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L’anglicisation, pilier de la déconstruction nationale

Par Ilyes Zouari

La décision de rendre bilingues (français-angloricain) nos futures cartes d’identité n’est que le dernier exemple en date d’une défrancisation de la France qui relève bel et bien, à présent, d’une véritable politique, devenue pour ainsi dire systématique. Président fondateur du Centre d’Etude et de Réflexion sur le Monde francophone, ancien secrétaire général de la revue Population et Avenir fondée par le regretté Philippe Rossillon, auteur du « Petit dictionnaire du Monde francophone », Ilyes Zouari se demande ici pourquoi la France (du moins la France officielle) tient tant à détruire sa langue : la grande œuvre de liquidation des héritages et de déconstruction nationale vise-t-elle à favoriser l’intégration « européenne » ? A mieux accueillir de nouveaux arrivants dans un néant culturel commun ? A garantir la désagrégation générale des identités dans l’universel techno-progressiste ?

Encouragées au plus haut sommet de l’État, qui exerce notamment une pression constante sur la magistrature afin que soient quasi- systématiquement déboutées les associations de défense de la langue française (qui ne font pourtant que réclamer l’application de la loi dans un pays encore censé régi par les principes de l’État de droit), les exemples d’anglicisation se multiplient au point de choquer bien des visiteurs venant de pays francophones – loin d’être, quant à eux, aussi gravement touchés par ce phénomène. Dans la France d’aujourd’hui, on ne compte plus les slogans publicitaires en anglais, les manifestations et salons internationaux où le français est banni de l’affichage, les grandes écoles au site Internet majoritairement en anglais, ou encore les brochures touristiques rédigées d’abord dans la langue dite « de Shakespeare », avec une version minuscule en français pour les touristes francophones, venant de France ou de l’étranger, ainsi infériorisés – toutes choses impensables au Québec ou en Afrique francophone. Cette hostilité d’un large part des élites françaises à l’encontre de notre langue va de pair avec celle des responsables de l’Union européenne (UE), qui ne manque pas une occasion de l’écarter, souvent au mépris des traités européens : prolifération des publications, correspondances et sites internet exclusivement en langue anglo-ricaine, création récente d’un « Parquet européen » ayant l’anglais pour seule langue de travail, adoption d’une réglementation visant à imposer l’anglais comme unique langue de communication entre les pilotes français et les principaux aéroports métropolitains. On ne compte plus les aberrations de ce type, qui n’existent ni au Québec ni en Afrique francophone : faudra-t-il s’exiler pour pouvoir vivre en français ?… Le processus d’anglicisation est tel que la France se classe désormais devant non moins de 19 anciennes colonies britanniques ayant toutes l’anglais pour langue co-officielle, de jure ou de facto, selon le dernier classement EF EPI (Education First, English Proficiency Index) relatif au niveau de maîtrise de la langue anglaise par la population d’un pays ! (c’est quelquefois l’occasion – un comble – pour se lamenter sur la soi-disant médiocrité des Français). Ainsi, en se plaçant à la 28e position en 2020, l’Hexagone dépasse même Hong Kong (33e ), l’Inde (50e ) et les Émirats arabes unis (66e ), en plus de devancer très largement plusieurs puissances non anglophones, comme le Japon (55e ). Pourtant, certains voudraient aller encore plus loin sur la voie de la défrancisation, en encourageant la création de classes bilingues, ou en souhaitant la diffusion en version originale des films américains. Et ce, après avoir déjà rendu obligatoire l’apprentissage d’une langue étrangère dès le CP, chose que même trois des quatre pays scandinaves n’ont osé faire…

Défrancisation, affaiblissement, vassalisation

Menée sous différents prétextes fallacieux, cette politique d’éradication progressive de la langue française et de remplacement par l’anglais vise à affaiblir la France, en la détournant des valeurs qui sont les siennes et en la privant d’un instrument majeur de puissance. En effet, la langue est aussi un instrument d’influence culturelle, économique et géopolitique. Ce n’est pas un hasard si les Québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les Américains à venir en France… Et ce n’est pas non plus un hasard si les premiers pays à avoir interdit le niqab étaient francophones, en Europe comme en Afrique, suivis par des pays souvent francophonophiles : exemples, parmi d’autres, des valeurs véhiculées par la langue française, et qui font des sociétés francophones, globalement, des sociétés moins violentes et moins inégalitaires que les sociétés anglophones ou hispanophones, comme le confirment les classements internationaux en chacune de ces matières. Pour gagner en efficacité, cette politique de remplacement s’accompagne d’un dénigrement du français, décrit comme en déclin et incompatible avec le progrès, alors qu’il est toujours la deuxième langue la plus apprise au monde, après l’anglais, et qu’il couvre un espace regroupant désormais plus de 520 millions d’habitants, globalement en forte croissance économique et venant de dépasser, en population, l’espace hispanophone. Or, dévaloriser la langue française aux yeux de nos compatriotes, c’est dévaloriser la France elle-même à leurs yeux ! Une stratégie menée de concert par les atlantistes et les européistes afin de faire perdre à nos compatriotes toute fierté et toute confiance en leur pays (pourtant l’une des quatre ou cinq premières puissances mondiales, si l’on prend en compte toute la gamme des critères de puissance), et leur faire ainsi accepter plus d’atlantisme ou d’intégration européenne, présentés dès lors comme inévitables, et même nécessaires à la survie. Or, atlantistes et européistes se battent pour la même chose, en définitive, à savoir la vassalisation de notre pays aux ÉtatsUnis, la construction européenne ayant été noyautée dès ses origines par ces derniers en vue de s’assurer le contrôle et la loyauté du « vieux continent ». L’alignement de la quasi-totalité de pays de l’UE sur les positions américaines en politique internationale et le veto presque systématique à tout projet en faveur d’une Europe-puissance, le prouvent abondamment, la poursuite du processus d’anglicisation de la France et de l’UE n’étant qu’un moyen de graver dans le marbre l’inféodation multiforme aux États-Unis. C’est pourquoi la défense de la langue française ne doit plus être sous-estimée, face aux puissances qui en ont parfaitement saisi les enjeux.

Ilyes Zouari

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