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Le journal de pmc – Février 2021

Lundi 1er février. Paris. Il fait froid, enfin – un de ces petits froids vifs et doux qui pique un peu le nez et fait dire à celui qui s’est emmitouflé : « C’est bien l’hiver, tout est en ordre… ». Ce froid sec et rassurant, chaque année je le guette avec autant de plaisir que j’attends les premiers beaux jours de mai ou de juin, quand une nouvelle tendresse de l’air, enveloppante, affectueuse comme une caresse, surprend le promeneur du soir et lui fait dire : « bientôt l’été, tout est normal…». Eternel bonheur des saisons, dont je serais bien en peine de dire laquelle est la plus aimable, tant elles le sont toutes, à tour de rôle…

Cette année, la suite des saisons est plus rassurante que jamais, contrastant avec la crise du covid, ou plutôt la grande comédie covidienne, qui déroule alentours ses facéties et dérègle tout, jusqu’à l’affolement. La fermeture des restaurants, dont je me suis plusieurs fois reproché de faire trop grand usage, et celle des bars (dont les plaisirs, les longs, quand on rêve ou qu’on écrit devant une bière, quand on rencontre un ami ou un inconnu avec qui on prolonge un moment mais que l’on peut quitter à tout moment ; ou les courts, quand on s’offre un furtif café au comptoir pour regarder comme en passant le monde qui défile), la fermeture, donc, de ces lieux miraculeux d’humanité légère a plongé la ville entière dans la tristesse et l’ennui. Rues mornes, passants enfermés en eux-mêmes derrière leurs masques d’opérette, étouffants, inutiles, tout juste bons à montrer ce que l’on ne voulait plus savoir, que l’homme est un animal servile. Partout poisseuse atmosphère de fin du monde, comme on dit, en ne croyant pas si bien dire.

Dans la tourmente, chacun cherche son îlot : les uns font traîner un peu la conversation avec la boulangère, histoire de parler un peu, avant le couvre-feu, l’Enfermement et la nuit interminable ; d’autres boivent en cachette, et d’autant plus en cachette que personne ne regarde plus personne – tout juste cette dame assez grande que je vois tituber, son filet de provision à la main et je vois bien, dans les files d’attente, les bouteilles d’alcool emplissant les paniers ; d’autres courent les magasins où l’on achète des écrans, des fils pour les écrans, des jeux ou des vidéos pour les écrans et, serrant sur leurs cœurs le butin qui trompera l’interminable solitude des soirs, s’empressent de rentrer chez eux avant l’heure fatale où commenceront les contrôles – ou, plutôt, l’heure où l’on croit que commenceront les contrôles, car de contrôles il n’y a guère, ce qui, pour les maîtres du nouveau monde qui s’installe sous nos yeux, est la plus complète des victoires.

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Mardi 9 février. Paris. Cette fois, c’est sûr : l’opération politique qui déroule ses fers depuis un an repose toute entière sur un énorme mensonge : contrairement à ce que les canaux omniprésents de la propagande répètent sur tous les tons, avec d’autant plus d’autorité et d’insistance que ce mensonge est énorme et qu’il ne faut laisser aucun interstice au doute, et moins encore à la contestation (heureusement les « réseaux sociaux » y échappent, de plus en plus massivement), il n’y a pas d’épidémie – du moins pas d’anormale. Depuis des mois, j’attendais les seuls chiffres qui peuvent établir ce que le Président de l’a-République aime tant appeler la « pandémie », selon la nouvelle définition très élargie que, en 2011, l’OMS a cru utile de donner à ce mot – nous ne sommes même plus maîtres de notre vocabulaire, le français lui donnant une acception plus stricte, qui suppose une épidémie telle que la mortalité annuelle double d’une année à l’autre, non seulement dans un pays mais dans un grand nombre ; ce qui ne s’est produit nulle part. Et les chiffres recoupés et combinés de l’INSEE et de l’INED, rendus publics il y a quelques jours pour l’année 2020, sont formels : non seulement il n’y a pas de doublement du nombre de morts – on aurait dû compter, pour cela 615.000 (chiffre de 2019) x 2, soit plus d’un million de morts ; mais l’épidémie est d’intensité moyenne : 53.000 morts supplémentaires par rapport à 2019. Encore les démographes, et jusqu’à Hervé le Bras, personnage conformiste s’il en est, affirment-ils que l’arrivée à l’âge où la mortalité s’accélère de la génération née entre 1945 et 1965, celle du « baby boom », aurait de toutes façons entraîné une croissance mécanique, de l’ordre de 15.000. Restent 38.000 décès en plus ; mais une cohorte de spécialistes, principalement des cancérologues et cardiologues, affirment que le défaut de dépistage et de soins consécutifs à la fermeture des hôpitaux pendant des mois (même quand ils étaient vides…) a causé « entre 15 et 20.000 morts » et peut-être plus. Si l’on compte ceux qui furent victimes de médications nocives (notamment le « remdesivir » dans le secret des EPAHD…), les victimes de la covid, y inclus les cas où le virus est associé à d’autres causes de mortalité, « tourne autour » de 20.000 personnes, dont l’âge moyen est de 83 ans – on trouve même 85 ans dans un commentaire de l’INSEE. Pour les moins de 75 ans, aucun accroissement de la mortalité – une diminution même chez les moins de 65 ans, que l’on presse pourtant de se masquer, de se faire dépister, etc., au mépris de la simple raison. Rappelons que la grippe de 2017 a causé 14 à 16.000 morts et que d’autres épisodes infectieux furent bien plus graves dans les dernières décennies sans émouvoir grand monde. Il n’y a donc pas d’épidémie anormale : « Covid21 » restera dans l’Histoire comme la dénomination, non d’un virus dévastateur, mais d’une opération politique à large échelle – très dévastatrice, elle.

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Vendredi 12 février. A Paris, mon îlot à moi, outre le travail de préparation du prochain numéro du Conservateur, et les écritures foisonnantes et dispersées qu’inspirent de tous côtés ce monde devenu insolite, est un coin de trottoir, au coin exact de la rue Rousselet et de la rue de Sèvres, belle rue ordinairement animée censée séparer, mais elle ne sépare rien, mon cher 6ème arrondissement de mon non moins cher 7ème. Il s’y trouve un adorable bar, tenu par de solides gaillards rouerguais, très chaleureux, que je vais voir tous les jours pour prendre un, ou deux, ou trois cafés, debout devant leur porte barrée par des tables qui servent de comptoir. On fait comme si on était au bar, mais on voit bien mieux la rue. Là, tout en laissant tomber quelques phrases, chaque jour les mêmes, sur l’absurdité des temps (quelquefois, c’est eux qui les disent, quelquefois, c’est moi, mais c’est pareil…), je regarde le petit monde avec une curiosité attentive, si concentrée qu’elle approche la voyance. Devant moi, de l’autre côté de la rue, une grande Poste en verre, haute et claire ; à côté d’elle, une pharmacie puis un traiteur, puis une boutique de linges de grand luxe, puis une boucherie fine – le quartier est riche, certes. A gauche, installé sur le trottoir, un rampailleur, dont j’ai déjà eu recours aux excellents services, et qui me dit invariablement bonjour avec un beau sourire timide qui a l’air de me demander si je n’aurais pas encore quelque chose à rampailler. Devant lui, une banque, où se succèdent des passants masqués qui, visages fermés, plus repliés que jamais, tirent des liasses en jetant alentours des regards inquiets comme des cambrioleurs. A droite, une boulangerie, qui ne désemplit pas. Je les regarde, tous, et je vois, partout, une peur identique. Ni celle du covid, ni celle du flic, bien que ces peurs-là soient omniprésentes, en surface, mais plus profondément encore, une panique noire : la certitude que leur monde, le moderne, est pris dans tant d’impasses qu’il est de toutes façons voué à disparaître quoi qu’il arrive, de sorte que, c’est le grand secret, tout ce qui arrive d’extraordinaire est peut-être salvateur. Vieux réflexe de l’univers progressiste qui tient chaque nouveauté pour une bonne chose ? Curiosité comparable à celle dont me parlait Jacques Ellul, souvent relatée à ce cher petit journal, qui explique que les peuples envahis chérissent souvent, eu fond d’eux-mêmes, leurs envahisseurs ? Consentement à payer un jour le prix de tant de lâchetés et d’abandons qui jalonnent les derniers siècles du monde occidental – surtout le dernier en date… Un peu de tout cela : le grand sanglot de l’Européen…

La civilisation sait quelle va mourir, et cette panique secrète, enfouie mais omniprésente, explique les peurs de surface et, surtout, l’incroyable servilité dans laquelle, de masques en tests et de tests en vaccins, est tombée notre population réduite à obéir aux injonctions les plus contradictoires, les plus absurdes. Comme toutes les crises, quand les comportements habituels se débondent, celle-ci est un révélateur de vieilles souffrances enfouies. Ils savent, et je vois bien qu’ils savent, que le modèle où chacun a cru trouver un moyen de prospérer est condamné à terme rapproché. Ils savent que les ressources de la Nature, accablées depuis plus d’un siècle par les prédateurs de la modernité technicienne, sont épuisées ; ils savent que leur population diminue, ayant même consenti, sans que nul ait pu dire un mot contre cet holocauste, à ce que plus du quart, ou près du tiers des enfants conçus finissent dans les poubelles des hôpitaux ou des laboratoires, et que les vieux peuples à la démographie déclinante auxquels ils appartiennent, ou essaient de ne plus appartenir, se sont livrés, affolés mais muets, aux peuples assez sûrs d’eux-mêmes pour croître, et croître vite, et qui les envahissent peu à peu, avec d’autant plus d’énergie et d’insolence qu’ils pensent se venger ; ils savent qu’ils n’ont pas su protéger les points cardinaux de leurs civilisations, qu’ils sacrifient d’autant plus facilement que, pris dans les rets d’un imaginaire imposé par un autre continent (« le Nouveau Monde »), fascinés par tout ce qui n’est pas eux, ils les ont oubliés, ces points cardinaux séculaires, sombrant dans une déculturation dont l’effondrement de l’Education, ladite « nationale » comme toute autre, donne la mesure, béante et désespérée. Ils savent que leur « logiciel » progressiste est mort, quoi qu’il arrive, et la peur du Covid ne fait que donner à leur sourde panique un visage, enfin un visage – enfin une raison de se coucher, de s’enfermer, de se masquer, et de fermer les yeux.

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Samedi 13 février – Paris. L’économie mondiale est en l’air – à de notables exceptions près, exceptions qui en disent long, car il y a de grands, de très grands gagnants. Les entreprises du Nasdaq , à « haute valeur technologique » s’envolent. On apprend par exemple que, pour Amazon, le bénéfice net du 4ème trimestre s’établit à 7,2 milliards de dollars, contre 3,3 milliards en 2019 (avant la covid). Globalement, la valeur boursière des GAFAM a plus que doublé en 2020. On apprend d’ailleurs que Son fondateur Jeff Bezos va se consacrer à ses oeuvres « philanthropiques». Le bonhomme est déjà propriétaire du Washington Post, qui contribua si puissamment à la chute de Trump – voici lurette que, contrairement à ce que prétend en ritournelle la baratin socialo-communiste, la grande finance est à gauche. Ce qui suivra, en fait d’ «oeuvres philanthropiques », est sans doute prometteur…

Ce qui est en l’air, c’est l’Europe, celle de l’euro plus ou moins, l’Europe latine plus nettement, et la France complètement. Indicateur parmi d’autres, le taux de croissance du PIB en 2020 : UE – 6,5 % ; France – 8,3 % ; Allemagne – 5,2 % ; Suède – 2,1 % : Etats-Unis – 3,5 % ; Chine +2,4%.

Où que l’on se tourne, la décrépitude de la France est spectaculaire ; il aura fallu, pour en arriver là, une succession inouïe de six Présidents de la « République » (autre mot qui a perdu son sens) ouvertement opposés à toute idée de grandeur nationale, qui est pourtant le simple réflexe, attaché à leur charge, sans lequel notre nation ne peut pas vivre. Le mieux est qu’il ont fait, du refus de la grandeur, un complet système – VGE l’a dit ouvertement à Michel Pinton qui le rapporte dans le dernier numéro du Nouveau Conservateur. La grandeur ou la mort, c’est en somme le logiciel de la France. (Penser à acheter le dernier ouvrage de Jacques de Larosière de Champfeu : « 40 ans d’égarements économiques », et le lire pour le Nouveau Conservateur : Mon Dieu, que de choses à faire, à lire, à comprendre, à écrire…).

En contrepoint – pour que la mesure soit pleine, sur cette catalepsie nationale que les Français font semblant de ne pas voir : c’est la France qui, et de très loin, enregistre le plus fort déficit de la balance commerciale : 84 milliards d’euros en 2020, quand l’Allemagne, malgré la Covid, enregistre un excèdent de plus de 150 milliards d’euros. Il est vrai que ledit euro fut fait pour elle, à la diligence de MM. Mitterrand, Delors, Rocard, Bérégovoy et consorts – ne citons pas tous les noms, la plupart sont Français.

De toutes façons tous s’y sont voués, à la perte de la France. On s’interrogera longuement, un jour lointain, sur les raisons d’une telle accumulation de Présidents totalement nuls que s’est offerte l’insouciante France depuis presque cinquante années. J’ai une idée : le vice serait l’élection du Président de la République au suffrage universel : le général Gallois tenait la réforme de 1962 pour la plus grave erreur du Général de Gaulle. Il voulut m’en convaincre, il y a trente ans, mais je ne le croyais pas. Maintenant, je le crois à mon tour. Revenons bientôt là-dessus, cher petit journal…

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Lundi 15 février. Paris. Premier mois depuis plus de dix ans où je n’ai pas à me soucier d’envoyer à La Nef la chronique internationale que je ne tiens plus à tenir -surtout après l’interminable polémique qui m’opposa à l’un de ses lecteurs, le mathématicien Laurent Lafforgue, qui me poursuivit d’une hargne tenace pour plusieurs propos sévères que j’ai aventurés sur la Chine – plus exactement le Parti Communiste Chinois. Or, je crois que Laurent Laforgue ne connaît pas la Chine ( comme tout le monde d’ailleurs, moi itou ), s’aveuglant lui-même par sa constante opposition aux Etats-Unis, très vive chez lui – je la partage en bonne part, pensant que le déclassement de la France est grandement dû à l’habile colonisation culturelle que les Etats-Unis nous ont imposée en douceur depuis 1917, et qui a peu à peu détruit notre conception du monde, notre imaginaire, finalement notre civilisation. Mais pourquoi reporter nos espoirs sur la Chine ?

Le problème, avec les cerveaux binaires (presque tout le monde devient binaire dès qu’il est question de politique), c’est qu’ils imaginent que l’on n’a plus le choix qu’entre une domination et une autre, en l’occurrence les Etats-Unis ou la Chine. Nul n’ose admettre que, ce qu’il faut refuser, c’est la prétention impériale d’où qu’elle vienne – des Anglais, des Autrichiens, des Prussiens jadis, comme des Allemands ou des Soviets naguère, des Etats-Unis ou de la Chine aujourd’hui… Personne ne conçoit plus, dans la pauvre France d’aujourd’hui, qui cherche partout des béquilles et meurt de celles sur lesquelles elle a cru se reposer tour à tour, la position  la plus simple : si la France peut, et même doit avoir des alliances, ces alliances ne sont ni exclusives ni éternelles , et qu’il lui faut commencer par se référer à elle-même, se connaître et s‘aimer elle-même, tenir debout toute seule – l’une des meilleures leçons de l’aventure gaulliste. Je crois que sur ce point, pour cardinal qu’il fût, de Gaulle ne fut jamais compris, même de la droite nationale, même de la droite catholique dont pourtant il fut l’un des plus beaux produits. Comme l’écrit Henri Gobard « il se faisait une certaine idée de la France pendant que les Français se faisaient de leur côté une certaine idée de l’Amérique » … Pourquoi les Français éprouvent-ils à ce point le besoin de ne vivre qu’avec et par un grand Autre – lequel est toujours le puissant du jour ?

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Samedi 21 février. Paris. La Covid accentuerait ses ravages, un nouveau confinement serait en vue, etc. Reviens sans cesse, en pensée, à cette incroyable imbécillité française qui, depuis deux siècles, se cherche sans cesse des béquilles, comme si ce pays, depuis qu’il s’est décapité lui-même, ne pouvait pas tenir debout tout seul -ne pouvait plus se tenir, tout simplement.

Le parti anglo-saxon (le parti anglais, comme on disait à l’époque de la politique d’apeasement et des accords de Munich) fut archi-dominant en France pendant plus d’un siècle, de Louis-Philippe à Daladier, malgré les escarmouches coloniales (mais, à Fachoda comme souvent ailleurs, on rendit les armes). Cette complaisance pour une nation qui, pourtant, se comporta si souvent en concurrente, ou en adversaire, fit de véritables ravages dans les esprits – c’est dans les années 20 que l’anglais commença à s’installer dans la langue courante. Londres commanda littéralement notre diplomatie, jusqu’au désastre de 1940. Puis vint le grand allié américain : depuis 1917, il s’était forgé une image de Sauveur (le premier souci des armées de Patton, avant même de combattre, fut de placarder partout à travers la France des affiches annonçant l’arrivée du «  Sauveur américain » ), image renforcée en 1944 au point que tout ce qui vint de lui s’imprimait ipso facto dans les esprits comme aimable, neuf, supérieur à tout ce qui était français (on commença à dire «  franchouillard), quand il ne fut pas regardé comme providentiel quelle que soit la cause, aussi bien par la jeunesse moderniste que par l’OAS, le cercle de l’admiration, ce que de Gaulle appela « les dévots de l’alliance atlantique » étant très large. N’y échappaient que les communistes, pour qui le salut ne pouvait venir que de Moscou. Du grand débat qui déchira les familles dans les années 40 (Londres ou Berlin ? ), on passa à cet autre, tout aussi névrotique : Washington ou Moscou ? Dans les deux cas, cependant, les puissances de la mer l’emportèrent dans les cœurs et les esprits, et surtout, grâce à l’art de masse, les images et la musique, dans les imaginaires – le plus grave.

Tout cela ne pouvait manquer d’entraîner des conséquences politiques profondes. Je viens de vérifier les chiffres : les résultats de la présidentielle de 1965, tandis qu’on pouvait penser que de Gaulle était à son apogée, montrent que les quatre candidats qui se réclamaient de l’alliance atlantique, Lecanuet, Marcilhacy, Tixier-Vignancourt, et Mitterrand ( lequel camouflait son atlantisme, mais fut dès les années 50 l’un des hommes politiques français les plus assidus à l’ambassade des Etats-Unis – voir les archives américaines analysées par Vincent Jauvert) remportèrent près de 54% au premier tour, et si de Gaulle l’emporta nettement au second, c’est en grand partie grâce, déjà, au report des voix centristes, que lui apporta le véritable vainqueur du scrutin, Jean Lecanuet, inaugurant la dépendance de la droite nationale, soumise au centre atlantiste ). La domination culturelle, militaire, politique et finalement économique de l’Empire états-unien fut, pour le monde mais tout spécialement pour la France, le fait majeur du XXème siècle, c’est lui qui bouleversa les mentalités au point de nous détourner de nous-mêmes, de notre civilisation, de nos manières de voir et de sentir, de catholicité profonde, et je comprends Laurent Laforgue, que je connus comme un bon défenseur de la langue française ( le meilleur mais fragile rempart à l’imaginaire anglo-saxon, justement) qui a trouvé à l’horizon une puissance capable à ses yeux de nous en détourner, la Chine, qu’il pare de tant de plumes…

Il n’est pas le seul, et j’ai plusieurs fois rencontré des admirateurs de la vieille Chine et de son renouveau spectaculaire sur mon chemin : il y eut Peyrefitte, dont le fameux « La Chine s’éveillera » déployait tous les signes d’une admiration à peine contenue, le bon Philippe Barret, chevènementiste érudit qui se mit à apprendre le chinois par désespoir de voir triompher les Etats-Unis, ou Xavier Walter, parce que la tradition chinoise recelait à ses yeux la spiritualité qui partout s’évanouissait en Europe. Leur commune erreur est de croire, comme toujours, que seule une énorme puissance peut nous sauver des griffes d’une autre, alors que, la seule puissance d’une nation, aussi impuissante ou faible qu’elle paraisse, c’est la sienne. Immense extraversion qu’a mis en scène la prétendue construction européenne, laquelle n’a fait qu’ajouter à nos faiblesses qu’une faiblesse supplémentaire. Connais-toi toi-même, misérable France, et tu connaître « l’univers entier et les dieux » : apprends toi à viser moins la superpuissance que tu n’as plus et que maître du jour ne te redonnera, mais une suffisante puissance pour être assez indépendante et libre pour rayonner tranquillement à travers le monde.

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Dimanche 22 février. Messe à Saint François-Xavier. Ai manqué de beaucoup mon habituelle grand-messe – j’arrive au moment où les premiers fidèles quittent l’église : que de monde ! A mon grand étonnement, la messe suivante, qui commence à 11h30, et qui n’est pas chantée, a l’air tout aussi courue, le large édifice commençant à se remplir tandis que les derniers du précédent office s’attardent encore sur le parvis. De nouveau, belle affluence, la distanciation de rigueur donnant une impression d’amplitude rarement atteinte. Beaucoup de jeunes. Je ne connaissais pas cette dernière messe, ni ne soupçonnais que Saint François-Xavier, avec ses trois messes ne désemplissait pas, le dimanche matin au moins.

Excellent prêche sur le Carême – à propos, où en suis-je de mon carême ? me passer de tout alcool, comme chaque année, me paraît bin simple – l’autre jour, chez TL, j’ai tenu bon, et de même en recevant Marc A., mais dans les deux cas, c’est qu’ils refusaient le vin eux…

Force notes – que je retranscrirai plus tard. Vu, comme une évidence que la grande erreur des Modernes est de tenir toujours pour révolu ce qui n’est que passé mais qui revient toujours – pour aboli ce qui n’est qu’éternel. Innombrables conséquences de cette erreur intellectuelle courante, galopante et dévorante. (Il vient sans doute de là que nos contemporains ne comprennent plus grand chose au monde, à la vie des peuples, à la politique, à eux-mêmes…).

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Vendredi 26 février. Pour éviter décidément les masques, donc les métros où je n’ose plus me singulariser, je fais tout à pieds. Dans la rue, au moins, je n’imagine pas me faire arrêter – comme chez le petit marchand arabe chez lequel, Dieu merci, je trouve à me ravitailler parce que, à la différence des grands magasins de bouches, il m’accepte démasqué. Suis donc allé à pieds, hier au soir, « chez Tanouärn », le sémillant Tanouärn qui avait cette fois sa casquette de Radio Courtoisie, boulevard Murat – une trotte de presque une heure, et encore je suis arrivé avec presque cinq minutes de retard, ce qu’il me fait, le cher homme gentiment remarquer, me donnant l’occasion d’exhorter semblablement les auditeurs à la résistance. Pas grand succès, me semble-t-il, malgré d’implacables démonstrations sur l’arbitraire de ce que l’on commence à enfin à appeler couramment « la dictature sanitaire » – sans pour autant envisager de la juguler par une bien simple désobéissance civique qui, si elle devenait générale, la désarmerait en un tournemain. J’ai malheureusement plus de succès, à entendre les messages des auditeurs, en parlant politique – en l’occurrence d’Eric Zemmour, vu longuement il y a quelques jours et dont tout le monde parle. Très bien ; mais enfin, comment répéter que nos gouvernements sont dessaisis de tout, que les grandes décisions, autrement dit la politique du pays, leur échappe au bénéfice des oligarchies interconnectées qui mènent le monde, comment répéter que, à l’instar des élections américaines, les nôtres sont entrées de plus en plus sûrement entre les mains des faiseurs d’opinion et des juges, en attendant les machines à voter et ceux qui les contrôleront, que tout est pipeau, donc et, simultanément, ne plus s’intéresser qu’à ces élections dont on a perçu partout l’inanité ?

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Samedi 27 février. Rentré en train. A Angoulême, ma voiture m’a attendu près de six semaines à la même place – j’avais quelques craintes… Foncé à La Rochefoucault pour ne pas arriver trop en retard au déjeuner de Sonia. Mais, à La Roche, rien n’est jamais grave, même les retards – c’est une sorte de grâce. Tout est charmant comme d’habitude – elle, ses convives, ses déjeuners, les vues… Au creux de l’imposant château qui domine la région de toute sa splendeur, comme la vie semble tranquille, simple, sans drames – sinon les secrets dont, simple politesse, on ne parle pas. Sonia explique que, aussi considérable soit-il, aussi onéreux soit son entretien, ses comptes sont équilibrés, grâce au visites, aux mariages, aux animations qu’elle sait mener, à presque quatre-vingt-dix ans, en maîtresse femme. Je lui demande si elle accepterait de donner sur ces questions un entretien pour le Nouveau Conservateur – rubrique : « les héros du Patrimoine ». Elle acquiesce en riant – car nous ne sommes pas du même bord en fait de politique, elle le sait, et s’en amuse. Resplendissante douairière…

Rentré par la route des bois dans mon plus modeste logis, que je n’aime jamais autant qu’après l’avoir longtemps quitté, comme une maîtresse acariâtre Tout est en ordre, mais il fait un froid de canard… J’installe, dans ma chambre un îlot de résistance, commençant par allumer un grand feu…

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