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L’affaire « iel »

« Imposer un changement dans la langue : l’ultime autoritarisme des Modernes ».

Par Julien Tellier

 Iel est le nouveau pronom – contraction de « il » et de « elle » – qui a été intégré à la version en ligne du dictionnaire Le Petit Robert, le 17 novembre dernier. Depuis, le terme est l’objet d’un vif débat entre idéologues et gardiens de la langue française – gardiens et protecteurs, comme nous le sommes au Nouveau Conservateur.

   Nous publions ici le point de vue d’un jeune auteur, étudiant en master d’Histoire à la Sorbonne et à l’Institut libre de journalisme.

         On n’arrête pas le progrès… Et, en la matière, nos wokes (éveillés en anglais) ont du talent. Désormais, Le Petit Robert reconnaît iel, « employé pour évoquer une personne quel que soit son genre ». Tout droit sorti du chapeau de nos cher.e.s militant.e.s féministes et LGBT+, ce faux pronom est employé pour détruire les normes de genre imposées. On a du mal à comprendre pourquoi ce terme militant fait son entrée dans un dictionnaire (même en ligne). En effet, n’est-il pas coutumier qu’un mot traverse les générations, mûrisse dans le langage courant, avant d’être sérieusement pris en compte ? Est-ce un gage, une offrande, un coup de pub ? Charles Bimbenet, directeur des éditions Le Robert nous explique dans un communiqué que la présence de ce nouveau mot « ne vaut évidemment pas assentiment ou adhésion ». Nous sommes ravis de l’apprendre… Cependant, on ne peut nier les pressions toujours plus folles, mises en place « par les tenants de l’écriture inclusive » comme le dénonce si bien l’Immortel Jean-Marie Rouart dans Le Figaro des 20 et 21 novembre. « Ce qui est en cause à travers ce pronom et toute la doctrine sectaire qu’il véhicule, écrit-il, ce n’est rien moins que la déconstruction de notre civilisation. » Il est intolérable qu’une langue soit prise en otage par des gens qui ignorent tout de sa grammaire, de son histoire et de sa beauté. Iel n’est qu’un terme liquide de plus ; une réécriture fallacieuse du passé menant à la négation pure et simple de l’Homme et de la Femme qui, en définitive donne le champ libre à toujours plus de délires individualistes. Le Petit Robert met le doigt – à dessein ou non – dans un engrenage qui finira par le broyer.

Le iel de la discorde

         Les réactions gouvernementales ne se sont pas faites attendre. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a réagi sur Twitter en déclarant son soutien à « la protestation vis-à-vis du Petit Robert. L’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française. » Assez peu étonnante, cette prise de position n’a pas fait l’unanimité au sein même du gouvernement. Sur France Info, Elisabeth Moreno, ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, considère plutôt : « que l’on dise que potentiellement ‘on peut dire iel parce que ça vient enrichir la langue et c’est un pronom neutre’, pourquoi c’est si choquant ? » Ben voyons… Cette discorde affichée en public montre bien l’absence de colonne vertébrale de la Macronie. Tantôt pour, tantôt contre. Personne n’en revient satisfait. Se voulant rassurante, Élisabeth Moreno ajoute : « Si Jean-Michel Blanquer dit qu’il ne faut pas l’utiliser, au sein de l’Éducation nationale, et qu’il explique que c’est pour éviter de complexifier les choses, je pense qu’il a raison. » La girouette ne cesse de tourner. Il faut dire que les vents sont violents…

Iel est patriarcal.e

         Dans un article paru dans l’Obs le 19 novembre, Fabrice Pliskin convoque le philosophe Jacques Derrida – formidable déconstructeur. Le journaliste nous y explique qu’iel n’est pas celui qu’on croit. Comprenez… Iel aurait dû s’écrire ielle, ou bien eil (phonétiquement trop malheureux ?). Pliskin s’interroge : « Qu’est-ce que iel sinon une violence faite à ce qui diffère, un produit de l’assignation, un nouveau piège taxinomique, une machine à réduire l’irréductible ? » La déconstruction n’est pas assez grande. Il fallait réinventer un pronom ne s’appuyant pas sur les normes de genre trop machistes et patriarcales. La révolution des genres doit aller plus loin. Les Montagnards finiront par massacrer les Girondins…

         Comme Roland Barthes, M. Pliskin pense certainement que « la langue est fasciste » par ses normes, par les vérités qu’elle suppose et qu’elle impose. Or, n’est-il pas fasciste – pour reprendre ce terme galvaudé – de s’arroger le droit de modifier une langue ? Vouloir faire évoluer celle-ci contre toutes les lois naturelles, la faire ressembler à nos bonnes conceptions du monde, n’est-elle pas là, la tentation autoritaire ? Jamais les âmes révolutionnaires ne sont suffisamment rassasiées.

         Rappelons à ces militants de la déconstruction de nos identités, le célèbre mot de Clitandre dans les Femmes savantes de Molière : « Un sot savant est plus sot qu’un sot ignorant. »

Julien Tellier

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