Par Gilles Brochard
Les obsèques de Victor Loupan auront lieu jeudi 27 janvier à 14h30 à la cathédrale Saint Alexandre Nevski, 12, rue Daru (Partis 8e). Celui qui animait « Lumières sur l’orthodoxie » sur Radio Notre Dame était une figure écoutée de la diaspora russe orthodoxe. Il s’est éteint samedi 22 janvier à l’âge de 67 ans.
La voix chaude, lyrique, parfois emportée, toujours pleine de vie et de conviction de Victor Loupan, s’est tue samedi dernier. Celui qui animait de façon passionnée « Culture club », le magazine culturel de Radio Notre Dame, du lundi au vendredi à 11 heures où, entouré de chroniqueurs (Marie-Noëlle Tranchant et Jean-Luc Jeener, notamment), aimait vagabonder sur le théâtre, la littérature, les arts et le cinéma. « La radio, c’est une dramaturgie » clamait « ce vieux sage venu de Russie qui mesurait 1 m 95 » et auquel Bruno Courtois, le président de Radio Notre Dame, et Louis Daufresne, l’un des animateurs vedettes, ont rendu un hommage mérité lundi dans la matinée. « Mais enfin, mais enfin ! s’exclamait-il, quand il s’insurgeait au nom du bon sens contre certaines réalités qui le navraient », a témoigné Louis Daufresne qu’il incitait régulièrement à débattre de certains sujets d’actualité le vendredi entre 7 h 30 et 8 h 30.
Comment aurais-je pu deviner quand, après « Le Grand débat » qu’il animait exceptionnellement et auquel je participai vendredi dernier, en compagnie de Rebecca Pinheiro, en prenant un petit-déjeuner avec lui, non loin de la radio, attablés sous la lumière tamisée de la « Maison Edgar », que cet esprit vaillant puisse nous quitter le lendemain, abandonné dans son sommeil ? Sous sa barbe de patriarche se cachait un être sensible et perspicace qui se sentait depuis quelques jours plus fatigué que d’habitude.
Né en 1954 à Tchernowitz, ville qui était encore en URSS et non pas encore dans l’Ukraine actuelle, il suivit ses études primaires, secondaires et les deux premières années universitaires à la faculté de philologie romane. Quand, à dix-huit ans, il s’exile à Bruxelles avec ses parents, le voilà gagné par la culture cinématographique, qui deviendra une passion esthétique enflammée, en dehors de la littérature qu’il vénère. Il suit les cours de Institut national supérieur des arts du spectacle (INSAS) et y rencontre Cécile, celle qui deviendra son épouse. Sait-on qu’il ouvre alors son propre théâtre, Cévi Loubrah, mettant en scène les écrits de sainte Thérèse d’Avila ? On retrouve Victor Loupan en 1982 comme enseignant à l’université de Louisiane et il réalise une comédie, Ivan in Paradise, sur le mariage blanc d’un émigré russe aux États-Unis. Dès 1985 il s’installe définitivement en France où il prendra la nationalité française, considérant que « c’était vivre dans la liberté, dans un monde ouvert. » Rien ne l’arrête, le voilà réalisateur de films documentaires principalement dans les pays de l’Est. Son film sur les prisonniers soviétiques en Afghanistan provoquera la colère des dirigeants soviétiques… Marion Duchêne rappelait récemment sur les ondes de Radio Notre Dame que Victor Loupan avait eu la chance de collaborer à plusieurs reprises avec le cinéaste Andrei Tarkovski., rapportant son propos : « Tarkovski me disait toujours : tu dois te rapprocher de Dieu… Il a été à l’origine de ma vraie conversion ».
Grand reportage et orthodoxie
Mais le voilà qui s’engage un peu plus sur la voie du journalisme, collaborant à L’Express, à VSD et surtout au Figaro Magazine pour lequel il commet plus de deux cents reportages remarqués. Chute du communisme dans les pays de l’Est, chute de Ceausescu, guerres de Yougoslavie, du Kosovo, de Tchétchénie… il embrasse ces sujets avec enthousiasme d’un un oeil plus qu’aguerri, rebondissant plus tard comme directeur des éditions du Rocher et des Presses de la Renaissance, mettant à l’honneur certains auteurs oubliés et publiant une Bible illustrée des chefs d’œuvre de la peinture occidentale, préfacée par Régis Debray
Mais Victor Loupan restera bien sûr l’un des grands bardes laïques de la représentation de l’orthodoxie en France dans toute sa plénitude, veillant particulièrement à « rétablir l’unité entre l’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale et son Église-mère. » Ne fut-il pas aussi membre du Conseil pour la culture du Patriarcat de Moscou ? Son épouse a rappelé qu’il aimait relire les paroles de Saint-Paul sur la charité : « Parce qu’en russe, charité se dit amour », confiait-il.
L’équipe du Nouveau Conservateur présente ses condoléances à son épouse, à ses quatre enfants et à ses onze petits-enfants.
Gilles Brochard
Légende : Voilà la dernière photo prise à la sortie du studio de Radio Notre Dame vendredi dernier après cel’émission « Le Grand débat » – avec Gilles Brochard, Rebecca Pinhero et Jean-Paul Lérine (réalisateur).
