par Christophe Bentz, député de Haute-Marne – apparenté RN
Christophe Bentz, élu député de la Haute[1]Marne en juin dernier, présente, bien qu’il soit encore fort jeune (il a 35 ans), un parcours exemplaire ; très jeune président des Jeunes MPF, il fut ensuite délégué général du Parti Chrétien-Démocrate (PCD), devenu VIA | la voie du peuple, puis fut élu avec cette étiquette en 2020 à Saint-Germain-en-Laye, devenant le chef de file très actif de l’opposition municipale ; par-dessus tout, il a la particularité d’être le seul député non membre du Rassemblement national qui siège au groupe RN à l’Assemblée Nationale. Catholique revendiqué, ardent défenseur de la Civilisation Chrétienne contre les avancées du wokisme et les emballements du transhumanisme, il s’est souvent signalé par ses prises de position en faveur d’alliances électorales entre les droites. Pour toutes ces raisons, il était normal d’ouvrir avec lui cette triade en faveur de l’unité des nationaux. Il avait, comme les deux autres personnalités que nous avons choisies, « carte blanche » pour traiter un sujet de son choix : il a choisi de traiter de l’organisation territoriale à l’heure où l’Etat rogne de tous côtés ce qui reste des libertés municipales.
Inspiré par les recommandations de la Commission pour la libération de la croissance française lancée en 2008 par Nicolas Sarkozy, dont la présidence fut confiée à Jacques Attali et dont le jeune Emmanuel Macron fut nommé Rapporteur général adjoint, ce que l’on a appelé « l’Acte III de la décentralisation », principalement la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République), a fait la part belle à une représentation calculée du territoire, reposant sur des indices de performance et de rationalité budgétaire, et non sur l’efficacité, le principe de réalité et le bon sens. Cette loi, adoptée en 2015 sous la Présidence de François Hollande, a considérablement transformé et bouleversé les fondements de l’organisation territoriale française et le fonctionnement des collectivités. Nous avons aujourd’hui assez de recul pour constater ses conséquences délétères pour l’ensemble des collectivités et en particulier pour les communes rurales.
La loi NOTRe est devenue le symbole d’une politique territoriale déconnectée et à bout de souffle, l’aboutissement d’un troisième acte raté de décentralisation. Alors que l’intention initiale affichée par le gouvernement Valls en 2015 était de simplifier le mille-feuille territorial, clarifier les compétences des différents échelons et effectuer des économies d’échelles, dans la réalité c’est tout l’inverse qui s’est produit. Abandonnant les grands principes de la décentralisation, la libre administration et l’autonomie des collectivités locales, l’Etat a failli dans sa mission de rapprocher le processus de décision publique des citoyens et de maintenir un maillage serré de services publics dans l’ensemble du pays.
En corollaire, l’Etat a aussi abandonné toute vision structurante d’aménagement du territoire. La résurgence actuelle de ce débat est due à l’application douloureuse de dispositions le plus souvent iniques pour la majorité des collectivités locales. Actuellement, c’est le transfert obligatoire de la compétence « Eau et assainissement » vers les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) au 1er janvier 2026 qui préoccupe légitimement les élus locaux. De très nombreux maires attendent de la puissance publique une réaction et une modification de la loi, pour en changer l’esprit et en corriger les trop nombreuses erreurs. Nous devons entendre leurs inquiétudes.
Les maires se sentent dépossédés de leurs pouvoirs alors même qu’ils sont des élus légitimes et de proximité
Par ailleurs, en rendant obligatoire le rattachement des communes à un ensemble intercommunal, la loi NOTRe a entraîné une révision des schémas départementaux de coopération intercommunale vers des EPCI de plus en plus grands et a ainsi éloigné la décision des territoires et des réalités vécues au quotidien. Si certains projets nécessitent d’être pensés sur un territoire plus large que la commune et de disposer d’une plus grande capacité d’investissement (projets touristiques, voirie, investissements économiques, etc.), l’intercommunalisme forcé, notamment en zone rurale, a constitué une erreur institutionnelle majeure, aux conséquences graves. En premier lieu, il a induit une remise en cause de la démocratie de proximité. De nombreux élus perçoivent davantage, et à raison, le conseil communautaire comme une chambre d’enregistrement où tout se décide en marge de leurs intérêts – la décision finale appartenant aux élus des communes-centres et à une bureaucratie centrale. Les derniers textes législatifs, tels que la loi n°2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, visant à supprimer certains « irritants » de la loi NOTRe, n’ont rien changé. Les maires se sentent dépossédés de leurs pouvoirs alors même qu’ils sont des élus légitimes et de proximité. Ensuite, il convient d’insister sur le manque de pertinence de l’échelon intercommunal pour certaines politiques publiques : on peut citer en exemple les conséquences induites par le transfert de la compétence « urbanisme ». En effet, le cadre du PLUi est souvent inspiré par les problématiques urbaines, mais ne correspond nullement à celles des communes rurales. Enfin, sur un plan financier, les communes, déjà étranglées financièrement par la baisse puis le gel des dotations durant la précédente décennie et par les réformes fiscales, doivent composer avec la perte de certains avantages comparatifs : par exemple, nombre de communautés de communes ont dû confier à des entreprises privées d’envergure (type Suez) des prestations assurées auparavant par des membres de la commune ou des entreprises locales. Le prix du mètre cube a donc fortement augmenté. Et cette évolution est accentuée quand l’eau sort de la source dans un état qui ne nécessite aucun traitement particulier – comme dans beaucoup de communes rurales. La tarification commune est donc une aberration.
Nous sommes attachés au principe de subsidiarité
Quant aux économies d’échelle promises, elles n’ont jamais eu lieu ; bien au contraire ! C’est ce qui ressort des travaux de la Direction générale des Collectivités locales (DGCL) qui démontre, dans une étude de janvier 2023, que les communes urbaines présentent un ratio de dépenses réelles de fonctionnement de 1 174 euros par habitant « DGF » contre 652 euros pour les communes rurales. En tentant d’éliminer le modèle traditionnel de l’organisation territoriale française reposant sur la commune, le département et la nation, les tenants de cette loi ont gravement fragilisé le maillage et le fonctionnement de nos collectivités de proximité. Par des réformes d’essence purement technocratiques, ils ont consacré cette « décentralisation centralisée », dénoncée par le géographe Gérard-François Dumont. Pour notre part, attachés au principe de subsidiarité, nous entendons redonner un véritable pouvoir d’action à nos communes qui assurent un travail considérable, concret et peu coûteux au service du bien commun. La qualité du service public décroît là où l’idée de proximité est abandonnée. L’autorité intercommunale, dont les limites ont été précédemment évoquées, ne peut se substituer au premier des élus : le maire. L’article unique de cette proposition de loi prévoit donc que les maires, après délibération de leur conseil municipal, disposent librement du pouvoir de transférer ou non une compétence vers les EPCI, l’échelon municipal restant sans conteste celui de l’efficacité et de la proximité.
Retrouvez la suite de cette analyse dans le numéro X du Nouveau Conservateur