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Théâtre de l’Elysée : le spectacle continue

par Christian Vanneste 

 Reprenant Platon qui, voici 2 500 ans, prédisait déjà qu’une démocratie qui perdait de sa vitalité finissait fatalement en théâtrocratie, Michel Maffesoli affirmait dans nos colonnes que «les scènes politiques sont devenues éphémères, comme n’importe quel spectacle» (cf. Le Nouveau Conservateur n°7: Démocratie postmoderne ou théâtocratie?); Mario Vargas Llosa, dans La Civilisation du spectacle, réfutait semblablement «l’idée que le rôle qu’on fait jouer aujourd’hui aux hommes politiques ait quelque chose à voir avec leur lucidité ou leur intelligence. Il est dû exclusivement à leur présence médiatique et à leurs aptitudes histrioniques.» C’est désormais une évidence: la «forme démocratie» est devenue vide: notre peuple attend une autre forme de représentation et de pouvoir. Il est d’ailleurs ironique que les Français subissent un «résident de l’Elysée» dont la principale force est d’avoir fait du théâtre dès 14 ans sous la houlette de son professeur de théâtre devenue sa compagne puis sa femme – et que le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, fils d’un metteur en scène, ait pris des leçons de théâtre dès l’âge de neuf ans. Malheur à la Cité dont les Princes sont des comédiens! C’est ce que nous dit ici en substance Christian Vanneste, professeur de philosophie, qui fut longtemps un proche de Maurice Schumann, puis député RPR du Nord; il relate ici la longue séquence du changement de gouvernement qui marqua le début de l’année. (pmc).

Le jeune élève Macron fait de la politique un spectacle, une illusion destinée à masquer la réalité aux  Français. En France, des Gilets Jaunes aux agriculteurs, c’est souvent le cirque. L’Elysée et les quelques institutions annexes comme les Assemblées sont du théâtre, farce à gauche de l’Assemblée, tragi-comédie sur les autres bancs avec un Conseil Constitutionnel qui, deus ex machina, assure une « fin heureuse » au Président – qui, lui, se réserve les monologues. La diction est impeccable, le ton maîtrisé, le geste assuré. Mais le public se lasse et déserte les représentations, trop longues, trop narcissiques. Même un rendez-vous avec la Nation annoncé par les roulements de tambour médiatique n’est plus que le rendez-vous du Président avec lui-même, étalant au fil des questions téléphonées sa virtuosité à parler de tout avec aisance. Ce numéro n’a rien à voir avec la fonction présidentielle, qui doit fixer un cap et non s’embourber dans les détails : Narcisse cherche l’exploit qui rend ivre de soi. La Nation n’est pour lui, depuis longtemps, qu’une trace d’un passé qui doit s’effacer. Il doit accélérer sa disparition. Alors, beaucoup de Français découvrent que le pouvoir qu’ils endurent n’est qu’un village Potemkine, un mirage sans portée sur leur vie. Plus Macron règne en autocrate sur un pays dont il vampirise les institutions, moins la France pèse dans le monde, moins les Français se sentent protégés par un Etat obèse, tracassier et défaillant.

Simulacre d’un Etat de Droit.

Le nouveau Gouvernement nommé le 11 janvier n’est pas un changement de cap majeur. C’est  l’annonce d’une distribution en partie nouvelle pour l’épisode suivant du spectacle présidentiel, dont le clou sera les élections européennes.

Le second essai d’une femme Premier ministre n’a guère été plus fructueux que le précédent. Sèche et revêche, Mme Borne est un haut fonctionnaire qui a mené sa carrière à l’ombre du PS, du cabinet de Ségolène Royal jusqu’à Matignon, en passant par la RATP, l’un de ces grands postes que le Système refile à ses amis. Elle a rejoint la macronie dès 2017, comme tant de socialistes, qui retrouvaient chez Macron, passé par le PS, un progressisme sociétal particulièrement hostile au conservatisme, qu’elle même exècre viscéralement. Pour elle, le sociétal a remplacé le social, l’Europe a remplacé la France, le mondialisme a remplacé le patriotisme. Dénuée de la moindre vision, dépourvue de charisme, elle gouverna sans majorité parlementaire à coups de 49/3, trahissant l’esprit de la Ve République qui, certes, avait renforcé l’Exécutif, mais pas au point de mépriser le suffrage populaire et ses élus. La connivence du Conseil Constitutionnel donne à son nom un sens orwellien : un organisme qui, s’appliquant à fausser complètement l’esprit de la Constitution, est le contraire de ce que son nom annonce. La réforme des retraites passée sans vote, le recours au référendum d’initiative partagée issu de la réforme de 2008 évité furent suivis par la loi sur l’immigration dont l’écriture par le Parlement fut annulée par le Conseil Constitutionnel qui imposa le texte de l’exécutif. La France de Macron n’est plus qu’un simulacre d’Etat de droit.  

Attal, une jeunesse spectaculaire 

Face à la Bérézina annoncée aux Européennes, il fallait un coup de théâtre. Ce fut Attal et sa spectaculaire jeunesse. Le divertissement politique réclame une distribution séduisante. Personnage tout entier créé grâce à la complicité des médias, la seule force d’un pouvoir sans soutien populaire. Sur le fond, Attal reste dans la ligne socialiste. Pour la forme, il déchire l’affiche terne d’une femme triste et anxieuse et se projette sur la scène comme le jeune héros bougiste que la France attendait. Pas d’Arcole, mais l’abaya, la tenue islamique qu’il aurait bannie de l’école de la République. Son interdiction est une évidence de bon sens, mais la couardise générale à l’intérieur du mammouth et la complicité wokiste de Pap N’Diaye, son prédécesseur, la transforment en exploit. Le passage éphémère à l’Education nationale ne permet pas aux vrais problèmes de gâter l’auréole du prodige. Des annonces sur l’uniforme ou les redoublements évitent les sujets comme la chute des résultats nationaux au Pisa – cette enquête qui évalue les performances comparées des pays dans l’acquisition des compétences scolaires. On nomma Mme Oudéa-Castera sans étudier son profil : elle avait les Jeux olympiques dont on espérait que le prestige rejaillirait sur la ministre, qui n’aurait qu’à poursuivre l’action entamée par Attal. Patatras ! Cette  macronienne droit issue de la Caste, fille du directeur de Publicis, cousine de la tribu journalistique des Duhamel, mariée au président du CA de Sanofi, deviendra le boulet du remaniement : une gaffeuse en série ! La guerre scolaire fut presque rallumée contre le collège Stanislas devenu la cible de la gauche laïcarde, révélations sur un parcours très rémunérateur jusqu’à la Fédération Française de Tennis, où ses appointements mensuels auraient été de 35000 € par mois…

La nomination de Stéphane, l’ex-pacsé de Gabriel, à la tête du prestigieux Quai d’Orsay, accentue le soupçon d’un copinage général dans un réseau très étroit. Lui aussi est passé par le PS et les cabinets de gauche jusqu’à celui de Macron. Hélas, on découvrit bientôt que le successeur de Vergennes et de Couve de Murville parle français comme une vache espagnole au point de commettre des bévues embarrassantes (« garantir les souffrances des Palestiniens »). Il est vrai que la promotion d’un favori va de pair avec l’évident abaissement de la France sur la scène du monde…

Les intérêts convergents de MM. Sarkozy et Macron

Ces choix malheureux masquent l’essentiel: montrer à une France qui penche à droite que l’exécutif l’écoute. Côté jardin, on fait sortir des socialistes convertis, Veran, Dussopt. Côté cour entrent les prises de guerre : Catherine Vautrin, dont l’absence de conviction facilitait le choix, et Rachida Dati, la rivale de Mme Hidalgo, qui remplace la gauchiste Rima Abdul Malak à la Culture. Elle disait que la macronie rassemblait des traîtres de gauche et de droite : passant le gué, elle met en lumière la collusion qui alimente en sous-sol la macronie, non l’union de la droite et de la gauche, mais les intérêts convergents de Sarkozy et de Macron. Après la funeste ouverture à gauche, les Français préférèrent l’original. Après sa double défaite, devant les Français puis devant son parti (même pas 20% à la primaire de 2016), la série des procès l’a blessé, humilié. L’homme ne pense guère à la France, seulement préoccupé de ruminer sa vengeance : Darmanin hier, Dati aujourd’hui. Aurore Bergé mérite un caméléon d’honneur : elle est ministre de l’égalité hommes/femmes et de la lutte contre les discriminations après avoir été celle des solidarités et des familles ! Mais Mme Belloubet, bien ancrée à gauche montre bien que l’orientation reste à gauche.

Quel sens donner en définitive au nouveau Gouvernement ? Alors que les peuples européens se réveillent, l’oligarchie progressiste qui accélère le naufrage de nos nations a désigné le futur gestionnaire du désastre. M. Attal coche toutes les cases du candidat idéal, européiste, mondialiste, chantre du progressisme sociétal qui, à l’Assemblée, en affirme sa pratique personnelle. Il est comme Macron Young global leader de Davos, participe aux conclaves du groupe de Bilderberg. Macron a trouvé son clone. Dans l’immédiat, leur but est limité aux Européennes. Il consiste à noyer ce vote dans la menace russe sur l’Europe en espérant le même effet que pour la présidentielle. Cette tactique a le mérite de désigner le RN comme le complice de Moscou, couvrant au passage la révolte paysanne qui souligne si bien les méfaits de l’UE. 

Du théâtre réduit à la dimension d’un théâtre de poche : la France ne joue plus sur la scène mondiale. Partout ses dirigeants suscitent le mépris, au point que la puissance déclinante tend sa sébile au Qatar : les grands acteurs ont des cachets, les mauvais font la quête.

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