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Tolstoï et Dostoïevski : l’âme russe est européenne, mais pas occidentale

Par Henri Peter

Tolstoï et Dostoïevski : ces deux géants de la littérature russe nous surplombent. Tout en étant opposés, leur influence fut et reste considérable, tant sur le plan littéraire, que politique. Henri Peter, enseignant et traducteur, spécialiste de Dostoïevski, revient pour Le Nouveau Conservateur sur ce qu’ ils ont à nous dire aujourd’hui (une soif de vivre en configurant ensuite sa vie au Christ). Paradoxalement, ces deux grands Russes sont les plus universels des écrivains ; ils démontrent, en tous les cas, que les Russes ne sont pas solubles dans l’Occident États-Unien.

Dostoïevski : vitalité de l’âme russe face à la détresse européenne…

En 1848, Dostoïevski, compromis avec le cercle révolutionnaire Petracheski, est condamné à mort : il échappe de justesse à son exécution le 11 décembre 1849, à la suite d’une grâce inespérée du Tsar1 : « Pendant les quinze ou vingt minutes cet homme vécut dans la conscience qu’il allait mourir dans quelques instants. (…). Dans trois minutes où serait-il ? Près de là s’élevait une église dont la coupole dorée brillait sous un soleil éclatant et dont il ne pouvait détacher les yeux. Si je pouvais ne pas mourir ; Si la vie m’était rendue ; Quelle éternité s’ouvrirait devant moi ! Je transformerais chaque minute ou instant en siècle de vie, je n’en perdrais pas une seule, pour ne pas les gaspiller ». Ce jour-là, s’est opéré chez lui une mutation spirituelle, soudaine et définitive, l’éternité s’est ouverte à lui. Pour Dostoïevski, « Pouchkine, est une manifestation extrême de l’esprit russe.. (..) … Mais qu’est-ce que la force spirituelle de la nation russe, sinon dans ses ultimes objectifs, son aspiration à l’universalité et à l’humanité intégrale…(..) … S’efforcer d’apporter la réconciliation, définitive, dans les contradictions de l’Europe, montrer à la détresse européenne l’issue que lui offre l’âme russe. » Ces propos furent reçus dans un enthousiasme indescriptible : slavophiles et occidentaux tombèrent dans les bras les uns des autres On pense au personnage des Démons, Chatov, lorsque celui-ci balbutie face aux nihilistes possédés, la fameuse phrase : « Qui perd son peuple perd son Dieu », en ajoutant que « seul le peuple russe est porteur de Dieu ». Le Christianisme n’est-il pas avant tout une religion de l’incarnation ? Après tout la France, longtemps considérée comme « Fille aînée de l’Église » en sait quelque chose. Et si cette ferveur servait à dépasser le matérialisme ?

Pour Dostoïevski, l’homme de l’intelligentsia, aujourd’hui des « sachants », veut un peuple idéal et désincarné, qui rompt ses attaches organiques. Il éduque les générations dans des idées abstraites, qui de ce fait, en arrivent à nier le passé et à se désintéresser du présent. Ils ont donc supprimé toutes les relations concrètes pouvant unir les hommes. Résultat, l’amour verbal crée des êtres privés de dimension spirituelle à l’âme méchante, envieuse, parce qu’ils n’ont pas aimé le vrai peuple mais l’idée qu’ils en ont. L’essence du libéralisme pour Dostoïevski, au delà des idées de progrès, est cet esprit d’athéisme, incitant toute la civilisation moderne à tenter de devenir une vertu sans le Christ. Les pères libéraux préparent l’avenir spirituel de toute une génération. Ceux-ci, libérés de tous liens, se hâtent d’en finir avec les pères, éliminant du même coup tous les éléments « rétrogrades » de la société. Comment ne pas reconnaître ici l’incapacité de notre société à transmettre ?

Le grand secret de Tolstoï

Le génie littéraire de Tolstoï n’a pas fini de nous éblouir : lui aussi peut faire vivre toute une humanité issue de sa propre substance. Mais au sommet de son art et de sa gloire, Tolstoï va changer. Que s’est-il passé ? Il a vu, lui aussi, à quarante ans, la mort en songe dans une auberge, et il ne peut se détacher de cette vision. Ce rêve va le transformer. Impressionné par la foi des simples, qui ont la force de la vie, il veut se régénérer. Pour lui la foi est la connaissance du sens de la vie humaine. Tolstoï arrive à la conclusion, que c’est parce que sa vie a été concupiscente, qu’elle a été absurde. Il renonce à son milieu social et à son mode de vie, il refusera même d’être servi. Certes, Tolstoï revient à la foi, mais ce n’est pas la foi de l’Église orthodoxe, qu’il va violement contester avec un rare talent de polémiste. Pourquoi ? Il ne peut accepter ni la résurrection, ni les dogmes, ni le Christ fils de Dieu. L’Église, selon lui, a déformé son message. Il veut revenir aux racines de son enseignement, le sermon sur la montagne. Tolstoï va se dépouiller progressivement de tous ses biens propres, de ses droits d’auteurs, revenir à une vie simple.

Retrouvez la suite de cette analyse  d’Henri Peter dans le septième numéro du Nouveau Conservateur.

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