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Dissolution française d’Olivier Marleix

Par Francis Jubert

Préfacé par Michel Barnier et postfacé par la famille de l’auteur, Dissolution française s’impose d’emblée comme un testament politique d’une gravité poignante. Disparu tragiquement le 7 juillet 2025, après avoir remis les dernières corrections de son manuscrit, Olivier Marleix, ancien député Les Républicains d’Eure-et-Loir et président du groupe LR à l’Assemblée nationale de 2022 à 2024, y livre un récit sans concession des coulisses du pouvoir. 

Ce troisième ouvrage – après son best-seller Les Liquidateurs (2021) – n’est pas un simple bilan des tumultes du second quinquennat d’Emmanuel Macron, mais un verdict implacable sur l’effondrement d’un régime qui, en refusant toute relève, a précipité la République dans l’incertitude.

Une radiographie impitoyable du déclin macronien

Olivier Marleix ne se contente pas de chroniquer les crises qui ont émaillé ces années Macron – de la réforme des retraites à l’assurance-chômage, en passant par la gestion de la Covid et les débats sur l’immigration. Avec la précision d’un initié des arcanes législatifs, il dissèque la mécanique d’un pouvoir vertical, obsédé par le contrôle au point de sacrifier l’alternance elle-même. « Ce n’est pas tant l’adversité de l’opposition qui provoque la ruine d’un pouvoir, mais bien son incapacité à préparer la suite, à ouvrir la porte à une relève crédible quand le moment vient pour lui de passer la main », écrit-il. 

Le macronisme, loin d’être ébranlé par la vigueur de ses adversaires, s’est autodétruit par son refus d’institutionnaliser le partage des clés : une stratégie de fracturation qui a isolé le président de la République et ses proches, vidant le système de toute profondeur.

Ancien chef de file des Républicains à l’Assemblée, Olivier Marleix excelle dans l’art du portrait mordant. Il brosse des esquisses acides d’Élisabeth Borne, Marine Le Pen ou encore Michel Barnier lui-même, avec qui il a négocié des textes pivots. . Cela incluait des compromis cruciaux pour obtenir les voix LR sur des réformes sensibles, comme celles liées à la souveraineté ou à l’ordre public, où Michel Barnier était impliqué en tant que Premier ministre. Le livre Dissolution française lui-même évoque ces coulisses avec des anecdotes sur ses échanges avec le chef du Gouvernement.

« Vous avez voulu tout maîtriser, vous avez abandonné le sens », assène-t-il comme un reproche lancinant. Cette verticalité a rendu la majorité poreuse : lors de la dissolution de l’Assemblée en 2024 – un fait inédit depuis 1962 –, puis de la censure historique du gouvernement Barnier, aucune figure structurante n’était prête à endosser la responsabilité de prendre le relais. Le bloc central s’est ainsi fissuré en public, révélant une paralysie institutionnelle qu’Olivier Marleix décrit comme une « élimination par auto-destruction », et non un simple suicide politique.

Une  crise de la représentation

Au-delà de la dénonciation des dysfonctionnements, le livre interroge une faille plus profonde : la crise morale de la représentation. « La dissolution de 2024 a sonné la fin de règne et amorcé la pente de l’impuissance », note Olivier Marleix, qui pointe du doigt un exécutif vidé de son sens, devenu un spectacle sans contre-pouvoirs ni successeurs.

Il ne s’agit pas seulement de l’échec d’une présidence, mais de la lente agonie d’un modèle qui a écarté les potentiels héritiers, confiant l’essentiel à un cercle restreint. Entre les lignes, on devine l’ombre d’une violence silencieuse : celle d’un système qui, en se refermant sur soi, menace l’intérêt général et la continuité républicaine.

Ce qui confère à Dissolution française une intensité rare, c’est son équilibre entre gravité pamphlétaire et retenue introspective.  Feu Olivier Marleix,  que l’on connaissait plutôt discret en public, se livre ici avec une franchise pudique sur son engagement : attaché à une ligne gaulliste et conservatrice, il défend la souveraineté nationale, la rigueur budgétaire et les territoires ruraux. Il n’épargne pas non plus sa propre famille politique, livrant une autocritique lucide sur les faiblesses des Républicains face à la dérive ambiante. Son style, sobre et traversé d’anecdotes personnelles, replace la politique au cœur d’un destin collectif, loin des outrances des chroniques médiatiques.

Un appel au sursaut nécessaire

Si l’ouvrage excelle à décrire ce qui a failli – et à éclairer les coulisses d’une dissolution qui a « mis le feu au pays », comme l’écrit Olivier Marleix dans un extrait saisissant –, il reste plus descriptif que prescriptif. L’auteur esquisse à peine la cartographie d’un remède, se contentant d’insister sur l’urgence de préparer des relais, de transmettre l’esprit des institutions et d’ouvrir les portes à une alternance saine. « Ce qui menace les Français, c’est la faillite du pays », avertit-il avec une froideur qui glace. Ce n’est pas un règlement de comptes, mais un appel au sursaut : quand une coalition perd la main, un président domine sans horizon et un Parlement ne peut plus légiférer, c’est la démocratie qui chancelle, reléguée au rang de fiction.

Un jalon incontournable du débat publicDissolution française n’est pas qu’un réquisitoire contre le macronisme ; c’est une invitation à scruter les pratiques de tous les pouvoirs qui privilégient le contrôle à l’ouverture. Récit personnel vibrant d’anecdotes, analyse structurelle d’une rare acuité, cri d’alarme moral : ce livre posthume marque un jalon essentiel du débat français. À lire pour comprendre que, loin du tumulte des sondages, c’est souvent l’absence de transmission et la solitude du chef qui scellent la fin d’un modèle. Olivier Marleix n’a pas eu le temps de voir son verdict publié ; il nous incombe, à nous, de ne pas le reléguer au passé.

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