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Le Journal de PMC – Octobre 2021

Journal octobre 2021

Samedi 2 octobre 21. Charmant. Soleil oblique et pâle, infiniment doux, que je contemplais tout à l’heure, depuis la terrasse de l’Est, où C. a ressorti les méridiennes pour les derniers beaux jours. Après déjeuner, suis resté là sans rien faire, sinon fumer, et balader le regard sur la plaine angoumoise, un peu brumeuse déjà – cependant, le regard revient toujours, tant il me plaisent, à mes arbres du fond du parc, blonds et bruns, verts encore par endroits, qui semblent avoir beaucoup poussé cette année. Les cinq pins parasols que j’ai plantés voici cinq ans (l’un n’a pas pris) ne sont encore qu’à l’adolescence, mais ils s’élancent déjà, bien détachés dans le ciel.

Chaque année, même chose : quand j’écris « octobre », je pense immanquablement à l’ « Octobre pâle et pur » de Mallarmé et me répète qu’il est le plus beau des mois -le plus tendre en tous les cas, par sa lumière humide et légère qui fait penser à d’autres tendresses de France, aux petits ports de Bretagne sous les rayons du matin, aux marches en forêt à la recherche de champignons ou de châtaignes sous les feuilles brunes, aux frondaisons dorées comme celles qui défilaient l’autre jour par la fenêtre du train et qui, sous le soleil doré du soir donnaient tout à coup l’idée d’une France qui pourrait être tranquille, insouciante et sûre… 

Quand une marotte vous tient, tout s’y ramène : je continue à voir partout, comme je le relatais plus haut, des résurgences archaïques – celles de la langue, celles de l’impérissable différence des sexes et des fonctions, celle de la foule aussi, que décrivait si bien Gustave Lebon et que ranime avec une inexplicable facilité Éric Zemmour – inexplicable car il reste bien trop cantonné à l’univers médiatique, qui colle si mal avec l’archaïque, alors qu’il devrait passer au langage politique, se montrer dans les marchés, entouré de Français qui font les courses, dans des champs, des champs avec des vaches, des ports avec des marins-pêcheurs, des chemins avec des tracteurs, des forêts avec des arbre etc. : l’archaïque de la France tout simplement. Passons ! Plus drôle : l’autre jour, Joseph Thouvenel, le très aimable et avisé vice-président de la CFTC que j’invitais à déjeuner en vue d’un entretien pour un prochain NC, me racontait que, se trouvant la veille en Seine-Saint-Denis, où sont installés de nombreux sièges d’entreprises (à coups de subventions publiques : ce département coûte décidément les yeux de la tête – que l’on n’a plus, ni les yeux, ni la tête… -, il fut surpris par le siège des « Chèques emploi service » : pour se prémunir  des récurrentes « insécurités » du lieu, les dirigeants de ladite entreprise firent creuser autour de leur immeuble rutilant des… douves. Des douves ! Pas de pont levis, mais un passage qui se dérobe le soir par quelque procédé automatique. En route pour le Moyen-Àge !

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Lundi 4 octobre. Charmant. Dîner simple : potage de potiron, dûment relevé de pommes et de crèmes, fromage de chèvre, noix en abondance – le vieux noyer, que je croyais près de mourir est au contraire extraordinairement prolifique cette année ; comme il est sur le chemin du poulailler, je ramasse en ce moment autant de noix que d’œufs -et même bien plus, et reviens tout chargé dans la cuisine. Dîner d’automne en somme ; après quoi, les soirs se faisant frais (je n’ai ni les moyens ni l’intention de chauffer ma grande demeure) me mets au lit avec l’énorme et mirobolant Henri IV de Petitflis ainsi qu’un pot de verveine, dont les branches ramassées l’hiver dernier ont séché et embaument déjà ma chambre. Ah, le bel Octobre – et comme il est facile de vivre à qui sait vivre…

Afghanistan suite et fin. Depuis le sauve-qui-peut d’août dernier, l’émotion retombe vite. Attisé par des images spectaculaires de pauvres bougres s’agrippant aux avions pour fuir, le débat dériva inévitablement sur la question des réfugiés, de leur accueil, de leurs malheurs, puis… plus rien ! Rien sur les quelque 5000 chrétiens qui y risquent la mort s’ils s’avisent de refuser la Charia – silence de pierre du Pape. Rien, non plus, sur les leçons à en tirer. Personne ne songe à poser la question qui devrait être immédiate en tous les domaines : où est dans cette affaire l’intérêt de la France ? « Intérêt national, connais pas », c’est la règle de l’époque.  D’abord, il est grand temps que la France cesse d’accrocher sa politique à celle des États-Unis, qui est de plus en plus erratique. La culture de l’alliance Atlantique qui a imbibé nos élites depuis trois-quarts de siècle (parenthèse gaulliste exceptée) est non seulement rendue obsolète depuis trente ans par disparition de la menace soviétique (en 68 déjà, de Gaulle envisageait de ne pas reconduire le traité de 1948 signé alors en principe pour vingt ans), mais n’a plus même de logique sinon les sinuosités des couloirs de Washington naviguant ent lubies ridicules et lobbys implacables.

 Partout la France a suivi, perdant des soldats, mais aussi des amitiés anciennes, et toute vue de ses intérêts propres, finalement tout crédit. La déroute à Kaboul devrait nous vacciner une fois pour toute contre l’injustifiable atlantisme et même contre cette idée de l’unité de l’Occident dont on ne connaît plus exactement les contours et qui n’a plus pour définition la politique étourdie de Washington. La France a une autre voie et voix, dans le monde consistant, selon sa vieille et sage tradition diplomatique à reconnaître les États et leurs gouvernements, quels qu’ils soient pour privilégier les coopérations multiformes ? C’est pourtant simple ! 

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Lundi 18 octobre 2021. Paris. Hier, « célébration » (les mots ont-ils encore un sens ? ) de la manifestation du FLN du 17 octobre 61 à Paris  – à Paris ! Laisser en pleine guerre l’ennemi manifester dans notre capitale, c’était déjà le signe d’un très imprudent libéralisme. Or, voilà que Macron, au lieu de rappeler l’évidence qu’un pays en guerre ne peut laisser son ennemi manifester sur son propre territoire, M. Macron accuse la France d’avoir commis l’ « erreur » de la mater ! Nouveaux encouragements à l’arrogance algérienne –  comme à tant d’autres, d’ailleurs, puisqu’il ne reste plus beaucoup de pays auxquels la France n’a pas présenté d’excuses… Et vient ce matin, naturellement, cette déclaration de  l’ambassadeur d’Algérie en France, Mohammed Antar Daoud : « Il est inadmissible que l’Algérie, qui possède la plus grande communauté étrangère en France avec dix-huit consulats, ne puisse pas constituer un levier de commande pour intervenir non seulement dans la politique algérienne, mais (aussi) au niveau de la politique française. » Levier de commande ? Que comprendre dans ces propos, aussi gauches dans la forme que sinistres sur le fond ? Que l’Algérie, incapable de se prendre en charge, s’autorise désormais à intervenir directement dans la politique de la France. Pas un mot du petit Macron, qui récolte ce qu’il a semé, sans doute sciemment. Pourquoi faut-il que le Président de la République soi-disant française travaille si intensément contre la France ? Je voterai pour n’importe quel zèbre capable de nous débarrasser de ce sinistre sire d’ici peu.

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21 octobre deux mil vingt et un. Paris. Le siège du Nouveau Conservateur, que nous appelons pompeusement « Le siège » est désormais assez bien installé pour recevoir des sommités : hier, petit déjeuner, assez long pour être instructif, avec deux futurs « piliers de la campagne » du « Z », comme on dit, lequel brille de tous ses feux, dans les sondages. Il n’a pourtant pas fait ce que je lui ai conseillé avec insistance en mai et juin dernier (quitter CNews dès le début du mois de juillet, et quitter surtout les façons, les codes et la logique de l’univers médiatique ( l’univers du « débat », qui n’est pas du tout celui de la politique…), rester absolument silencieux pendant trois mois, sans un mot d’aucune sorte sur aucun sujet, puis revenir en octobre sous les traits d’un « homme nouveau », plus présidentiel, plus modéré, plus enveloppant…). Il n’a jamais rien fait des conseils que je lui ai donnés, mais il a peut-être bien fait, qui sait ?

Cet après-midi, je me suis transporté, en la compagnie de Gilles B., au domaine de Montretout, où nous attendaient Jean-Marie le Pen et l’excellent Lorrain de Saint Afrique, à qui je dois l’invitation inattendue du « Menhir » à déjeuner en août dernier. Ce jour-là, il m’avait donné son accord pour relater l’ensemble de sa vie, sur un ton plus intime que politique, devant les caméras de TVlibertés, ce qui vient de donner trois épisodes pour mes « Conversations » enregistrées d’un coup, cet après-midi : au total, près d’une heure et demie d’un enregistrement merveilleusement simple, naturel et chaleureux. Aucune fatigue ne se lit sur ses traits, malgré ses 93 ans ; à la fin, l’œil malicieux, il m’offre un exemplaire des « Poèmes de Fresnes » de Robert Brasillach – il est vrai que je l’ai un peu titillé sur de Gaulle, sur lequel il a quelques mots de miel qui en surprendront plus d’un… Diffusion en décembre, sans doute aux alentours des « fêtes ». Ce soir, j’écris ces quelques lignes du jour, à la fois fourbu et heureux.  Quel bonhomme !

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Lundi 25 octobre deux mil vint et un. Paris. Hier, manif anti-passe. Le seul aspect fructueux de l’épisode Covid est d’accélérer la révolution médicale, de plus en plus nécessaire (passer de la problématique de la maladie à soigner à celle de la santé à entretenir et conserver, version conservatrice de la politique de la santé) ; pour commencer, la covidomania entretenue par la propagande d’État a l’avantage de contenir un peu l’invasion de la médecine par la pharmacie et la technologie – avant de contenir, rêvons un peu, l’invasion de nos vies par la médecine.  

Mesurons-nous à quel point nous avons laissé la médecine, donc les médecins, dominer nos vies ? En cinquante ans, leur invasion est spectaculaire. Je songeais l’autre jour, à ce sujet, au bon Charles de Gaulle. Quand il disparut en novembre 1970, à quelques jours de son quatre-vingtième anniversaire, personne, pas même lui, ne se souciait de son état de santé. Alors que, aujourd’hui, tout quinquagénaire ou sexagénaire (et, souvent de bien plus jeunes encore)  consulte à qui mieux-mieux, soit un généraliste, soit un spécialiste, un diététicien, étiopathe, ostéopathe, kinésithérapeute etc. Le vieux général retiré n’avait pas vu depuis plusieurs années un seul membre des brigades médicales. C’est au point que le médecin de Colombey, Guy Lacheny, appelé en urgence au soir du 9 novembre 1970, quelques minutes après l’effondrement du grand chêne, ne l’avait encore jamais rencontré. L’année précédente, Mme de Gaulle s’en était inquiétée : Charles ne consultant jamais, elle avait imaginé un stratagème en invitant à déjeuner l’ancien médecin de l’Elysée, espérant que ledit déjeuner se transformerait en consultation privée; hélas !, le Général flaira aussitôt le piège, déclarant d’emblée au brave homme qu’il lui trouvait mauvaise mine, qu’il se confierai à lui quand lui-même irait mieux, et l’on en resta là. 

Cette distance prise avec les questions de santé, du moins dans l’ordinaire des jours, nul ne l’oserait aujourd’hui. Longtemps, elle fut pourtant naturelle au chrétien habitué à confier à l’obscure providence les tours de sa destinée, avec cette once de fatalisme qui reste la marque des temps anciens – et d’une certaine forme de quiétude, peut-être de bonheur ; elle fut naturelle à des générations qui ne songeaient pas à consulter à tout bout de champ, en un temps où les consultations étaient d’autant plus rares que chacune n’entraînait pas plusieurs autres. Une trace de cette distance apparut encore chez le successeur du Général, Georges Pompidou, dont le moins qu’on puisse dire est que, atteint d’une grave maladie pendant sa présidence, il n’abusa pas des médecins au point qu’il aurait sans doute été capable, pris en charge par quelques spécialistes alors en pointe, d’achever son septennat… Vingt-deux ans plus tard, la différence fut frappante avec un Mitterrand qui, atteint d’un long cancer, mourut entouré d’une batterie de médecins et d’experts médicaux en tous genres, y compris de « fin de vie » – et sans doute dans la panique intérieure d’un homme que ne consolait aucune conscience de l’au-delà. Encore vingt ans et la « santé » s’est installée partout : il est de bon ton d’aller mal, au point que le lointain successeur des de Gaulle et Pompidou, M. Macron, atteint par « La Maladie », tint à se faire filmer pour que chacun, en toutes les chaumières, puisse juger de la pâleur présidentielle – éclairée à la Lanterne. 

Voici des décennies que l’Européen moyen, après avoir créé quelques-unes des plus belles civilisations du monde, façonné des empires et dominé l’univers ne semble plus voué qu’à une seule chose : sa santé. Le sexagénaire que je suis a pu mesurer l’étourdissante progression de la médicalisation puis de la sur-médicalisation : rares sont mes contemporains qui se déplacent sans une batterie de médicaments et des théories de crèmes, pilules, suppléments nutritifs et autres bijoux de pharmacies et para-pharmacies qui encombrent les réfrigérateurs, les salles de bains et jusqu’aux tables de chevet de tout quidam moderne. Et ne parlons pas des conversations : de mon temps, la politesse excluait qu’on accablât ses proches, amis et commensaux avec le détail des maux de son corps : à qui vous demandait comment vous alliez, se déclarer bien portant était même une marque de politesse et je me souviens des plaisanteries dont mon grand-père accablait ma grand-mère lorsqu’elle recevait une de ses amies qui se plaignait sans répit : « Tu vas voir, elle va nous trouver encore un pet en travers, jacasser sur ses médecins, ses médocs etc. ». Lui ne se plaignait jamais : sorte de  point d’honneur. Aujourd’hui, se mal porter est une manière d’être, un bon ton – et, si par malheur on va bien, il faut parler d’un parent ou ami qui va mal. Obsession covidienne aidant, c’est devenu l’inévitable ritournelle de tout échange, et peut-être de toute activité cérébrale tant il semble que nos contemporains ne cherchent plus rien, ni Graal, ni salut, ni honneur, hormis le médoc qui lui rendra la santé, ou bien le guérira des effets d’une autre pharmacopée… 

Le pire est que, à ce régime de médicalisation à outrance, les corps se dégradent à vue d’œil : il n’est qu’à les regarder dans les rues, les métros ou les plages : passé 30 ans, la plupart sont hâves, maigrelets ou bien obèses. Ceux qui échappent à la décrépitude générale affichent une santé trop éclatante pour être honnête quand tout le monde sait qu’elle n’est plus que fabriquée : bronzages, gommages et écrémages, marathons de « salles de sport », injonctions des esthéticiens ou des diététiciens, exercices de yoga ou de médiations diverses mais toujours de haut-vol – et, bien entendu, discrets passages sous les bistouris des chirurgiens. Bref, nous avons bien trop plongés dans l’obsession sanitaire pour nous offusquer aujourd’hui de subir une dictature du même nom : à force de nous soigner, d’encombrer nos hôpitaux, de laisser croître nos dépenses de santé dans des proportions monstrueuses,  de ne pas vouloir mourir et par dessus tout de croire que la vie n’est bonne que si elle est éclatante, corrélativement de donner tous les pouvoirs aux médecins et à leurs acolytes, à la pharmacie et aux hydres mondiales de BigPharma, nous nous sommes jetés dans le gueule du loup, cette dictature sanitaire que l’opération Covid, laquelle en somme nous pendait au nez, ne fait que mettre en scène dans des proportions affolantes. Beaux effets de la modernité, quand l’homme moderne n’est plus qu’un homme qui se soigne… 

Et si l’ultime remède n’était pas de se passer de remède ? Sortir de cette idolâtrie du corps qui n’est que la pointe ultime et explosive du matérialisme, de l’hédonisme et de notre refus en granit de donner à nos vies un autre sens que la vie elle-même, sa pauvre survie. Nous soigner d’abord en soignant nos âmes, nos identités historiques et culturelles, nos traditions (y compris celles de la cuisine ancienne ) qui participent tant de la santé, mais certes pas de la médecine. C’est là une autre question, immense…

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Vendredi 29 octobre. Bordeaux. Phrase pour phrase, je reviens sans cesse, ces jours-ci, à celle-ci, que je réduis peu à peu comme une sauce et me décide à coucher ici : « L’erreur des Modernes est de prendre pour suranné, voire aboli, ce qui n’est qu’éternel, et qui recommence toujours ». Elle me paraît, telle quelle, somptueuse – à propos de sauce, je crois que je vais en faire un usage absolument universel…

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