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Le Jésus de Jean-Christophe Petitfils

Entretien avec Jean-Christophe Petitfils

Le succès de libraire considérable  de votre Jésus a beaucoup surpris. A quel besoin répondait cette nouvelle «vie de Jésus» non seulement pour les catholiques mais pour les  Français d’aujourd’hui?

Je pense que ce livre répondait à une attente du grand public, chrétien ou en recherche, attaché à connaître la personne authentique et le message de Jésus le Nazaréen ou, du moins ce que la recherche moderne permet d’en connaître, par-delà les entreprises de déconstruction « mythologistes », menées depuis des décennies par un certain nombre d’exégètes progressistes ou modernistes, dans le sillage du théologien allemand de tradition luthérienne Rudolf Bultmann (1884-1976) et des remises en cause postconciliaires.

Cette attente me paraît plus forte encore aujourd’hui qu’il y a douze ans, alors que l’Eglise catholique traverse une crise d’identité qui n’a jamais été aussi profonde depuis le XVIe siècle et que, par conséquent, il lui faut impérativement se recentrer sur la personne même du Dieu incarné.

Les biographies de Jésus sont nombreuses; mais les thèses sont très diverses… Beaucoup mettent en doute le déroulement de sa vie – Alain de Benoist, dans son monumental Jésus le situait même au IIesiècle, sans parler de ce qu’a pu écrire en plusieurs de ses ouvrages, tel son Traité d’athéologie, Michel Onfray. Mentionnons aussi la biographie plus personnelle et très inspirée de Roland Hureaux, Jésus de Nazareth, roi des Juifs (DDB, 2021). Peut-on vous demander un mot de commentaire sur vos «concurrents»?

Les vies de Jésus sont innombrables en effet. Il en sort plusieurs chaque année dans le monde. L’ennui est qu’elles reflètent le plus souvent les partis pris religieux ou même idéologiques de leurs auteurs qui ne parviennent pas à se libérer de conceptions positivistes et scientistes leur interdisant de rester ouverts au mystère et au surnaturel. Or, nier l’existence possible des miracles par exemple, les récuser comme de simples enfantillages, relève non de la science historique, mais de présupposés philosophiques. « Si le miracle a quelque réalité, avouait naïvement Ernest Renan, mon livre n’est qu’un tissu d’erreurs. » Le cas extrême est celui des « mythistes », tels Bruno Bauer, Salomon Reinach, Prosper Alfaric, Paul-Louis Couchoud ou, Michel Onfray qui, par rejet du christianisme, en sont arrivés à nier l’existence même de Jésus. C’est, pour un historien, une pure absurdité !

L’historien doit rester dans sa discipline, dont l’objet est la vérité des faits. Il n’a pas à énoncer des affirmations de foi ou au contraire à les nier. Il n’en reste pas moins que l’existence d’un rabbi juif, ayant vécu au Ier siècle de notre ère, condamné par les autorités juives pour avoir voulu « se faire Dieu », est un fait avéré, indiscutable. Mais l’Histoire ne peut pas tout. Le mystère central de cet homme lui échappe : celui de cet humble artisan de Nazareth qui place son enseignement au-dessus de Moïse (« On vous dit…, moi je vous dis… »), appelle Dieu abba (sorte de « papa chéri » en araméen), assure que nul ne peut aller au Père sans passer par lui et, pis encore, pardonne les péchés, ce que la Loi mosaïque n’attribue qu’à Dieu seul. C’est à chacun ensuite, en conscience, de franchir ou non le pas de la Foi.

Vous insistez beaucoup sur l’un des quatre évangélistes, Jean. Pourquoi avoir choisi de privilégier Jean et, dans l’état actuel de vos recherches, qui était-il finalement?

Le quatrième évangile, celui de Jean, le « disciple bien-aimé », est à la fois le plus mystique et le plus historique en ce qu’il nous fournit quantité de précisions, notamment sur la Judée, Jérusalem et son Temple, qui ne figurent pas dans les trois autres, dont « l’accroche historique » est moins frappante. Il est le seul, par exemple, à nous indiquer une chronologie fiable du ministère public de Jésus, qui s’étend sur trois années complètes, du printemps de l’an 30 au 3 avril de l’an 33, date de la crucifixion, contrairement aux évangiles dits synoptiques, ceux de Matthieu, Marc et Luc, qui l’ont ramassée de manière didactique en une seule année. L’archéologie biblique n’a cessé ces dernières décennies de prouver que toutes les mentions de lieux figurant dans le quatrième évangile, celui de Saint jean, étaient rigoureusement exactes.

Qui était ce Jean ? Probablement un lettré, membre de la haute aristocratie de Jérusalem, disciple secret de Jésus, comme Nicodème et Joseph d’Arimathie, ne faisant pas partie des douze apôtres. « Il fut hierus (c’est-à-dire prêtre), nous dit vers l’an 130 Polycrate, évêque d’Ephèse ; il a porté le pétalon (la lame d’or des grands prêtres et des grandes familles sacerdotales), il s’est endormi à Ephèse. » C’est lui qui reçut Marie, mère de Jésus, dans sa vaste demeure de Jérusalem. On ne saurait le confondre avec l’apôtre Jean, fils de Zébédée, l’humble pêcheur du lac, témoin de la Transfiguration (alors que le quatrième évangile n’en parle pas), mort en martyr, probablement avec son frère Jacques vers l’an 44.

La suite de cette analyse est à retrouver dans le numéro XII du Nouveau Conservateur.

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