Par Gilles Brochard
Le 24 décembre 1941 fut le Noël de l’espoir. Non seulement pour le général de Gaulle mais pour tous les enfants de France.
En 3 777 signes, le général de Gaulle écrivit un conte de Noël qu’il lira à la BBC le 24 décembre 1941, destiné aux enfants de France. Un conte dans lequel l’homme rempli d’espoir, veut témoigner dans sa foi dans la victoire prochaine face à un pays qu’il désigne « comme une voisine brutale, rusée, jalouse : l’Allemagne. » Avant d’ajouter aussitôt : » L’Allemagne, enivrée d’orgueil et de méchanceté, a voulu, un beau jour, réduire en servitude les nations qui l’entouraient. » En cette fin d’année, le général refuse d’être déprimé. Il souhaite que la nation reprenne confiance et à travers elle, tous les enfants de France en âge de réfléchir à son destin. Comme l’a souligén l’historien François Kersaudy dans Historia (janvier 2021) : « Après tout, la période récente a été fertile en événements – les bons comme les mauvais : depuis la reconquête du Levant et le regrettable armistice de Saint-Jean-d’Acre, les relations avec l’allié britannique ont été tendues, même si l’entrevue de septembre avec Churchill s’est bien terminée, après avoir très mal commencé ; les dissensions inhérentes à tout mouvement en exil n’ont pas épargné la France libre, et l’amiral Muselier 1 a fait rudement tanguer le navire à croix de Lorraine avant de s’incliner devant l’intransigeance du Général et la pression des Britanniques. » N’oublions pas non plus qu’en cette fin d’année, le général regardait d’un mauvais oeil les attentats perpétrés sur le sol français par les résistants communistes car cexu-ci entraînaient de violentes représailles contre la poupulation civile.
Pour la gloire de la France
Comme l’écrira le général dans ses Mémoires de guerre : « Cependant, si le caractère mondial de la guerre me déterminait à faire en sorte que que des forces françaises soient engagées sur tous les théâtyres d’opérations, c’est sur celui qu intéressait le plus directement la France, à savoir l’Afrique du Nord, que je m’appliquais à concentrer l’effort principal. Une fois anéantie l’armée italienne d’Ethiopie, interdit aux Allemands l’accès à la Syrie, étouffées dans l’oeuf, à Vichy, les velléités d’agir, c’est en Libye qu’il nous fallait agir. » C’est dire que, malgré toutes les difficultés stratégiques auxquelles ses troupes étaient confrontées, le général était habité par un sérieux optimisme en cette fin d’année 1941 même s’il connaissait les enjeux périlleux concentrés dans cette région où l’offensive allemande allait se confronter à la VIIIe armée britannique comme aux chars de Leclerc.
D’une voix claire et enveloppée de gaieté, le général reste ferme devant le micro de la BBC et comme une respiration dans la froidure de l’hiver londonien, le voici qui donne du baume au coeur à la jeunesse française : « L’ennemi et ses amis prétendent que c’est bien fait pour notre nation d’avoir été battue. Mais la nation française, ce sont vos papas, vos mamans, vos frères, vos sœurs. Vous savez bien, vous, mes enfants, qu’ils ne sont pas coupables. Si notre armée fut battue, ce n’est pas du tout parce qu’elle manquait de courage, ni de discipline. C’est parce qu’elle manquait d’avions et de chars. Or, à notre époque, tout se fait avec des machines, et les victoires ne peuvent se faire qu’avec les avions, les chars, les navires, qui sont les machines de la guerre. Seulement, malgré cette défaite, il y a toujours des troupes françaises, des navires de guerre et des navires marchands français, des escadrilles françaises, qui continuent le combat. Je puis même vous dire qu’il y en a de plus en plus et qu’on parle partout dans le monde de ce qu’ils font pour la gloire de la France. »
Bientôt « la visite de la Victoire »
Et le général, toujours la voix assurée, d’un ton confidentiel et enjoué, s’exclame alors : « Pensez à eux, priez pour eux, car il y a là, je vous assure, de très bons et braves soldats, marins et aviateurs, qui auront à vous raconter des histoires peu ordinaires quand ils seront rentrés chez eux. Or, ils sont sûrs d’y rentrer en vainqueurs, car nos alliés, les Anglais et les Russes, ont maintenant des forces très puissantes, sans compter celles que préparent nos alliés les Américains. Toutes ces forces, les Allemands n’ont plus le temps de les détruire, parce que, maintenant, en Angleterre, en Russie, en Amérique, on fabrique d’immenses quantités d’avions, de chars, de navires. Vous verrez un jour toute cette mécanique écraser les Allemands découragés et, à mesure qu’ils reculeront sur notre territoire, vous verrez se lever de nouveau une grande armée française. Mes chers enfants de France, vous avez faim, parce que l’ennemi mange notre pain et notre viande. Vous avez froid, parce que l’ennemi vole notre bois et notre charbon, vous souffrez, parce que l’ennemi vous dit et vous fait dire que vous êtes des fils et des filles de vaincus. Eh bien ! moi, je vais vous faire une promesse, une promesse de Noël. Chers enfants de France, vous recevrez bientôt une visite, la visite de la Victoire. Ah ! comme elle sera belle, vous verrez ! »
En 1969, le général décide avec son éditeur, Sven Nielsen, présicent des Presses de la Cité, d’éditer son conte de Noël. Il choisit alors le dessinateur Paul Durand, qu’il considère comme le plusy représentatif des années 1950-1970, pour donner plus de vie et plus de couleur à son texte. Ils se rencontrentchez l’éditeur et quand il pénètre dans le bureau de Svern Nielsen, il a la surprise de voir le général assis à sa place. C’est ainsiq ue le général aura entre les mains chaque dessins, chaque gouache. L’actuel éditeur, Gilbert Rompas, raconte : « Il lui demande notamment de ne pas représenter les deux étoiles du général sur son képi. Il s’ionterroge car on voit un clocher sur deux images: « il y aura toujours un petit malin pour plaisanter sur Colombey-les-Deux-Églises », dit-il. À la fin du livre, afin de donner à son texte une portée plus universelle, il souihaite, plutôt que la représentation du défilé d ela libération de Paris, un dessin représentant les différents conflits, ne particulier la guerre de 1870 à laquelle son père avait participé. » Malheureusement, le général disparaitra avant de tenir entre les mains cette édition qui aujourd’hui reparaît chez Corsaire édition avec l’intégralité des illustrations de Paul Durand.
Gilles Brochard
À lire la réédition : Message de Noël aux enfants de France, par Charles de Gaulle. Illustrations de Paul Durand, Corsaire éditions, 16 €.