La France ne peut être la France sans la grandeur…

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Par Laurence Trochu


Le retour du tragique et de la grande Histoire est aujourd’hui admis. Les réponses sont souvent incomplètes, puériles, inconsistantes, mais la réalité s’impose enfin. Le front ukrainien, les soubresauts de Washington, la puissance indo-asiatique et, plus proche de nous, la crise identitaire et sécuritaire ou la situation économique catastrophique de la France nous somment d’arrêter de vivre uniquement sur des acquis glorieux, mais par trop usés.


Il en va de même pour l’Afrique ou pour les Afriques, devrions-nous dire, qui renvoient la France à ses propres écueils. Le premier est évidemment démographique. En 2050, le continent noir comptera 2 milliards d’habitants. Le taux de natalité français, bien que le plus élevé d’Europe, est historiquement bas et largement revigoré par une natalité d’ascendance extra-européenne. La démographie est la mère de toutes les batailles, le destin de toutes les civilisations. Pour la France, le choix est simple : survivre ou être remplacée. Il est impératif d’en finir avec les réseaux de passeurs qui exploitent la misère humaine et inondent l’Europe d’individus que nous ne pouvons plus accueillir dignement. La crise démographique et identitaire que nous traversons ne peut s’enrayer que par une puissance retrouvée, notamment en matière diplomatique, à l’heure où nous échouons à renvoyer quelques ressortissants algériens criminels vers leur pays d’origine, devenant par là même la risée du monde occidental.


Vient ensuite la place de la France dans le concert des nations. Les évènements récents d’Afrique centrale en ont montré l’abyssal déclassement. Avec l’Afrique, nous partageons une histoire glorieuse et tragique, des liens profonds, parfois distendus, parfois resserrés malgré les conflits passés. Mais aujourd’hui, à mesure qu’elle amorce son développement économique, nous en sommes progressivement écartés. Le désengagement des troupes françaises au Mali envoyées pour combattre le terrorisme islamique en est l’un des nombreux marqueurs : aujourd’hui nous ne sommes plus capables d’incarner une crédibilité suffisante pour que les peuples d’Afrique nous considèrent, faute d’une volonté politique claire. Sur le plan économique, les engagements européens en Afrique sont progressivement supplantés notamment par la Chine et la Russie. La première a des liens commerciaux avec le continent africain à hauteur de 254 milliards de dollars quand la deuxième y vend 40 % des armes importées. La France, elle, voit ses contrats résiliés, sa présence reculer : en l’espace de dix ans (2002-2022), le poids des parts de marché des entreprises françaises en Afrique est passé de 10,6 % à 4,4 %. Cette érosion coïncide avec une hostilité croissante et une volonté de nombreux pays africains de redéfinir leurs alliances au profit de nouveaux acteurs, souvent plus agressifs dans leur politique de coopération.

L’Afrique nous interroge encore sur la haine de soi qui irrigue les décisions politiques françaises. Notre pays se perd face à son histoire, adoptant une posture victimaire nuisible, mais aussi face à un avenir incertain dont elle préfère être un spectateur malheureux plutôt qu’un acteur courageux. Et face à cela, nos gouvernants consacrent davantage de temps et d’énergie à culpabiliser les Français sur le passé colonial qu’à mener une politique extérieure ambitieuse et à la hauteur de ce que fut la France, de ce qu’elle doit redevenir : une nation forte, capable, une nation qui va de l’avant. Une diplomatie forte et assumée nous permettrait de rebâtir des partenariats solides, basés sur des intérêts mutuels et une relation d’égal à égal, non plus sur un paternalisme condescendant ou une honte infondée. Mais tout cela semble échapper à l’État français.

Avant de répondre à la question du futur de la France en Afrique, attachons-nous à consolider le nôtre. Dans notre diplomatie comme en matière de politique intérieure, retrouver ce courage est primordial à notre subsistance, notamment en matière commerciale, à l’heure où les puissances étrangères comprennent la richesse de ce continent délaissé par les Européens, presque paralysés. Pour peser dans le monde en mutation plus rapide que les vieilles nations européennes étouffées par la bureaucratie et la bien-pensance, il est urgent de redevenir un acteur économique majeur. Cela implique des stratégies claires, une présence réaffirmée et une vision d’avenir.

Mais pour cela, il faut retrouver un courage, une ambition française et sortir de notre immobilisme. Les mots de Charles de Gaulle « La France ne peut être la France sans la grandeur » doivent résonner aux oreilles de nos dirigeants et se traduire en actes concrets, ambitieux, à la hauteur des enjeux vitaux qui nous attendent.

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