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Christian Combaz : « Emmanuel Macron a le désir opiniâtre de nuire à l’ordre ancien »

Après une entrée en littérature remarquée avec son roman Messieurs (Seuil, 1979), alors qu’il est journaliste au Figaro, Christian Combaz est l’auteur de vingt romans et de treize essais, dont Éloge de l’âge (Laffont, 1987) qui remporte un large succès, avant La France mérite mieux que ça (Le Rocher, 2002). Sculpteur, passionné d’aviation et de parapente, qui connait bien le monde intellectuel et artistique parisien, il dirigea le Centre culturel français de Milan puis celui de Saragosse pendant quelques années avant de s’établir à la campagne, dans le « Sud profond ». En 2012, il publie La France de Campagnol, titre repris dans une émission régulière diffusée par TVLibertés. Ce bouquet de chroniques est une invitation à regarder le monde depuis un village français, « par le petit bout de la lorgnette » comme l’auteur aime le dire. Guerre d’Ukraine, Covid 19, déliquescence de l’Occident sont quelques-uns des thèmes abordés depuis ses terres secrètes. Entre sagesse populaire, leçon de choses et vues prophétiques, Campagnol poursuit une tradition orale, dite du « bon sens paysan ».

Campagnol, que vous alimentez chaque semaine, est comme un « journal de bord » en vidéo. N’est-ce pas au fond l’idée que les grandes choses ne se peuvent voir que par le truchement des petites ?

La plupart de nos contemporains n’ont pas le choix de l’échelle. Ils voient midi à leur porte, se contentent comme des populations côtières de ramasser ce qui est laissé sur le rivage par les marées, en l’occurrence les marées médiatiques, et ma chronique fait l’inventaire, chaque semaine, de ce que les villageois ont trouvé sur la plage.

Ensuite, il y a la description des rapports entre eux, de plus en plus conditionnés par les mots d’ordre qu’ils entendent et les manipulations verbales qu’ils subissent tous les jours au journal télévisé – et les conflits entre ceux qui les suivent et ceux qui les rejettent. En ce sens, la chronique de Campagnol est un écho lointain des joutes entre Don Camillo et Peppone. Depuis l’affaire Dreyfus, les «grandes questions» débarquent dans les villages avec une force toujours accrue, toujours plus insidieuse, ce qui se traduit aussi, hélas, par une politique délibérée d’intrusion dans la vie de tout le monde : celui de l’électricité (compteur «intelligent» obligatoire qu’on vous pose de force), internet (rien ne peut plus se faire administrativement sans être «en ligne»), celui du contrôle technique permanent (de l’isolation à la construction d’un abri de jardin, de la pose de plaques solaires à l’entretien de votre voiture…). En somme, c’est toujours Paris et l’Europe qui décident.

On retrouve plus séparées que jamais les deux France traditionnelles dans les discussions de café, les Jacobins maladifs et ceux qui ne prêteront jamais serment. Pour être plus complet, on peut dire que les Jacobins de la gauche traditionnelle en France sont des tyrans de village, des Peppone prétentieux, sans humour et sans âme, qui imposent les règles sanitaires sur un coup de fil du Préfet, qui adoptent en 24 heures le vocabulaire imposé à la terre entière par les Américains («gestes barrières», «distanciation sociale», et autres mots qu’on retrouve inchangés dans toutes les langues) ; ce sont les mêmes qui disent «celles et ceux», les mêmes qui roulent en 4×4 pendant que les gueux, les parias, les non-vaccinés roulent en diesel dans de vieilles voitures, font des gueuletons clandestins, se moquent des imbéciles masqués en voiture et se réclament souvent des Gilets Jaunes…

Vous fustigez les « élites » françaises, en vous attaquant très sévèrement à Emmanuel Macron. Comment expliquez-vous son itinéraire ?

J’avais prévu ce qui allait se passer avec E. Macron et on en trouve sur YouTube une preuve qui date d’avril 2017 : il suffit de taper dans un moteur de recherche les mots «L’aile ou la cuisse de Jupiter», allusion au fameux film dont Louis de Funès était l’acteur principal ; ce personnage de légende s’y heurtait, en tant que défenseur d’une culture française de la gastronomie (mais on peut l’étendre à la culture en général), à l’affreux Tricatel, un industriel parvenu qui voulait généraliser la nourriture standardisée. J’expliquais que, comme le méchant du film, Emmanuel Macron était «programmé pour marcher sur les Français» et je le pense chaque jour davantage. En bon complotiste, je crois que ses deux élections ont été truquées, programmées, par des méthodes qui seront révélées un jour, mais qui tiennent à la façon dont les votes sont comptés au ministère et à l’Insee. M. Macron fait partie d’un personnel mis en place au forceps pour imposer une évolution de la société française dont le modèle est issu des cerveaux malades qui gravitent autour de McKinsey et autres « cabinets de conseil »…

Il y a un deuxième versant du personnage, c’est le désir opiniâtre de nuire à l’ordre ancien. Dans Le sabbat de Maurice Sachs, livre effrayant qui raconte l’itinéraire d’un gigolo d’avant-guerre, on voit que le personnage culbute l’ordre établi, y compris physiquement – il devient l’amant d’un académicien obèse dont les frasques sexuelles sont décrites avec un mépris clinique. Le regard que porte Macron sur les institutions est de même nature. Il veut culbuter, humilier, renverser, punir l’ordre hiérarchique, tout ce qu’on appelle « les grands corps », la Diplomatie, l’ENA, tout ce qui réclame une formation lente et progressive, tout ce qui fait appel au prestige de l’ancienneté, tout l’esprit conservateur en somme.

Macron dit lui-même qu’il est Julien Sorel. Il hait les gens qui l’ont recalé trois fois au concours de Normale Supérieure. C’est un déséquilibré profond qu’on ne pourra jamais contenir si on ne l’arrête pas. Après avoir choisi de plastiquer une partie du bâtiment Nation, il vend ce qui est réutilisable directement par la puissance américaine, sans aucun scrupule, comme un équarrisseur, un vendeur à la découpe, l’agent cynique d’une puissance étrangère. Il a été choisi dès le départ pour devenir un agent américain. Or comme je suis persuadé que l’Amérique va connaître prochainement une période noire, il nous aura arrimés à un vaisseau en perdition.

Vous avez vécu un temps à Budapest, peu de temps après la chute du monde communiste. Là-bas, vous avez croisé Viktor Orbán. Quel est pour vous le secret de la Hongrie, cette petite nation qui résiste au schéma américain ?

J’ai écrit un Roman de Budapest où j’essaie d’expliquer que la Hongrie est l’essence même de l’Europe pour des raisons que je résume : composé de peuplades nomades liées par une langue bizarre, le peuple hongrois se reconnaît un roi puis un destin de future Nation, se pose enfin, vers l’an Mil, au bord du Danube, et décide deux choses : de devenir chrétienne et de se lier aux dynasties européennes. L’appartenance à l’Europe est un choix religieux et familial : on entre dans une famille qui a ses règles, son code de bonne conduite, et on fait tout pour en être digne. Au temps où Orbán travaillait pour la Fondation Soros, on croyait encore que l’argent américain n’avait qu’une seule ambition en Europe de l’Est, redresser les peuples asservis ; mais on s’est aperçu que les Américains et les Européens n’entendaient pas seulement relever la Hongrie mais l’asservir à leur tour.

Or les Hongrois sont comme leurs chevaux, faciles à caresser, difficiles à monter. Budapest est une ville qui imite la modernité occidentale, y compris celle de New York ; le Parlement est calqué sur Westminster, etc. Les Hongrois n’ont qu’une seule fierté : ils savent tout faire, même si c’est dans l’imitation d’autrui. J’ai fréquenté la colonie artistique hongroise des années 80 à New York, c’était une pièce de boulevard. Leur cohésion résiste à tout, à l’exil, au « charcutage » des frontières issu des deux guerres. On peut prédire que l’affaire Ukrainienne va devenir hongroise dans peu de temps. Lassés de la guerre, des privations, de la conscription, les 800 000 Hongrois prisonniers de l’Ukraine à l’ouest vont faire sécession et Orbán dira « Bienvenue ! ». Je parie là-dessus.

Selon vous, « l’Europe aux anciens parapets » s’est-elle déjà éteinte, victime, comme l’a écrit Pasolini, « d’un génocide culturel » perpétré par l’américanisation des êtres et des choses ?

Tout notre salut comme vieille civilisation repose sur une nouvelle partition du monde qui se dessine en ce moment, en faveur d’une nouvelle multiparité. On voit bien que l’immigration délirante d’origine musulmane, pudibonde, ne peut pas s’accommoder de ce qui caractérise notre civilisation européenne depuis la Renaissance : la nudité omniprésente, l’indulgence pour les choses de la chair, que l’on retrouve chez nous sur les frontons et dans les églises, sur les dessus de porte et dans les cimetières. Le monde européen, qui ne peut désormais être sauvé que par la Russie, était parvenu vers 1910 à un équilibre entre la chair et l’esprit, entre l’hédonisme et le travail, entre l’art et l’industrie : toutes nos villes en témoignent, toutes nos cariatides, toute notre peinture… Pour moi, il est écrit qu’il ne se perdra pas.

Propos recueillis par Antoinette Lally

Retrouvez cet entretien sous sa forme complète dans le numéro X du Nouveau Conservateur

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