0,00 EUR

Votre panier est vide.

Emmanuel Macron : un authentique révolutionnaire

Par Louis Anders

 Le fait passe inaperçu et pourtant il est indéniable: en Occident, de nombreux responsables politiques et financiers appellent à une Révolution et cela depuis des décennies. Emmanuel Macron, auteur d’un seul ouvrage qu’il a très significativement nommé Révolution, est une figure de ces oligarchies mondiales qui ont rêvé d’un nouveau monde au XXe siècle et qui sentent que les potentialités de la science et de la technique leur donnent à présent les moyens de le transformer radicalement. Leurs écrits révèlent d’ailleurs un état d’esprit, au sens propre révolutionnaire. Nous remercions l’auteur, journaliste professionnel, d’avoir confié en exclusivité au Nouveau Conservateur ce texte qu’il nomme «petite analyse non exhaustive»  mais qui  place fort bien Emmanuel Macron sous son véritable éclairage.

C’est un tort de ne pas lire les livres électoraux que les candidats signent avant les scrutins. Car ils s’adressent tout autant au grand public qu’aux réseaux médiatiques et financiers dont ils escomptent un soutien. Et, s’ils sont souvent rédigés à plusieurs mains, ils n’en demeurent pas moins relus et corrigés par leur auteur. C’est un passage quasi obligé pour concourir aux grandes élections et l’actuel président de la République française n’a pas dérogé à la règle. C’est ainsi que, à la fin de l’année 2016, Emmanuel Macron faisait publier un livre au titre révélateur : Révolution.

« Réinventer notre pays»

Dans ce petit ouvrage, Emmanuel Macron décrivait sa jeunesse (d’ailleurs de manière relativement floue), développait des idées programmatiques, annonçait des « transformations profondes ». Selon Emmanuel Macron, il était nécessaire de «réinventer notre pays», car «nous sommes entrés dans une nouvelle ère», et d’engager sans détour une « conversion ». Conversion à quoi ? A une révolution numérique qui chamboulerait nos imaginaires, écrivait-il, une révolution écologique censée transformer nos campagnes, une révolution technologique qui «nous oblige tous».

Cette conversion doit aussi être celle de la construction européenne : les chapitres qui y sont consacrés sont les plus importants du livre, les plus précis aussi. «Ce que je propose, c’est de lancer un budget de la zone euro qui financera les investissements communs (…). Pour cela, il faut un responsable, un ministre des Finances de la zone euro». Avancer dans la constitution d’un grand Etat continental est une gageure : «la France a une responsabilité immense. Si nous voulons convaincre nos partenaires allemands d’avancer, il nous faut impérativement nous réformer». Ou encore : «Ce combat pour l’Europe est l’un des plus essentiels pour le prochain président». Le calendrier était fixé : il fallait attendre « la fin des élections allemandes à l’automne 2017 ». Une mesure comme la suppression du droit de veto au Conseil européen était déjà annoncée par le futur président.

Mais l’Etat Européen ne semble qu’une étape dans la tête du président français : «Nos grands défis contemporains sont mondiaux». Cette «grande transformation» (terme répété plusieurs fois) doit s’accompagner d’un bouleversement de nos limites administratives. Il appelle ainsi à «une nouvelle organisation administrative et politique française (…). Dans les grandes régions qui viennent de se former, il serait naturel d’articuler un couple région-métropoles». Ces projets supposent «de mener nos politiques à la bonne échelle. Une échelle nécessairement plus large, donc intercommunale». Peut-être faudra-t-il aussi regrouper des départements, avançait-t-il.

La lecture de ce petit écrit peut étonner. Par exemple, Emmanuel Macron pose un constat assez lucide sur la désindustrialisation, le déséquilibre du marché du travail ou la crise du logement et relie parfois ces phénomènes aux conséquences économiques (comme la concurrence déloyale) ou humaines (l’immigration) du démantèlement des frontières. Pour autant, il expose clairement – jusqu’à l’obsession – son rejet des barrières de toutes sortes. Sur le plan économique, l’ancien associé-gérant de la Banque Rothschild vitupère ceux «qui poursuivent les chimères de la fermeture des frontières et d’un pays d’ateliers nationaux financés par l’opération du Saint-Esprit», tout en louant «cette mondialisation qui s’est accélérée et intensifiée durant les dernières années grâce, en particulier, à l’essor de la finance internationale». Sur le plan social et identitaire, il s’emporte contre les partis politiques qui voudraient protéger les concitoyens «par les barrières, par les déchéances, par le fichage, par les camps»

«Nous créerons une véritable civilisation globale»

La vision de l’avenir y est très binaire : «Le clivage se situe aujourd’hui entre partisans de l’ouverture et tenants de la fermeture. Réformistes et progressistes, nous devons assumer la société d’ouverture». Et gare à ceux qui ne voudraient pas « embrasser la modernité » : ce sont des ennemis. «Cette France républicaine a des ennemis», terme cité pas moins de quatre fois et désignant notamment les mouvements souverainistes et, plus généralement, ce qu’il appelle «les conservateurs passéistes».

Ce logiciel de pensée est loin d’être nouveau dans les élites occidentales. On le trouve de façon récurrente dans divers mouvements du XXe siècle – près de nous, dans les années 70, dans les échanges du Club de Rome, cercle informel de hauts fonctionnaires et de financiers qui passe pour être le précurseur de la communication sur le réchauffement climatique d’origine anthropique. Le Club, qui n’a jamais caché ses désirs de planification mondiale depuis son premier rapport paru en 1972, publiait en 1991 The First global Revolution, « La première révolution mondiale ». L’URSS était en train de disparaitre et la voie était ouverte pour un nouveau monde : «Dans la recherche d’un nouvel ennemi pour nous unir, nous en sommes arrivés à l’idée que la pollution, la menace du réchauffement climatique, des pénuries d’eau, la famine et ainsi de suite… feraient l’affaire. Tous ces dangers sont causés par l’intervention humaine et ce n’est que par des changements de comportement qu’ils peuvent être surmontés. Le véritable ennemi est alors l’humanité elle-même», pouvait-on notamment y lire.

L’appel à la révolution s’est banalisé chez les élites. En mai 2020, le milliardaire anti-frontières George Soros, soutien de premier ordre de l’organisation United FIA qui appuie de nombreux groupuscules anti-identitaires, écrivait sur le très élitiste site élitiste Project-syndicate que «déjà avant la pandémie, j’avais réalisé que nous étions dans une période révolutionnaire où les choses impossibles ou même inconcevables en temps normal étaient devenues non seulement possibles, mais probablement absolument nécessaires».

Reset («réinitialiser le monde») l’autre nom de la Révolution

Ces dernières années ont vu fleurir un autre mot pour désigner la Révolution, directement emprunté au secteur informatique : le reset. Apparu pour la première fois en 2014 au Forum de Davos par la voix de Christine Lagarde, alors directrice générale du Fonds monétaire international, repris par le premier ministre canadien Justin Trudeau dans une vidéo tournée en 2020, le mot reset a été utilisé par le fondateur et directeur du Forum, Klaus Schwab, dans un livre paru en juillet 2020 (Covid 19: la Grande réinitialisation, écrit avec Thierry Malleret). Selon Schwab, la pandémie offrait «une rare mais étroite fenêtre d’opportunité pour réimaginer et réinitialiser notre monde». Une telle remise à plat économique, sociale et politique, était censée nous mener vers «une nouvelle ère de prospérité». Et les auteurs de prévenir : «Nous sommes à la croisée des chemins: une seule voie nous mènera vers un monde meilleur». Le texte renvoyait notamment à l’Agenda 2030 imaginé par les administrateurs du Forum.

Il y a 7 ans, le fondateur des réunions de Davos avait fait paraitre un autre ouvrage appelant une transformation radicale de l’Homme. Dans La Quatrième révolution industrielle, Klaus Schwab montrait sa fascination pour les nouvelles technologies qui, selon lui,  n’impliquaient « rien de moins qu’une transformation de l’humanité », et qui aboutiront « à une fusion des technologies des mondes physique, numérique et biologique ». Ces « changements révolutionnaires » pourraient voir « l’unité familiale traditionnelle remplacée par un réseau familial international ». Si le livre abordait diverses mutations possibles, alternant la conjugaison au futur et celle à l’impératif, il ne laissait pas planer de doute sur les intentions messianiques de l’auteur : « Nous créerons une véritable civilisation globale ».

L’une des têtes pensantes de Davos, Yuval Noah Harari, est encore plus radical. Ce maitre de conférences à l’université hébraïque de Jérusalem devint célèbre dans les pays anglo-saxons en 2014 avec Sapiens, livre qui prétendait présenter « une brève histoire de l’humanité ». Deux ans plus tard, il assurait pouvoir décrire notre futur dans Homo deus. Mais ce sont dans ses allocutions à Davos et diverses interviews filmées que son matérialisme eschatologique apparait avec le plus d’éclat. Selon cet intellectuel, les êtres humains seraient devenus « des animaux piratables (…). Toute cette idée selon laquelle les humains ont un esprit, une âme, un libre-arbitre, c’est terminé ». Avec la puissance de la donnée électronique, nous pourrions bientôt « ré-ingéniérer l’avenir de la vie (…). Si nous y parvenons vraiment, cela ne sera pas seulement la plus grande révolution dans l’histoire de l’humanité, ce sera la plus grande révolution en biologie depuis le tout début de la vie il y a quatre milliards d’années (…). Après quatre milliards d’années façonnées par la sélection naturelle, nous entrons dans l’ère de la vie inorganique façonnée par l’intelligence ».

La suite de cette analyse est à retrouver dans le numéro XI du Nouveau Conservateur.

Voir aussi

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici