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Le journal de PMC – Août 2021

Paul-Marie Coûteaux

Lundi 2 août. Fin de semaine avec P. chez les PSR pour le traditionnel « anniversaire commun ». Retour à Paris un peu précipité à cause d’un malheureux incident : pour les remercier de leur excellent accueil dans leur vieille demeure du nord de la Creuse, j’eus le malheur d’inviter les PSR dans un restaurant aux larges baies donnant sur les hauteurs de Crozant. Le restaurateur nous demande, sans aménité, un quèrecode, à quoi j’oppose que la loi qui pourrait l’imposer prochainement n’est pas encore en vigueur, et que je n’ai pas l’intention de me faire injecter un produit expérimental ; voilà que le bonhomme prétend aussitôt que je mets en péril son établissement, que les gendarmes pourraient lui infliger une amende telle qu’il n’aurait plus qu’à mettre son personnel à pieds et autres fariboles sans queue, ni tête, ni proportions raisonnables avec le sujet. Le ton monte, je quitte finalement la table, persuadé que mes commensaux allaient me suivre et que nous trouverions ensuite meilleur lieu. Las ! tous me lâchent, et je n’ai plus qu’à m’acheter à la boulangerie du village un joli petit sandouiche creusois, dégusté devant cet étroit lac de Crozant dont je compris, placé comme je l’étais, pourquoi il avait tant inspiré les impressionnistes. N’empêche, cet amas de conformisme, de trouille, de fantasmes et de lâcheté qui s’accumule autour de moi m’accable et me déroute. Retour à Paris après une halte à Saint Benoît du Saut, que je voulais revoir ; arrivons à temps pour un joli dîner, préparé au vol, avec Huguette et les charmants H. – RH va collaborer désormais régulièrement à la revue. Tous m’assurent qu’ils m’auraient suivi, eux -sur cette affaire, il y a deux types de caractères, nettement distincts ; seules les âmes fortes et les esprits indépendants, ceux qui ont une vie spirituelle, aussi, peuvent résister à un tel rouleau de propagandes et d’intimidations.


    Pour comprendre l’opération Covid, il faut toujours remonter aux sources, c’est-à-dire aux vieux délires, qui étaient déjà ceux des gnostiques, de l’Homme qui prétend se re-fabriquer lui-même ; et, aussi, au vieil Attali. Il y a plus de vingt ans, il se demandait déjà :  « Qu’est-ce qui doit rester le propre de l’Homme et à quoi avons-nous le droit de toucher ? (…) Le code génétique humain, renvoie à un ensemble de lois, un ensemble de règles. Est-ce que nous devons changer les règles qui nous gouvernent ? Sans doute, bien des choses doivent être changées. Faut-il changer le code génétique ? ». 

     Hasardeuse question. Mais le mieux, ou le pire, est qu’il y répond, et de la pire des façons, à la fois catégorique et insidieuse : « Peut-être, pour faire en sorte que nous allions mieux, tout en étant des êtres humains un peu plus responsables, plus compassionnels, plus empathiques ». Il poursuit, un peu plus loin : « l’Histoire de l’Humanité, j’essaye de le montrer dans mon livre, est une lente traduction de l’être vivant en un objet, en un artéfact. Progressivement, nous sommes complétés par des prothèses et nous devenons nous-mêmes progressivement des prothèses. Notre code génétique lui-même, progressivement connu, et c’est très bien ainsi, nous sommes de plus en plus capables de lutter contre ses défauts, et c’est très bien ainsi ».

Voilà bien le cœur du sujet : le choix que fait Attali de « changer le code génétique de l’Homme » revient à fabriquer un autre homme qui devient progressivement « objet » de sa propre création. Et c’est exactement ce choix, qui est au fond la matrice du techno-progressisme (et de l’Opération Covid), que les Conservateurs refusent au nom de la permanence et de l’inviolabilité de la Nature Humaine, ou d’une conscience de l’immensité du temps, d’une évolution humaine située dans de si vastes échelles qu’elle est hors de notre portée, comme si tout à coup, après des centaines de millénaires, deux ou trois générations changeaient tout. Démoniaque, l’entreprise qui prétend se substituer au Temps. Que ces délirants prennent toutes les substances qu’ils veulent, qu’ils se perfectionnent à coup de chimie et de percées numériques, qu’ils se fassent congeler dans la glace pour renaître dans les temps bénis, ou sinistres, où la mort sera vaincue, tout cela autant qu’il leur plaît. Mais qu’ils entraînent, de force toute l’humanité dans leurs délires, multiplient les injonctions et les injections, nous plongent dans leur univers glacé par l’inculture, où rien ne pousse hors des angoisses et des vaccins, non. Du moins demanderai-je le droit d’objecter, droit que je n’ai même pas, selon toute apparence… 

*

Mercredi 4 août. Paris, très au calme. Tristes temps, jours gris, pluies éparses et nuits fraiches, ce qui du moins m’épargne les habituelles chaleurs que je redoute tant. Travail au calme. Ai avancé dans la présentation de mes correspondances avec Marine le Pen (conseils de lecture compris) que je veux donner à l’automne à JFC, qui attend que j’honore un contrat que j’ai signé avec lui en 2016… L’introduction sera noire, le livre féroce, la conclusion très politique, sur le thème du « dernier espoir » avec Z. En attendant, je lis l’étonnant livre de Michal Barnier, « La Grande illusion », de plus en plus persuadé que l’auteur, qui n’est certes pas un mauvais homme bénéficie de nombreux soutiens et qu’il a tant de cartes en mains qu’il pourrait bien être le grand vainqueur, en avril prochain.

Lectures, donc, au calme et au frais, dans l’appartement de la rue GS qui peu à peu prend forme. Force touitteur, et nouvelles découvertes sur les prophéties dantesques d’Attali, qui, incroyablement, s’avèrent sous nos yeux vingt ou trente ans après qu’il ait osé formuler ce qui passait alors pour des vaticinations : a-t-il tout prévu ou tout voulu ? En tous les cas, c’est pour nous du miel -comme l’inquiétant Docteur Schwab, fondateur et grand maître déjanté de Davos, dont je voudrais lire sans tarder le rêve grandiose de « Grande Réinitialisation ». Noter, à propos du passage recopié ici avant-hier, qu’Attali parle « des règles qui nous gouvernent », comme si les conditions les plus fondamentales de la nature humaine ressortaient d’un gouvernement et de ses règles, passagères et aléatoires, alors que lesdites règles font ce que nous sommes : notre nature, notre essence, notre être. Notez aussi la répétition de l’adverbe « progressivement » : c’est cette répétition qui fait système et se mue en « progressisme » : et c’est bien ce progressisme obsessionnel universel et obligatoire que nous refusons, nous, conservateurs. Qu’il laisse en paix, l’Homme et sa Nature !

      *

Mercredi 11 août deux mil vingt et un -Auray, Morbihan. Grande fatigue, hier au soir, après une belle journée débutée fort tôt, pour rallier l’abbaye de Solesme avant la grand messe. Dans la journée, ai suivi tous les offices, plongeant degré après degré dans le grand repos grégorien. 

D. et A arrivés hier. Lever et départ tôt, ce matin, afin de ne pas louper les Laudes, ces louanges que, à l’aube de chaque jour, la terre, ses hommes et ses merveilles adressent au Ciel -des sept offices quotidiens fixés par la règle de saint Benoît, cette action de grâce est mon préféré ; puis, après la grand-messe, suivie d’une rencontre avec le jeune et prudent Prieur qui nous reçoit avec simplicité (et qui m’enjoint de reprendre mes chroniques de La Nef…), nous avalons à bride abattue deux cent trente kilomètres vers Guérande et attrapons, certes un peu en retard, le bien trop bon déjeuner que nous ont préparé G. de K. et sa femme, dont le sourire et les yeux sont exquis. Nouvelle route, et arrivons finalement à Auray où le soir peuple les terrasses d’encombrantes masse et, hélas, ferme les magasins : trop tard pour faire des courses, ce que nous compensons par une halte dans la dernière boulangerie ouverte (pas question de restaurant : cette fois mes deux amis, bien que vaccinés se veulent solidaires. Court dîner, ce qui est aussi bien, et promenade du soir dans la vieille ville escarpée. Est-ce la vacance, le retombement de tout souci, les kilomètres avalés ? Vers dix heures, la fatigue est si captivante et capturante que, aussitôt couché, je me laisse happer par des spirales de sommeil, me réveillant si profondément reposé, et dans une aube si fraîche que je ne peux me retenir d’aller, un café aussitôt avalé, me promener sur le quai solitaire. Ah quelle lumière, et quelle douceur dans l’air qui flotte parmi les maisons endormies, les pontons vaporeux, les alignements de bateaux blancs et sages –et, sur l’autre rive, en fond de tableau, tombant en à-pic dans l’aber, les grandes frondaisons dont les nuances miroitent sur l’eau calme, verte et bleue. Grâce. Partout, un silence d’avant l’Histoire, mêlé de pépiements d’oiseaux répandus dans les arbres et, vers la mer, de lointains cris de mouettes. Aube si simple qu’on dirait que les hommes ont d’un coup délivré l’univers de leurs modernités mornes et que, dans la nuit, toutes les vieillesses de la terre se sont évaporées. Je marche quelque part sur une planète innocente, vaporeuse et flottante qui, d’un coup, ne parait plus qu’une goutte suspendue dans l’air frais.

Après les pas sur le quai, grand plaisir à marcher ce matin, quand les passants restent rares, dans les petites rues d’Auray. Halte, pour un café et un croissant, chez un restaurateur qui sort ses tables, à qui je dis que je n’ai pas de passe et qui, me dit-il, s’en fiche. J’en serais presque contrarié, songeant à l’amoncellement de lois, décrets et règlements inappliqués qu’accumulent année après année cette république paperassière et tracassière dont on finit par ne plus se soucier… Mélange de dictature et d’anarchie qui caractérise ce que l’on appelait naguère avec mépris « les pays du tiers monde ». 

C’est assez grave ce « je m’en fous », aussi grave que l’admonestation, hélas bien plus courante, des restaurateurs qui fliquent leurs clients en exigeant des passes, c’est-à-dire en obligeant leurs semblables à subir des injections de produits génétiques expérimentaux dont tout le monde ignore les composantes et les effets. Nous en arrivons à une situation où tout, où que l’on se tourne, est grave… Mieux vaut, un jour ou l’autre se taire, tant il est évident que les esprits rationnels n’ont plus qu’à regarder, « dans le vide immense, l’inéluctable s’accomplir », comme disait Lucain. 

N’empêche : je crois que l’inapplication générale de la Loi, inévitable quand la légitimité du pouvoir ne tient plus à quoi que ce soit et que toute autorité autre que coercitive s’évapore, atteint le plus extrême degré de gravité -et de même les décisions de justice, couplées ou non à des décisions administratives qui ne sont que coups d’épée dans l’eau, tels les arrêtés d’expulsion de « clandestins » (comme on nomme les envahisseurs des temps modernes), dont plus de 90%, et près de 95% à ce qu’écrit Patrick Stéfanini dans le dernier numéro du « Nouveau Conservateur », ne sont suivis d’aucun effet. Ce n’est pas simplement grave quand les prétendus expulsés, conscients d’une immunité parfaite, se mettent à incendier des cathédrales, avant de, arrêtés quelques temps, se faire être héberger dons des communautés très catholiques dont ils coupent la gorge du Supérieur, comme cela s’est passé avant-hier matin, en Vendée ; c’est grave tout le temps -mais comme les catholiques expliquent qu’il faut avoir de la compréhension, de la compassion, de la commisération pour tout le monde, va pour l’inapplication générale des lois -dont chacune aurait de bonnes raisons et généreuses, de ne pas être appliquées. C’est peut-être la grande revanche des catholiques sur une République qui fut construite contre eux et qui s’est installée sur ses anciens privilèges et ses innombrables devoirs ; mais les catholiques ruinent ainsi la civilisation qu’ils ont construite, avant de disparaître avec elle. Ne sont-ils pas finalement, Pape en tête, les plus aveugles du troupeau ? Mais brisons ici : je reste cloué de stupeur et préfère me détourner d’une indignation de toutes façons si vaine…

          *     

Vendredi 13 août. Vieux Marché (Côtes d’Armor). Avons quitté Auray la charmante, ses quais, son fameux petit pont à la si longue et riche histoire, pour monter droit vers les Côtes d’Armor par Pontivy, où nous déjeunons de crêpes -une fois de plus, le restaurateur est peu regardant sur le quèrcode… Aussitôt arrivés, promenade sur la longue plage de Saint Michel en Grève, dont la marée basse découvre l’étendue, puis coucher de soleil parmi les granits géants, d’un rose intense, de Perros-Guirec, presque incandescents sous les derniers rayons dont on dirait qu’ils glissent sur la mer pour venir s’y diffuser et les raviver sans cesse, avant que la nuit finalement n’engloutisse tout. 

Hier au soir, captivante émission sur Radio Courtoisie avec le bon abbé de Tanoüarn -nos conversations du jeudi soir me passionnent de plus en plus. Nous sommes longuement arrêtés, hier, sur l’assassinant du Père Maire, le supérieur de la congrégation des Mantfortains égorgé lundi dernier par un repris de justice, et avons exploré, en direct mais en improvisation parfaite les incroyablement difficiles questions que pose ce meurtre, celle du pardon, celle de l’accueil des étrangers (passent-ils avant le prochain ? ) ; j’aimerais beaucoup la réécouter et prendre des notes sur ce que nous nous sommes dits, à moins que le bon abbé, comme je l’y exhorte, n’en fasse un livre de morale très contemporaine (la question de l’immigration et de l’accueil des étrangers est pleinement une question morale) qu’il pourrait écrire, et fouiller, mieux que personne… 

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Vendredi 3 septembre. A Paris, petit matin frisquet. Tout à l’heure, attendant un autobus, seul devant l’arrêt, je fus rejoins par deux jeunes filles, du genre déluré, l’une parlant assez fort, à coup de « j’ai grave froid », « j’ai kiffé un truc dément sur fessebouque », etc. Son amie, qui se taisait en tirant sur sa clope, m’intrigua davantage par le nombre remarquable d’anneaux dont elle parait son corps : plusieurs autour des bras, plusieurs autres aux pieds, en grand nombre aux oreilles, une, très brillante, sur le coin de la bouche, deux au nez ; maquillage épais, multicolore et indescriptible ; talons immenses, qui font boiter la pauvre fille ; pantalon en toile de Nîmes si serré qu’on doute qu’elle puisse l’enlever ; restes d’une chemisette savamment déchirée, épaules et bas du ventre nus -j’ai oublié de signaler, sur le nombril, un autre anneau, d’un mauve qui attire l’œil, si l’œil savait où donner de la tête ; encore j’oublie les ongles de différentes couleurs dont j’ai perdu le souvenir. Bref, la parfaite punquette. 

Mais voici que la demoiselle sort de son silence et dit : « Il fait froid quand même pour un mois d’aout ! Y a plus de saison, ma parole ! », phrases qui auraient aussi bien pu sortir, et qui sont sans doute sorties cent fois de la bouche de ma grand-mère, et probablement de mon arrière-grand-mère, ainsi de suite. D’un coup, grand amusement : cette résurgence archaïque me ravit d’autant que son amie, baissant soudain le ton (on était décidément sorti du théâtre punk)  lui dit presque affectueusement : « j’te l’vais dit, tu aurais dû prendre ton paletot ». Ton paletot ! La copine aurait parlé de robe de chambre, de plastron ou de corset que je n’eusse pas été plus étonné ni plus ravi. Eh quoi, on ne peut tenir la distance, se vouloir à la pointe du XXIème siècle sans parler comme en 1920 ?  Sur la plage, les pavés – sur l’apparence babacoulienne, moderne à donf, les bons vieux pavés de la tradition langagière ! 

( il n‘y a pas mieux, d’ailleurs, que le temps qu’il fait pour plonger dans le Temps : ainsi, par exemple, quand j’entends dire : « encore heureux qu’on s’en aille vers l’été » j’ai l’impression de traverser les siècles -ce qui est sans doute l’une des saveurs de la langue, du cycle des saisons, du temps qu’il fait et du temps qui passe, de tout ce qui dure et de cette forêt de permanences qui nous entourent et nous sourient à tout moment en secret, profonde forêt de l’archaïque à laquelle mon esprit revient toujours, comme par reflexe, et qui le console de tout. ) 

    *

Dimanche 5 septembre. Messe à Saint Roch. Je me disais, en entendant les chants que je chantais déjà voici plus d’un demi-siècle dans une autre église baroque, très semblable à celle-ci, Notre-Dame de Bordeaux, proche de la magnifique place Tourny où nous habitions, que la notation jetée sur ce journal avant-hier multipliait ses tours : car c’est bien le sentiment de la durée, de la très longue durée, de la persistance de l’archaïque, que je viens chercher à la messe -et que je n’aurais pas plus d’attirance pour une confession qui a un siècle d’âge que pour un vin de quelques mois. 

Raison, bien sûr, de mon attirance pour la messe en latin, pour toute tradition, pour l’esprit conservateur, le réflexe conservateur, l’esthétique conservatrice – l’esthétique conservatrice, sujet qu’Élisabeth Levy m’a demandé de traiter pour Causeur, et sur lequel il y a tant de choses à dire que… je ne l’écris pas. L’esthétique est tellement du côté de la tradition, elle est un tel boulet tiré sur le parti moderne que tout va de soi : ce qu’il faudrait montrer, c’est la force extraordinaire de la durée, de ce qui est premier et perdure, splendide et tranquille dans l’épaisseur souterraine de nos vies, ce que j’appelle la permanence archaïque, car c’est bien là ce que nous pouvons opposer de plus puissant aux délires du techno-progressisme. 

Je me demande d’ailleurs si, dans la ligne de l’essentialisme platonicien, « le mystère de la durée », comme disait mon « de Gaulle philosophe » (encore un livre à reprendre, encore des écritures à mettre au clair…) n’est pas pour moi, comme il l’était aussi pour lui…), un objet de piété aussi puissant que les mystères des Évangiles.

Contentons-nous de cette première question, à la surface : pourquoi l’archaïque gagne-t-il toujours ?  Question que je me posais, le mois dernier, en recevant un groupe de sept jeunes couples (tous étaient aux alentours de la trentaine) venus passer deux ou trois jours au château de Charmant. J’avais fait avec eux le tour de la maison, puis les avais laissé s’installer, le début de la soirée approchant. Hélas, j’avais laissé dans mon bureau le cordon d’alimentation de mon téléphone, de sorte que je dus revenir sur les lieux. Que vois-je ? Deux garçons jouaient au ping-pong dans le parc, trois fumaient dans le salon, deux autres étaient déjà absorbés par une partie de billard. Sur la terrasse, trois jeunes filles arrangeaient les tables et mettaient le couvert en vue du dîner, les quatre autres s’affairaient dans la cuisine. Cinquante années de féminisme le plus tonitruant et impérieux avaient coulé sur les générations comme de l’eau sur les plumas du canard. L’archaïque gagne toujours : les hommes s’amusaient et les femmes préparaient en choeur le repas. Filant vite, je m’engouffrai dans ma voiture en riant aux éclats, mon bonheur fut constant plusieurs jours durant…

    *

14 septembre deux mil vingt et un. Hier, très intéressant déjeuner avec Joseph Thouvenel, l’éternel vice-Président du syndicat CFTC, dont il ne veut toujours pas devenir président ; le personnage, pourtant en impose, par sa finesse d’esprit et la conscience aigüe de ce que peut-être et doit être un syndicat, en l’occurrence cette confédération chrétienne qui, depuis sa création en 1919 se réclame de la doctrine sociale de l’église, et qui fut la seule à vraiment comprendre, et relayer, le grand projet de participation du Général de Gaulle. Nous parlons des heures -au siège, car, le restaurant d‘abord prévu étant fermé, et n’en connaissant pas d’autre qui ferme les yeux sur mon refus de passeport social, ou socialo-sanitaire, j’en suis réduit à improviser un de ces repas de de saumon-sushis-salade-tarte aux abricots et pistache que je multiplie par paresse, tant ils sont rapides à préparer, et délicieux. Du coup, nous nous quittons à presque dix-sept heures. Une de ces rencontres qui rendent la vie si agréable, à Paris…

Quand une marotte vous tient, tout s’y ramène : je vois partout autour de moi des « résurgences archaïques », à moins que ce soit elles qui viennent à moi gentiment… Hier, Joseph Thouvenel me racontait à table que, allant l’autre jour en Seine Saint Denis, dans « la plaine » où sont installés, à coups de subventions publiques, de très nombreux sièges sociaux, il fut surpris par celui de la société des « Chèques emplois » : afin de se prémunir contre les courantes et récurrentes « insécurités » du lieu,  ladite société a fait creuser autour de son siège tout neuf et rutilant, des… douves. Voilà donc que revient le Moyen-Âge. Il n’y a pas exactement de pont levis qu’on lève ou abaisse par des chaînes, mais un passage que l’on rentre le soir, par quelque procédé automatique. des douves, un pont : comme dit Jean Frédéric Poisson, ça sera bien mieux hier, ou avant-hier…   

21 septembre 2021. Paris, un de ces beaux jours d’automne dont la lumière, vers le milieu du matin, est si claire et fraîche, magnifiée par les premières pointes d’humidité automnale, est si claire que la ville en est toute adoucie, semblant dire tout alentours, sur les avenues lumineuses et les petites rues aux pierres blondes que la vie est là, simple et tranquille. N’étaient les travaux qui, souvent ouverts sans être achevés, enlaidissent de part en part toute perspective, on dirait qu’’elle entend demeurer la plus majestueuse des villes de l’univers.

    Sondage étonnant pour Éric Zemmour (11%, un saut de 6 points en trois semaines : c’est, lui dis-je pour emprunter (car je les lui rends aussitôt, en général) à ses références favorites, « le vol de l’Aigle !). Le voici plus que jamais poussé sous les projecteurs par une décision imbécile du CSA qui le prive de sa chère émission quotidienne sur CNews – où, d’ailleurs, il n’avait plus rien à prouver. Imbécile mais salutaire pour lui, comme je me suis tué à le lui dire des mois durant, le suppliant de quitter sa chère Téloche pour troquer la posture du commentateur (ou du journaliste, ou du polémiste) pour celle, toute différente, de l’Homme politique, si possible de l’Homme d’État, qui appartient à tous parce qu’il n’appartient à personne : ni parti, ni coterie, ni même corporation. Grâces soient rendues au CSA : enfin, Zorro est arrivé. Il est arrivé là où il doit être : hors du Système pour être son adversaire le plus crédible.  

Comme ces empatouillés du Système ignorent les fondamentaux de toute vraie politique ! C’est un régal. Voilà que l’on mesure son temps d’antenne sous prétexte qu’il pourrait être candidat, condition qui est celle de bien d‘autres personnages, pourtant -et qui encombrent la scène. Typique de ces décisions faussement juridiques mais pleinement politiques qui achèvent de corrompre le droit, et de plonger le pays dans un doux arbitraire. Certes, on peut se demander ce que vaut un sondage en septembre. En septembre 1980, VGE dépassait de dix points François Mitterrand, qui finit par l’emporter ; en septembre 1985 Barre distançait Chirac ; dix ans plus tard, Balladur avait l’élection en poche.  Un sondage du 23 septembre 2016, il y a exactement 5 ans, donnait Alain Juppé grand favori avec 34% d’intentions de vote au premier tour. Oui, mais c’est en septembre que M. Macron, marginal en juillet et août 2017, prit lui aussi son envol. Si, en octobre, Z. fait jeu égal avec Marine le Pen (ce que je crois) l’inversion des courbes rendra sa progression irréversible -et ledit Macron, si décidemment il est candidat (ce dont je persiste à douter  : cet aventurier est de la race de carnassiers qui, une fois tuée sa proie, je veux dire la France, s’en ira ailleurs tenter d’autres aventures), aura perdu sa meilleure alliée.  Bref, le spectacle reprend et, bien que l’enjeu de l’époque soit tout autre (l’enjeu est la formidable capture des États et des Gouvernements par les oligarchies supranationales, qui réduit d’ailleurs à peu de choses les consultations nationales, aussi flamboyantes soient leur mise en scène rituelle et souvent creuse ) ce spectacle-là  passionne tout le monde, comme si l’Histoire de France s‘était faite à coups d’élections. Je le vois partout autour de moi, chacun se prenant au jeu de plus belle -moi aussi, d’ailleurs…

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