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Marion Maréchal : « Aidez-nous à vivre, pas à mourir ! »

Mesdames, Messieurs,

Nous arrivons au terme de cette convention sur la légalisation de l’euthanasie, convention qui entend être une réponse à l’avis favorable rendu cette semaine par la « Convention citoyenne ». Je tiens, au nom de nos mouvements respectifs, Reconquête ! le Mouvement Conservateur et Via | la voie du peuple, à remercier l’ensemble des intervenants pour la qualité de leurs analyses, qui ont apporté leur éclairage sur un sujet délicat, complexe mais non moins essentiel. Merci à tous de nous permettre de réfléchir au-delà de l’opinion ambiante et de nous aider à porter un regard critique sur des arguments ont l’air évidents et simples, et hélas dominants dans l’espace public.

Nous les connaissons, ces arguments : si une personne choisit de mourir, au nom de quoi remettre en cause sa volonté ? Chacun n’a-t-il pas le droit de mourir dans la dignité ? Finalement, ce droit offre une possibilité sans rien enlever à personne, alors pourquoi s’y opposer ? On demande à pouvoir tuer par amour, par compassion, mais on oublie que, derrière cette demande, il y a aussi de la peur. La peur de souffrir, peur de dépendre des autres, peur de ne pouvoir choisir dans une société où la liberté individuelle est érigée en valeur absolue. Même les chiffres semblent contre nous : 75 % des Français seraient favorables à l’euthanasie selon un sondage du journal La Croix. Et pourtant, ce même sondage révèle que, dans les unités de soins palliatifs, ces fameux services médicaux d’accompagnement des personnes en fin de vie, 97 % des malades et 85 % des soignants y sont opposés. Eh bien, que faut-il comprendre ? Que ce sont les bien portants et ceux qui ne sont pas concernés qui sont favorables à l’euthanasie !

Notre société met tout en œuvre pour sauver une personne qui veut sauter du haut d’un pont ou se jeter sous les rails d’un train, elle alerte immédiatement ses pompiers et envoie ses ambulances, elle encense le citoyen courageux qui aura entravé le geste de désespoir. Mais quand une personne réclame la mort dans un lit d’hôpital, alors là, la même société veut tendre la piqûre mortelle. Mais que s’est-il passé pour que notre société se résigne sur ce point ? La plupart des gens imaginent que cette loi ne concernera que les personnes âgées, malades, incurables, condamnées à mourir à court terme. Cela n’est pas la réalité des expériences dans les pays ayant déjà légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté. Pour une raison simple : la légalisation de l’euthanasie n’est pas une simple évolution législative, mais bien une véritable rupture anthropologique. Une fois l’interdit de tuer remis en cause, une fois ce principe fondamental de notre vie en commun renversé, la dérive est inéluctable.

Pour 75 % des Français, la fin de vie est donc la suivante : être d’abord maltraités dans ces EHPAD que l’Etat laisse à l’abandon, puis la mort dans un hôpital inadapté et sous-doté de soignants.

On sait où cela commence, jamais où cela finit. D’un cadre légal le plus souvent restrictif et assorti de conditions, les pays qui ont légalisé l’euthanasie ont petit à petit dérivé. En Belgique, on peut maintenant demander la mort en cas de maladie psychiatrique ; au Canada, la loi de 2016 cantonnait le droit à l’euthanasie aux situations de fin de vie à brève échéance mais, depuis 2021, toute personne physiquement handicapée ou atteinte d’une maladie chronique est désormais éligible à l’euthanasie. Aux Pays-Bas, premier pays au monde à avoir légalisé l’euthanasie, des personnes souffrant de troubles psychiatriques, de démence et d’autisme sévère mais aussi des mineurs peuvent demander l’euthanasie.Les conséquences sont dramatiquement concrètes : en 2023 en Belgique, une femme de 50 ans, mère de famille, violée en 2016 et traumatisée par cette agression, a été « euthanasiée ». En 2022, en Belgique toujours, une jeune femme de 23 ans, victime des attentats islamistes de 2016, a été euthanasiée pour cause de « souffrance psychologique insupportable ». En France, Olympe, youtubeuse de 23 ans qui souffre de trouble dissociatif de l’identité, a annoncé avoir fait une demande d’euthanasie en Belgique. Voici le résultat quand une société fait le choix de la mort plutôt que des soins, de la soi-disant « autonomie » plutôt que de la solidarité. Pire encore, ce qu’on présentait alors comme une pratique marginale est en progression constante dans ces pays ! Au Pays-Bas, le nombre d’euthanasies a été multiplié par 4 depuis la légalisation. En Belgique, la part des euthanasies dans un contexte où la mort n’est pas attendue à brève échéance est passée de 9 % des cas en 2010 à 16 % en 2021. Le nombre d’euthanasies a littéralement décuplé depuis la législation. Or, cette trajectoire était prévisible.

L’argument pour autoriser l’homicide est celui du respect de la volonté. Dans cette logique, pourquoi seule la volonté du mourant devrait être respectée ? Si on la suit, pourquoi la volonté d’un malade, d’un handicapé, d’un enfant devrait être entravée ? L’autre question est de savoir si cette volonté s’exerce de façon totalement libre. La vérité est que ce projet de loi, sous couvert de bons sentiments, est d’une monstrueuse perversité. Elle envoie un message douloureux à tous ceux qui vivent dans une grande vulnérabilité, et qui parfois sont tentés de « démissionner de la vie », selon les mots d’une personne handicapée. On leur envoie le signal de leur inutilité en leur disant qu’ils entrent dans les cases des personnes dont la dignité est jugée suffisamment dégradée pour qu’ils meurent. « Mourir dans la dignité » est un slogan sous forme d’insulte pour tous ceux que nous devons convaincre de la valeur de leur vie. Ce message risque de les enfermer dans une situation où il leur sera difficile de refuser la mort. Il faut imaginer que ces personnes fragiles ont bien souvent le sentiment d’être un fardeau psychologique et un poids économique pour leurs proches. En leur offrant la possibilité de mourir, on risque de faire peser sur elles une sorte de culpabilité de rester en vie. On inverse alors la charge de la responsabilité : alors que c’est à la société de se sentir coupable de ne pas accompagner et soulager ces personnes. Avec la légalisation de l’euthanasie, ce seront nos malades, nos vieux, nos handicapés qui se sentiront coupables de s’imposer à la société. Il n’y a qu’un pas à vouloir quitter ce monde par amour pour les siens. Et c’est le Gouvernement qui va les y pousser, et de par la Loi !

Dans un documentaire produit par Bernard de la Villardière en 2023, des soignants expliquent qu’ils observent une pression sociale sur les patients vulnérables dont la vie ne vaudrait plus le coup d’être vécue. Le premier rapport annuel du Canada sur l’euthanasie souligne qu’un nombre sans cesse croissant des candidats à l’euthanasie « mentionne le fait d’être une charge pour sa famille ou ses proches comme motif de la demande ». On propose la mort, mais cette proposition glisse bien souvent vers une sourde incitation à consentir à sa mise à mort.

Comment ne pas y être incité quand vous vivez en souffrance dans des déserts médicaux, loin de tout médecin pour vous soulager, que vous n’avez pas les moyens de vous payer une bonne maison de retraite ni une clinique privée, que votre petite retraite ne vous permet pas de subvenir à vos besoins et que nous ne pouvez pas vous appuyer sur vos proches qui n’arrivent déjà pas à boucler les fins de mois ? En fait, cette incitation, elle sera d’abord pour les plus pauvres. Le grave délabrement de la santé publique deviendra de surcroît une incitation à l’euthanasie. Il y a en France, d’après l’Inspection générale des affaires sociales, 311 000 personnes nécessitant des soins palliatifs, pour 7 500 lits de soins palliatifs ; 26 % des départements français, un hôpital sur quatre, n’en sont même pas pourvus. La situation est tout aussi dramatique pour les services psychiatriques, sans parler des services d’urgence. Pour 75 % des Français, la fin de vie est donc la suivante : être d’abord maltraités dans ces EHPAD que l’Etat laisse à l’abandon, puis la mort dans un hôpital inadapté et sous-doté de soignants. « Au début, les gens demandaient l’euthanasie par peur d’une mort atroce.

La légalisation de l’euthanasie n’est pas une simple évolution législative, mais une rupture anthropologique. Une fois remis en cause l’interdit de tuer, une fois ce principe fondamental renversé, la dérive est inéluctable. On sait où cela commence, jamais où cela finit.

Aujourd’hui, beaucoup la réclament par peur d’une vie atroce. Ils craignent moins la douleur et l’agonie qu’une existence douloureuse », résume le Dr. néerlandais Theo Boer, initialement favorable à l’euthanasie mais aujourd’hui militant contre. C’est en cela que le Gouvernement est immoral et irresponsable à choisir la facilité de la mort, plutôt que l’exigence du soin, de la solidarité, des services publics. La juste réponse à la fin de vie n’est rien d’autre que les soins palliatifs. Le rôle du politique est donc d’abord de mettre en place les politiques publiques qui nous aideront à faire face au déclin de nos capacités physiques par un accompagnement adapté, qui faciliteront l’aide de notre entourage, prévoiront des établissements capables d’apporter les soins attendus, investiront dans l’accompagnement et l’insertion des personnes handicapées. Plutôt que l’annonce d’une loi sur l’euthanasie, on attendait plutôt une grande loi sur la dépendance. Plutôt qu’un droit opposable à l’euthanasie, on aurait préféré un droit opposable à l’accès aux soins palliatifs.

Comme le rappelle le professeur belge Timothy Devos, « l’euthanasie et les soins palliatifs ne sont pas compatibles ». L’interdiction du meurtre va au-delà de la morale, elle nous pousse à trouver des solutions alternatives, être inventifs. C’est justement parce que l’euthanasie est interdite que l’on a développé les soins palliatifs. On a voulu soulager physiquement, moralement, psychologiquement, spirituellement même. On a proposé des médecines complémentaires et des distractions. Pourquoi une telle énergie, pourquoi une telle créativité, pourquoi une telle compassion si l’on ouvre la porte au droit, de plus économiquement rationnel, de donner la mort ? Ces deux cultures s’affrontent, ces deux modèles ne peuvent véritablement cohabiter.

En conclusion, je m’efface derrière les mots de Philippe Pozzo di Borgo, tétraplégique depuis 30 ans : « Nous sommes incontinents, souffrants, paralysés ou désorientés, porteurs de handicaps ou de maladies invalidantes, victimes des séquelles d’accidents, traumatisés crâniens ou malades psychiques. Tous, nous nous sentons encore plus fragilisés par ce débat. Regardons les choses en face : beaucoup de « bien portants » nous décrètent malheureux sans même nous connaître. Ils préféreraient ne plus vivre que de vivre avec nos incapacités. Mais qu’en savent-ils ? Que savent-ils du chemin que nous avons fait pour consentir à notre situation ? Que savent-ils des ressources vitales que nos épreuves ont révélées, malgré nos souffrances ? Il faut nous approcher pour nous connaître. Il faut prendre du temps, renoncer à la peur et à une certaine pitié qui ne nous aide pas. Ont-ils conscience du message d’exclusion qu’ils nous envoient ?

Alors que nous nous battons au quotidien, faudrait-il renoncer au courage de vivre ? Chers concitoyens qui réfléchissez à la fin de vie avec toute la force de notre fragilité, nous vous le demandons pour le bien de tous : ne poussez pas les plus fragiles et ceux qui les entourent à la désespérance, au suicide ou à l’euthanasie. Protégez-les d’une prétendue « liberté de mourir » qui les presserait de quitter notre monde. Réaffirmez le droit de chacun d’être aidé à vivre, et jamais à mourir. Alors, la société que nous construisons ensemble sera plus humaine. Aidez-nous à vivre, pas à mourir ! »

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