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Légaliser l’euthanasie, c’est bouleverser la condition humaine

Par Laurence Trochu, présidente du Mouvement Conservateur

Le projet autorisant l’euthanasie s’inscrit parfaitement dans la Zeitgeist du moment : la primauté de la liberté individuelle. Il souffre donc des mêmes travers et des mêmes limites que toute autre loi dite « progressiste » : l’impossibilité de penser un débat hors de l’autonomie de l’individu. C’est à ce titre un projet de renoncement : renoncement à penser « la vie bonne », l’éthique, la morale ou la mort en dehors du prisme de l’individualisme ; il sanctionne l’abandon de toute recherche éthique en la réduisant au critère du choix individuel. Or, la mort doit se penser sur un plan politique et éthique plus large, car ses implications vont au delà du simple respect de l’autonomie de l’individu et du libre choix de définir sa propre mort.

Le contexte sanitaire dans lequel surgit ce projet de loi vient en creux révéler la dimension sociale de la mort. A cet égard, le texte est choquant et heurte violemment la sensibilité. Choquant au regard de la proximité de la mort qui nous frôle depuis plus d’un an. Nous expérimentons en effet le retour du tragique dans nos vies, nous éprouvons la fragilité de nos existences et, en quelque sorte, apprivoisons de nouveau la réalité de la mort comme partie intégrante de la vie. Nous avons applaudi les soignants comme les soldats des premières lignes qui luttaient pour sauver des vies. Et demain, ce sont ces mêmes soignants à qui on demanderait de donner la mort ? Le texte de loi est en ce sens d’un cynisme effrayant. Ou plus exactement, il est honteusement mensonger : « Est réputée décédée de mort naturelle, en ce qui concerne les contrats où elle est partie, la personne dont la mort résulte d’une assistance médicalisée active à mourir mise en œuvre selon les conditions et procédures prescrites par le présent Code. Toute clause contraire est réputée non écrite. » (AN-3806, art. 5, §2). Une mort provoquée par un médecin serait donc déclarée « mort naturelle » ! Choquant et même indécent quand on songe à ces mourants dont les derniers instants ont été volés, empêchés qu’ils ont été de dire adieu à leur famille. Choquant et révoltant pour ces vivants condamnés au déchirement parce que les gestes, les paroles et les rites qui permettent de vivre dans la paix l’ultime séparation ont été interdits.

La mort impensée

C’est ici que l’euthanasie dévoile son visage : elle est une volonté d’évacuer brutalement la mort et, avec elle, le caractère profondément mystérieux qu’elle implique. Le langage lui-même contribue à cet effacement. Les textes parlent d’« assistance médicalisée à mourir » ou encore d’« aide active à mourir ». L’empathie est immédiatement convoquée pour mieux souligner que les détracteurs du projet feraient preuve d’inhumanité. Et pourtant, le Comité Consultatif National d’Ethique parle un langage clair lorsqu’il définit l’euthanasie : « Un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable. » Contrôler sa mort, c’est bien chercher à esquiver le tragique et l’inconnu qu’elle implique. Cette approche est caractéristique de nos sociétés modernes où la mort ne doit plus faire partie du réel ; elle doit être cachée, évacuée et pour cela maîtrisée et décidée. Choisir le moment de sa mort, c’est accorder la préséance à la peur qu’elle nous inspire plutôt que d’embrasser et assumer l’incertitude qui l’entoure Or, l’être humain est le seul animal qui doive vivre avec la conscience de sa propre mort. Accepter pleinement son incertitude, la fin naturelle de la vie, est ainsi un gage de notre humanité. Y renoncer en programmant sa mort revient à renier une part de ce qui nous caractérise comme humain. C’est ce qu’explique le philosophe Louis-André Richard : « L’être humain n’est jamais aussi humain que lorsqu’il assume ce questionnement sur sa condition de mortel (…) à commencer par l’acceptation de l’impossibilité qui nous est faite de savoir quand nous allons mourir. Or, l’euthanasie, en tant qu’acte qui porte le risque d’une posture égocentrée, occulte en partie ce qui fait la condition humaine (…) et atténue par la même occasion toute possibilité de réflexion sur le sens de la vie.

Retrouvez la suite de la tribune de Laurence Trochu dans le numéro 4 du Nouveau Conservateur – Eté 2021.

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