0,00 EUR

Votre panier est vide.

Vœux à tous nos lecteurs et abonnés

« Ne pas agir conformément à la raison  est contraire à la nature de Dieu »

Manuel Paléologue IIEmpereur de Byzance (1350-12425)

Il va sans dire que nous souhaitons une bonne année à tous nos lecteurs, ceux de notre revue comme ceux de ce site, ainsi qu’à tous nos abonnés; mais il est mieux de le dire : parmi tous les voeux que nous formons, au milieu des innombrables vicissitudes que les profonds dérèglements de notre civilisation infligent à chacune de nos vies, il importe que nous nous employons à préserver en nous mêmes, au long de ces prochains mois, assez de paix intérieure, de sérénité et de joie pour faire front, demeurer lucides et mieux servir la pérennité de la civilisation dont nous sommes les héritiers et devons être les garants. Que cette année nouvelle soit pour chacun de vous parsemée de joies, aussi bien de grandes joies que de petites joies -lesquelles, d’ailleurs, sont souvent aussi grandes que les grandes. Autre vœu : que nous sachions aussi reconnaître et accueillir les signes que multiplient autour de nous l’« obscure Providence ».

Parmi ces signes, il en est un, en ce début d’année, qui sollicite particulièrement notre intelligence : quelques heures avant son commencement, au matin du 31 décembre 2022, mourrait Joseph Ratzinger, devenu Pape en 2006 sous le nom de Benoît XVI, conclusion inattendue d’une année de déboires et de de tristesse dont l’annonce de cette disparition restera comme un ultime emblème. De ce fait, la grande figure de ce Pape hors-pair, qui fut avant tout un penseur profond de notre monde, de ses errances comme des éclairages que peuvent lui apporter les lumières de la foi chrétienne, domine les premiers pas de l’année qui s’ouvre. Ces lignes sont écrites le jeudi 5 janvier, quelques heures après la célébration des funérailles du Pape défunt, dont la mort a suscité d’innombrables commentaires, souvent controuvés, particulièrement dans les médias officiels.

Un des commentateurs que cette disparition était « celle du dernier pape de l’Europe Chrétienne » ( France-Inter -Journal de 13h du 5 janvier). La formule, sans doute empreinte de malveillance, est rude ; du moins situe-t-elle le défi qui nous est lancé : Benoît XVI fut il le dernier Pape de l’Europe Chrétienne ? Peut-être oui, peut-être non. Cependant, la réponse que donnera l’Histoire dépend de nous, spécialement de ceux qui sont, et doivent être de plus en plus intensément, catholiques et Français, la France étant dite depuis des siècles «  fille de l’Eglise » de Rome – selon une formule consacrée qui a sa part de vérité, sans nous dire pour autant qui,, de la France, est alors le Père. On pourrait considérer qu’elle est aussi la fille de la Raison. Pour mieux situer la dimension de cet enjeu, nous publions ici la page de journal que notre directeur Paul-Marie Coûteaux a consacrée à cet évènement, page dans laquelle il montre, dans le sillage intellectuel du pape défunt, que les deux parents de la France, la Foi et la Raison, doivent, pour nous autres conservateurs français, être regardés comme unis, l’être de plus en plus. Un autre voeu pour l’an de grâce deux mil vingt trois ! 

      Extrait du journal de pmc ( dont l’intégralité de l’année 2022 sera lise en ligne prochainement)

Samedi 31 janvier – Paris. Au réveil, j’apprends la mort de Benoît XVI, Joseph Ratzinger, presque dix ans après son étonnante renonciation au trône de saint Pierre. De ce Pape exaltant, qui avait su redonner à la Chrétienté la dimension combattante qui lui manquait et que, point qui explique tout, l’implacable logique du monde moderne n’avait jamais acceptée, que de choses à dire ! 

Sur son legs intellectuel d’abord : car, si ce pontificat magnifique mais trop court (huit ans, dont la preuve fut faite qu’il aurait pu être bien plus long ), a revitalisé l’Eglise, c’est par l’oeuvre de la pensée, par des discours marquants et des écrits innombrables et souvent audacieux (ce fut le Pape le plus prolifique de l’histoire) , comme Jean-Paul l’avait fait par l’énergie conquérante et un don de communication qui venait du coeur – il faut en effet associer les deux papes dans une même oeuvre de reconquête qui aurait pu sortir l’Eglise romaine de ses tâtonnements, lesquels sont mortels tant est agressive la modernité impériale et matérialiste qui redoute et combat le message évangélique – si âprement qu’il ne fut point étonnant que, par des tours dont on apprendra un jour les secrets, il dut finalement renoncer. Sa renonciation fut une victoire du matérialisme; donc, pour la Tradition, un échec l’élection de son successeur en fut un autre, sa mort un inconsolable chagrin comme le fut aussi l’abandon, aussitôt après son retrait de ces petits chaussons rouges qui m’avaient tant frappé, en 2008, lorsque je fus invité, avec quelques centaines de « personnalités représentatives du monde la culture » ( journée pleine d’émotion, pour moi) à la conférence inaugurale qu’il prononça aux Bernardins -sur laquelle j’aimerais un jour revenir, ne serait-ce que pour approfondir l’importance, toute grecque, de l’esthétique, notamment dans la liturgie, point sur lequel il était inévitable que ce philosophe insistât constamment, allant jusque’à écrire dans ses mémoires : « « la crise de l’Eglise repose largement sur la désintégration de la liturgie »…

  Je ne sais quelle exégèse de son oeuvre philosophique (j’emploie ce mot après avoir hésité mais le fait à dessein) fait aujourd’hui autorité, ni même s’il en est une – me souvenant que mon vieil ami Hervé Coutau-Bégarie en préparait une, qui accaparait ses derniers forces et qu’il laissa inachevée quand la mort le faucha en 2012; c’est de conversations avec lui que me vint, avant même qu’il ne fût Pape, mon admiration pour ce théologien absolument nécessaire, et me bornerai à témoigner ce que je dois à l’un des plus grands de ses discours, prononcé en allemand dans sa Bavière natale, à Ratisbonne exactement, en septembre 2006, et relatif d’abord à l’Université, dont il resta membre toute sa vie (comme il le fut de l’Institut de France) , puis au thème cardinal « foi et raison », centre de ses réflexions qui tendirent toujours à inclure la raison, plus précisément le logos grec, qu’il développait cette fois à la suite de l’empereur byzantin du XIVè siècle Manuel Paléologue II : « Ne pas agir conformément à la raison est contraire à la nature de Dieu ». Phrase formidable, qui délivre les Chrétiens, en tous les cas le chrétien hésitant que je suis, de l’espèce de tiraillement permanent entre, d’un côté la foi, celle du coeur et de l’intuition (la « foi du charbonnier », ou celle du contemplatif ) soit par l’intelligence flottante, qui veut croire que le monde invisible dépasse le monde visible, et, d’un autre côté la raison, la raison raisonnante dont je ne puis me déprendre et qui me retient si douloureusement d’admettre les mystères ( à commencer par celui de l’Immaculée Conception, si abscons à première vue ) et les miracles, mystères et miracles que, pour les admettre malgré tout, comme doit faire un Chrétien, j’ai obstinément besoin de transformer en symboles, c’est-à-dire d’intellectualiser, donc de tromper. Réconcilier Foi et Raison, dire, montrer et développer cette vérité nouvelle (pour moi), que, non seulement la foi ne se passe pas de la raison, à quoi je suis porté d’instinct, mais que, surtout, la raison ne se passe pas de la foi, voilà une réconciliation bienheureuse, que nous lui devons tous -et d’abord la France, qui est souvent dite « fille ainée de l’Eglise, formule consacrée qui ne dit pas qui est alors le père. Ne serait-ce pas, justement la Raison, c’est à dire la pensée, l’Université, les livres, et justement le Logos (λογος, en grec ) ? Que Foi et Raison restent unis, voilà bien l’un des enseignements majeurs que nous aura légué ce Pape majeur. 


Il y a mieux encore, pour alimenter ma gratitude : à Ratisbonne il rendit à la Raison son nom grec, Logos, réconciliant cette fois nos sources grecque et chrétienne et, surtout, posant la singularité, pour moi la supériorité, du christianisme face à  toute autre religion. « Au premier verset de la Genèse, écrivait-il, premier verset de toute la Bible, Jean a ouvert le prologue de son évangile par ces mots : « Au commencement était le λογος ». C’est exactement le mot employé par l’empereur. Dieu agit « σύν λόγω », avec logos. Logos désigne à la fois la raison et la parole – une raison qui est créatrice et capable de se communiquer, mais justement comme raison. Jean nous a ainsi fait don de la parole ultime de la notion biblique de Dieu, la parole par laquelle tous les chemins souvent difficiles et tortueux de la foi biblique parviennent à leur but et trouvent leur synthèse. Au commencement était le Logos et le Logos est Dieu, nous dit l’Évangéliste. La rencontre du message biblique et de la pensée grecque n’était pas le fait du hasard. La vision de saint Paul, à qui les chemins vers l’Asie se fermaient et qui ensuite vit un Macédonien lui apparaître et l’appeler : « Passe en Macédoine et viens à notre secours » (cf. Ac 16, 6-10) – cette vision peut être interprétée comme un condensé du rapprochement, porté par une nécessité intrinsèque, entre la foi biblique et le questionnement grec ».

Pas étonnant que les Musulmans, ainsi relégués au simple service d’un dogme, au commandement et, surtout à « l’inconnaissance » (pour dire les choses gentiment) aient rué dans les brancards – mon cousin, Alexandro de Lusignano, en poste à Rabat, qui voulut faire front aux insultes des islamistes aussitôt multipliées dans le monde musulman fut assassiné quelques jours plus tard à son domicile, avec sa femme – sujet d’un livre que je n’ai jamais achevé, je ne sais pourquoi…

L’essentiel, du moins l’essentiel pour l’époque, avait été dit : qu’il n’y a pas, mais pas du tout, équivalence entre les religions; et que l’on était fondés, nous autres Chrétiens, à préférer une religion qui fait saint celui qui raisonne et par le logos cherche et fait le Bien à celle qui sanctifie celui qui obéit aveuglement et tue au nom de son Dieu – c’est le fameux passage sur le djihad, repris du greco byzantin Paléologue disputant avec Khouri, défenseur de l’obéissance irrationnelle, passage qui dérangea tant le conformisme ambiant. Ah, ce pape, je l’ai aimé à la mesure de la détestation sourde que lui vouent les Modernes – telle cette Stéphanie le Bars qui écrit dans le Monde : « Son règne a déstabilisé le monde catholique, abîmé l’image de l’Eglise catholique à l’extérieur, laissé en friche nombre de chantiers, et en a ouvert d’autres, demeurés inachevés ». Pardi ! On a bien compris d’où était venues les flèches. Comme tout est clair !

Paul-Marie Coûteaux

Voir aussi

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici