Par Patrick Pommier
Philippe de Villiers présente Populicide comme son testament, son cri d’alerte ultime. Il y apparaît hanté par la disparition programmée du peuple français. L’âme de la France est en danger de mort, et ce n’est plus seulement la mémoire d’un pays qui est atrophiée, amputée, mutilée. Jusqu’à présent, la France s’est toujours relevée des épreuves traversées. Cette fois, elle doit affronter la crainte de disparaître. À la lumière de l’épreuve tragique des deux guerres mondiales et du chaos contemporain, n’importe quel esprit lucide est saisi de vertige devant la rémanence des agents de l’hubris. J’ai lu Populicide en pensant au pays où j’ai grandi, à mes professeurs qui nous parlaient de Renan entre deux contrôles-surprises, et je tombe sur cette phrase martelée comme un verdict : « la francisation ou la mort ». Ce n’est pas une simple provocation, c’est une clé de voûte. Tout le dispositif de Philippe de Villiers consiste à transformer la culture en test de pureté, l’histoire en catéchisme, l’avenir en ultimatum. Il pratique la ferveur comme on pratique l’urgence. Quand Philippe de Villiers écrit que « la France est née du baptême de son roi », j’y vois l’écho d’un vieux et magnifique récit.
Philippe de Villiers répète qu’il faut « tout refranciser et refranciser partout » ; il invoque le souci de la langue française, de sa clarté. Puis vient l’ode au « Français de souche ». C’est le chapitre le plus révélateur, qui fait défiler une procession de figures populaires : le paysan qui invente le pain, le berger qui découvre le roquefort, le vigneron qui crée Yquem, le moine copiste, le sculpteur de Chartres, Jeanne, Piaf, les frères Lumière. C’est émouvant ! Vient ensuite le « Français de désir », né ailleurs mais désireux de « faire souche ». L’amour qu’on doit lui demander est un amour inconditionnel : aimer « nos lignées, nos héros et nos tendresses ».
« La France, tu l’aimes ou tu la quittes » : ce slogan ressurgit ici auréolé de noblesse. Il y a dans ce livre, nombre d’éclats sincères ; le policier qui dit « à ce soir peut-être », l’aide-soignante qui tient tendrement la main d’une vieille dame, le professeur qui veut « faire des têtes épiques » traduisent quelque chose de profond : le besoin de sens, le goût du service, la fatigue d’un peuple qui doute de lui-même. Et Philippe de Villiers transforme ces gestes humbles en symboles d’un salut national, en preuves d’identité. Il insiste d’abord et surtout sur « la langue française, trésor commun », qui permet d’entrer en France par la porte de la langue. Enfin, il écrit et répète que « la bataille politique est devenue un conflit esthétique » et il a raison : La politique française est saturée d’émotions, de symboles, de nostalgies. J’ai refermé Populicide en gardant une impression forte : la puissance du style, un sens, du rythme, une mélancolie sincère, une émotion d’enfance…

