Par Jean-Baptiste Noé
En 1958, la France n’est pas uniquement confrontée à une crise politique et institutionnelle majeure : elle subit aussi une défaillance économique de premier ordre. Le franc est dévalué, les comptes publics sont fortement déficitaires, l’économie est paralysée par les soviétisations mises en place en 1946-1947, le retard industriel est patent. L’œuvre de redressement national à laquelle s’attache le général de Gaulle passe non seulement par une restauration politique et constitutionnelle, mais aussi et en même temps par une rénovation économique qui vise à assainir les comptes publics (notamment en baissant la dépense publique de 15 % – ndlr) et à libérer de nombreux secteurs économiques.
La souveraineté d’un État repose sur son indépendance monétaire et donc l’absence de dette.
Pour ce faire, de Gaulle s’appuie sur les conseils de deux hommes : Georges Pompidou, son directeur de cabinet, et l’économiste Jacques Rueff. Ancien bras droit de Raymond Poincaré et de Paul Reynaud, Rueff a contribué à sauver le franc à deux reprises, en 1928 et en 1938, et à rétablir les comptes publics. C’est aussi un fervent opposant de Keynes, qu’il combat dès les années 1920, et des accords de Bretton Woods, œuvre de l’économiste anglais. Convaincu de la faillite à venir de ces accords et de la place exorbitante qu’ils accordent au dollar, Rueff préconise l’établissement d’un franc fort et la remise en cause de l’ordre monétaire issu de la Seconde Guerre mondiale.
En s’appuyant sur Pompidou et Rueff contre les gaullistes de gauche, de Gaulle opte pour une vision réaliste de l’économie, qui donne la primauté à la monnaie, à la liberté des échanges, aux entreprises et à la salubrité des comptes publics. Un programme qui aujourd’hui serait taxé d’ « ultralibéral », mais qui visait surtout à l’indépendance nationale et à la subsidiarité des entrepreneurs…
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