux États arabes de l’époque de n’avoir pas reconnu l’État d’Israël, dès lors que l’Etat palestinien prévu par le plan de partage n’était pas lui-même créé.

    La guerre des Six-Jours de 1967 a tragiquement rebattu les cartes. Rappelons la position prise alors au nom de la France par le général de Gaulle, le 27 novembre 1967 : « On sait que la voix de la France n’a pas été entendue. Israël ayant attaqué, s’est emparé, en six jours de combats, des objectifs qu’il voulait atteindre. Maintenant, il organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions et il s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour, il qualifie de terrorisme ». Cette déclaration reste aujourd’hui plus opportune que jamais. Certains dirigeants israéliens, surtout quand ils ne sont pas en charge, sont lucides. Abba Eban, ancien ministre des Affaires étrangères, écrit dans « Pour le partage » ( Le Monde diplomatique – juillet 1988) : « Si nous insistons pour garder tous les territoires et les populations qui sont tombés sous notre contrôle en 1967, nous perdrons notre majorité juive, nos principes démocratiques, nos chances de paix éventuelle, notre traité avec l’Égypte et la possibilité d’éviter une autre guerre ».

 À cet égard, la voix de la France est restée à peu près fidèle à elle-même, bien que beaucoup de pressions internes et extérieures aient brouillé les pistes. Le problème de M. Macron est que, dépourvu de mémoire historique, il avance à tâtons. Le Général avait dit qu’en aucun cas la France ne tolèrerait qu’Israël soit détruit : cela ne signifiait pas qu’il pouvait bénéficier d’un soutien inconditionnel, tel que certains esprits incompétents ont pu le suggérer.

   On en revient donc à la fameuse solution des deux États que François Mitterrand lui-même avait affirmée à la Knesset. Le problème est de savoir comment cette solution pourrait être aujourd’hui réalisable, alors que les gouvernements israéliens successifs, manipulés par une extrême-droite fanatique, ont laissé s’implanter en Cisjordanie quelque 700.000 colons qui brutalisent et expulsent de leurs terres les Palestiniens qui y résident.

Un regard mystique sur le conflit de Palestine

   On peut comprendre sans l’approuver que les Sionistes poursuivent les ambitions qui ont toujours été les leurs. Le président Biden n’a malheureusement pas rompu avec les ambiguïtés de ce protectorat américain sur la Terre sainte. Ce sont les Américains qui portent la totale responsabilité de ce qui se passe au Proche-Orient. L’État d’Israël ne peut mener les guerres qu’il mène qu’avec l’assistance permanente et l’encouragement désespérant de Washington. Eu égard à cela, les États européens pèsent bien peu, surtout depuis que François Mitterrand désavoua, dès son élection, la « Déclaration de Venise » (1980), prônant une reconnaissance des deux États. On ne voit d’ailleurs pas comment l’Union européenne pourrait avoir une politique commune au Proche-Orient. Emmanuel Macron vient de prédire que la politique actuelle de Netanyahou ne pouvait qu’engager pour dix ans une nouvelle guerre.

   Retrouver la pensée de Louis Massignon [1] pourrait peut-être nous aider. Le Cheikh admirable (comme l’appelait Jacques Berque) analysa ce drame à son origine et avait de ces événements une approche qui, par son inspiration mystique, ne peut que désorienter nos contemporains, bien incapables d’être réceptifs à cette lumière qui pourtant les éclairerait davantage que d’irréalisables décisions des Nations Unies.

Pour lui, « le drame qui déchire et oppose Israël et Ismaël est incompréhensible au regard de leur commune descendance d’Abraham ; c’est parce que les représentants de la chrétienté qui avaient mandat de la Palestine ont considéré le problème palestinien comme un banal colonialisme, que nous nous trouvons devant une interprétation totalitaire de la réinstallation d’Israël dans la terre qui lui a été promise»  ; la paix dans la justice dépend du problème de l’hospitalité. Dans ce problème se trouve tout entier celui de la transcendance ».

    Louis Massignon ne donne pas tort à Israël mais le met dans son tort dans la mesure où c’est lui qui occupe, sans jamais la moindre concession : « Nous entrons dans le mystère de la vocation d’Israël et de son rôle quand il revient en Terre sainte. La race d’Israël est vouée au sacerdoce par Abraham et par l’Abraham du sacrifice d’Isaac. Les Musulmans ne sont pas des sacrificateurs mais des guerriers, qui tirent l’épée pour la transcendance divine toute pure, ce qui est aussi une chose  abrahamesque, mais ils n’ont pas le caractère de prêtres. Tout essai de partage de la Terre sainte entre rivaux, insiste-t-il, et même tout essai d’abandon de ce symbole unique de la future Union humaine à Israël seul, en excluant la chrétienté ou l’islam, est irréalisable ».

P.S.R.

Légende : Louis Massignon (1883-1962)


[1] Cf. Louis Massignon, Ecrits mémorables, tome 1, « Collection Bouquins », Robert Laffont, 2009.

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