Par Valentin Gaure
Hier, au Zénith de Paris, la campagne de Valérie Pécresse est morte de froid. Tout simplement parce que rien de grand dans l’existence ne se fait sans passion ; des amours d’un soir aux épopées des grands peuples. Hier, la flamme s’est éteinte, délaissée par une candidate prisonnière de sa morne torpeur. Surtout, surtout : ne pas prendre de risque. Étrange biche que cette Pécresse, qui se laisse poursuivre par le chasseur sans même tenter de fuir ou de riposter. Comme une force qui se laisse dépérir, incapable d’un quelconque sursaut. Ce même sursaut qui manque tant à la France.
De but en blanc, un désastre. Visiblement, quelque chose l’empêche et la retient. Une pudeur ? Non, un glacis. Comme une allergie à l’émotion, au lyrisme, à la ferveur. Rien d’étonnant : elle s’est donné pour modèle Angela Merkel, chancelière ennuyeuse qui jouait à son peuple la lancinante sérénade des gestionnaires, qui convient si bien aux gens de RFA – davantage contribuables que citoyens. Les Allemands, c’est vrai, ne désirent rien tant que de ne pas être dérangés dans le confort molletonné de leurs pantoufles. Et comme tant et tant parmi nos élites, Madame Pécresse ne voit pas les criantes différences qui séparent les deux peuples du Rhin. Elle tente le copier-coller. Résultat : rien n’imprime.
Les Français, de leurs trente-mille villages qui sont comme autant de petits mondes, aspirent à en finir avec la placidité des couloirs de l’administration. Ils veulent – parfois même sans le savoir – retrouver l’épopée.
Et le conglomérat des LR, qui ferait mieux de s’appeler le MRP ou même le Parti Radical, reste de marbre. Les “ténors” ont la voix cassée. Pauvre est cette droite morose qui confond le sérieux avec la peur, la rigueur avec la naphtaline et la concorde avec la soumission. Ils écoutent consternés cette candidate à laquelle leur sort est désormais scellé – pour le pire. La voici qui scande, d’une voix éraillée, des slogans qui semblent échoués des catalogues publicitaires. Tout ça ne veut rien dire. Il y a les rimes hasardeuses de Hollande et les plasticités langagières de Macron. Gloubiboulga mièvre dans lequel on s’enfonce jusqu’à l’étouffement, à la manière des sables mouvants.
Valérie Pécresse n’y croit pas elle-même. Incapable de se dépasser, de sortir d’elle-même, elle semble comme éviscérée du cœur. Écrasée dans un décor grandiloquent, aveuglée par les lumières qui l’entourent, elle se noie dans le vacarme de ses mots creux. Son ombre se perd dans le blanc d’un drapeau vire au gris. Le public reste de glace à ses mensonges décatis et n’applaudit qu’à contretemps, davantage par pitié que par fidélité. De temps à autre, elle semble mirer son reflet dans le retour de la caméra. Dire qu’elle se rêvait actrice…
Perdue dans le Métaverse
Seule une phrase, une seule, suscite l’étonnement : “Une France connectée mais pas isolée devant son écran, perdue dans le Métaverse”. Valérie Pécresse est pourtant la chimère tout à fait conforme de l’humanité nouvelle que voudraient instaurer les ménestrels du numérique. Sans aspérités, sans émotions, sans failles ni humour, elle est semblable aux poupées nippones que s’offrent les Japonais prisonniers du numérique – rendus peureux des autres et de leur propre humanité. Une vague qui risque de submerger la France. Comment oublier les politiques de Valérie Pécresse en Île-de-France ? Celle-ci pousse depuis longtemps au télétravail massif et à l’enfermement numérique. Elle confie d’ailleurs à chaque jeune un ordinateur portatif. Les confinements et leurs inavouables séquelles ouvrent la voie à une génération nouvelle, amnésique du réel et amoureuse de ses écrans. L’humanité numérique est « En Marche ». Madame Pécresse est depuis longtemps son avocate.
En quittant la scène, Valérie Pécresse semblait sous le choc, presque absente à elle-même. Dans les transes, elle s’emportait, clamant “l’incandescence” du public. En fait d’incandescence, c’était plutôt le blizzard.