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Jean-Marie Le Pen et la malédiction de la droite française

Par Paul-Marie Coûteaux et Guillaume de Thieulloy

La mort de Jean-Marie Le Pen ne tourne pas seulement une page pour le Rassemblement national mais pour l’ensemble de la droite française. Il fut en effet, pendant plusieurs décennies, l’incarnation de l’étrange malédiction qui pèse sur la droite française depuis un demi-siècle. Chacun connaît le « piège mitterrandien » qui consistait en deux temps : d’abord aider à faire progresser spectaculairement le Front National, puis présenter comme impossible et même scandaleuse toute alliance entre lui et la droite dite « parlementaire ». Il suffisait de monter des opérations spectaculaires dans lesquelles le FN n’était pour rien mais dont on lui imputait la responsabilité (l’affaire de Carpentras en fut l’archétype) puis de décréter que toute
alliance avec un parti hostile à l’immigration de masse serait par nature immorale et que quiconque la rallierait sortirait de ce qu’on baptisa alors, fort bizarrement, « l’arc républicain ».
Ce vocable pose un sérieux problème lexical : on voit mal pourquoi les députés puis RN n’appartiendraient pas à la droite « parlementaire » ; on ne voit pas mieux pourquoi le FN ne serait pas « républicain » alors qu’il ne cesse de clamer son attachement aux institutions de la Ve République – bien plus que Jean-Luc Mélenchon dont nul, pourtant, ne nie le caractère « républicain ». Ce fut l’un des mérites de Jean-Marie Le Pen que d’avoir montré – bien souvent à son corps défendant – que la langue politique contemporaine n’était plus un instrument au service de la vérité, mais un instrument de domination totalitaire, la sinistre farce covidique étant l’un des symptômes de cette domination orwellienne. Le brio de l’élocution et la culture classique du vieux tribun tranchaient d’ailleurs cruellement sur les borborygmes liberticides et délibérément anti-nationaux du microcosme.

L’imposture du front républicain

La malédiction de la droite se constate également lorsque l’on mesure le fossé qui séparait un Jean-Marie Le Pen voyant de loin les problèmes démographiques colossaux qu’allait affronter la France par la faute de ses pseudo-élites (à la fois l’immigration massive et le suicide de la population française d’origine se battant désormais davantage pour l’avortement que pour la natalité, ou pourchassant davantage les jeunes « identitaires » qui entendent protéger les frontières que ceux qui les violent massivement…), et les nains de cette droite étrange qui, depuis cinquante ans, mène avec entrain la politique de la gauche : Giscard d’Estaing, Chirac et Sarkozy ne sont-ils pas, autant que Mitterrand, Hollande ou Macron, responsables de notre effondrement démographique et de l’invasion corrélative que nous subissons de plus en plus violemment ?

Enfin, cette malédiction se constate aussi quant aux caractères. Jean-Marie Le Pen fut l’un des rares hommes politiques de droite, sous la Ve République, à avoir un véritable tempérament de chef. Même si la chose déplaît autant aux gaullistes qu’aux anti-gaullistes, aux lepénistes qu’aux anti-lepénistes, on ne pourrait le comparer, sous cet aspect, qu’à Charles de Gaulle : tous deux avaient connu la guerre, étaient dotés d’une solide culture classique, d’une vision de l’histoire et donc de l’avenir de la France, finalement d’une énergie manquant cruellement à nos dirigeants. Cependant, les qualités de Jean-Marie Le Pen n’ont pourtant pas fait de lui l’homme d’État que la France était en droit d’espérer. Outre que le « tribun de la plèbe » porte une part de responsabilité dans sa propre diabolisation, on ne peut manquer de rappeler que le but d’un homme politique n’est pas seulement de participer avec brio au jeu électoral, mais d’accéder au pouvoir et de mener la politique qu’il juge bonne pour son pays. Jean-Marie Le Pen n’y parvint jamais. Ses adversaires socialo-communistes comme ses alliés naturels du RPR et de l’UDF, qui préfèrent s’unir aux premiers dans l’imposture du « front républicain » qu’à lui-même, portent bien sûr une écrasante responsabilité dans cet échec : mais lui-même n’est pas sans reproche : plutôt qu’un homme d’État, il préféra demeurer le potache président de la corpo de droit qu’il fut dans sa jeunesse. Cela faisait sans doute partie de son charme, mais n’était pas à la hauteur des brûlantes nécessités du salus patriæ. Pour ne prendre que l’exemple fameux du « détail », on peut juger que la meute qui se jeta sur lui cherchait le plus modeste prétexte pour le « diaboliser » – mais rien ne lui imposait d’y revenir à plusieurs reprises, donnant l’impression de s’amuser de sa propre disqualification. Accablante damnation : la droite française demeure orpheline d’un chef qui la conduise à la victoire et mène l’indispensable politique de restauration nationale que la France ne peut plus attendre longtemps. En attendant, la gauche, y compris dans ses composantes les plus totalitaires et les moins françaises, gouverne non seulement les institutions, mais jusqu’aux consciences – à moins qu’il ne faille conclure que la malédiction de la droite ne vienne des profondeurs de la modernité : depuis près de trois siècles les « progressistes » dictent les règles du jeu et rejettent ceux qui ne tiennent pas que toute innovation doive nécessairement s’imposer aux
traditions léguées par les siècles. Aussi longtemps que nous ne refuserons pas cette règle du jeu présentée comme incontournable, aucun espoir de relèvement durable ne sera envisageable : voilà bien la mission des « nouveaux conservateurs » français !

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