0,00 EUR

Votre panier est vide.

Assimilation : les catholiques jouent-ils leur rôle ?

Par Thierry Boutet

C’est un des aspects les plus significatifs de la déculturation résultant des migrations de masse et, par là, de la juxtaposition de deux religions antagonistes : il n’y a guère de passerelles entre elles, et beaucoup de Musulmans, qui sont tentés de rejoindre le catholicisme ne le font pas aisément, non seulement par crainte de persécutions, mais aussi faute d’être accueillis : finalement, ils s’éloignent de leur culture d’origine sans pour autant en trouver une nouvelle. A l’occasion des récentes «Journées mondiales des ex-musulmans», organisées par Saïd Oujibou, Thierry Boutet, président du cercle Amitié Politique, montre ici que non seulement la France a renoncé à assimiler ses immigrants, mais l’Eglise en fait semblet-il tout autant, une partie de sa hiérarchie et de ses fidèles se refusant à accueillir correctement des convertis venus de l’Islam. Une enquête récente de l’ECLJ (European Center for Law and Justice, dirigé par Gregor Puppinck) lève le voile sur le drame que vivent ces convertis, fils et filles de l’immigration, qui tentent de venir vers nous, et que nous tenons à distance.

Leur nombre ne peut être connu avec précision car, persécutés, par la communauté musulmane dont ils sortent, ils se cachent. En outre, lors des recensements officiels, les statistiques religieuses sont interdites en France. Seules quelques dérogations sont permises pour les travaux de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED). L’INED, pour cerner le nombre des croyants, utilise le biais de l’origine démographique des personnes ou de leurs parents. Par recoupements nous ne possédons que des estimations : entre 5 et 7 millions de musulmans vivraient en France. Or 1/3 d’entre eux seulement se déclareraient croyants. L’ECLJ, qui a fait une remarquable enquête sur la persécution des musulmans qui se convertissent au christianisme, adopte l’hypothèse basse. Selon son enquête, sur les cinq millions de musulmans qui vivent en France (a minima), 15 % des personnes qui naissent d’un parent musulman, soit environ 750 000, se déclarent non musulmans. Sont-ils incroyants, agnostiques, athées, ou chrétiens ? Catholiques ou protestants ? Personne ne le sait. Les protestants, notamment les évangéliques, plus actifs et prosélytes, ne donnent pas de chiffres. Officiellement 300 personnes issues de l’Islam, en majorité des jeunes filles, sont baptisées par l’Eglise catholique chaque année. En dix ans cela fait trois mille. En réalité les candidats sont plus nombreux. Un certain nombre renoncent, d’autres se tournent vers le protestantisme, tant l’accueil de l’Eglise catholique est souvent froid. De trop nombreux prêtres élevés dans l’esprit du concile et du « droit à la différence » les détournent de cet appel. Plutôt que de répondre à leur désir, ils leurs conseillent quelquefois de rester de « bons musulmans ». Lorsque des catéchumènes venus de l’Islam parviennent à franchir le parcours du combattant que constitue une préparation au baptême pour un adulte, les paroisses, en dehors d’exceptions notoires, se gardent de les accueillir et de les entourer. Tous les témoignages recueillis par l’ECLJ vont hélas dans le même sens. C’est même un peu surréaliste. Certains de ces convertis avouent que des catholiques leur ont reproché de critiquer l’Islam. Selon le rapport de l’ECLJ qui a interrogé des convertis et des responsables d’associations venant en aide à ces nouveaux chrétiens, « le converti est souvent accusé de caricaturer ou de faire de son histoire une généralité, voire parfois de mentir et de ne pas connaître « vraiment » l’islam. Selon plusieurs responsables d’associations, cette crispation trouverait sa source dans une conception du dialogue interreligieux refusant d’entendre toute critique vis-à-vis de l’islam. Un chrétien ex-musulman est alors parfois vu comme un « problème ». Dans cette Eglise de bisounours, l’accueil est sélectif. Ces convertis chassés par leur famille d’origine, déshérités, souvent forcés de déménager, de changer d’emploi, de se cacher pour aller à l’Eglise, menacés, agressés, séquestrés violentés, mariés de force, renvoyés au pays, parfois violés, lynchés et même assassinés, recherchés et dénoncés par les réseaux islamistes qui les désignent sur les réseaux sociaux à la vengeance de la communauté musulmane, pourraient avoir droit à l’admiration et à la protection de leurs nouveaux frères chrétiens. Eh bien non ! Ils sont rarement accueillis dans les familles chrétiennes.

Voulons-nous accueillir et protéger les convertis ?

Il serait pourtant nécessaire que cette tragédie émeuve un peu plus la communauté catholique et, plus largement, une République censée faire respecter la liberté religieuse. La réponse pourrait être à plusieurs niveaux. La loi sur le séparatisme votée en première lecture renforce l’article 31 de la loi de 1905, qui serait désormais formulée comme suit : « Sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ceux qui, soit par menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, ont agi en vue de le déterminer à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte. Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque l’auteur des faits agit par voie de fait ou violence ou à l’encontre de son conjoint, de son concubin, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou d’une personne mineure ». Mais en France il ne suffit plus qu’une loi soit votée pour être appliquée. Le Gouvernement doit avoir la volonté de l’appliquer et la justice l’honnêteté de ne pas la rendre inopérante. La République pourrait aussi exiger que les communautés musulmanes mettent leurs actes en conformité avec leurs engagements. La charte des principes pour l’Islam de France prévoit dans son article 3 que : « La liberté est garantie par le principe de laïcité qui permet à chaque citoyen de croire ou de ne pas croire, de pratiquer le culte de son choix et de changer de religion. Ainsi les signataires s’engagent à ne pas criminaliser un renoncement à l’islam, ni à le qualifier « d’apostasie » (ridda), encore moins de stigmatiser ou d’appeler, de manière directe ou indirecte, à attenter à l’intégrité physique ou morale de celles ou de ceux qui renoncent à une religion… ». Là encore, le respect de cet engagement dépend de la volonté du Gouvernement. Les musulmans convertis ont besoin en priorité d’être relogés et protégés. Les associations qui les soutiennent devraient être aidées, via l’Assistance publique et les Conseils départementaux d’aide aux victimes.

La mission Ismérie

Mais surtout, ne revient-il pas à l’Eglise de se mobiliser de toutes les manières possibles matériellement et spirituellement ? L’Eglise peut-elle tolérer sans bouger que des jeunes baptisés soient persécutés parce qu’ils sont devenus chrétiens ? Des chrétiens ne s’y résignent pas, tel Marc Fromager, dont la « Mission Ismérie » entend accompagner le mouvement de conversion de musulmans à la foi chrétienne, qui se produit à bas bruit dans les pays musulmans mais aussi en France, et déploie de louables efforts dans plusieurs grandes villes de France, avec l’aide de nombreux ecclésiastiques, selon trois axes : accompagner, former, annoncer – voir ci-dessous l’entretien que nous a accordé Marc Fromager. Tôt ou tard, les Chrétiens doivent répondre à cette question cruciale : entendent-ils demeurer l’ossature de la civilisation française ? Choisissent-ils, par frilosité ou insuffisance de conviction en leur foi, de partager sa prééminence ancienne avec une religion venue d’ailleurs, en s’effaçant assez pour qu’une telle cohabitation n’entraîne pas des conflits ? Préfère-t-elle que la question religieuse reste dans l’entre-deux, abandonnant toute portée civilisationnelle de la foi, et consentant finalement à la déculturation générale ?

Voir aussi

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici