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Prince Jean de France : « le Bien commun est d’abord un destin commun »

Par Paul-Marie Coûteaux

Chef de la Maison de France depuis la mort de son père Henri, disparu le 21 janvier 2019, SAR le Prince Jean de France prend progressivement sa place dans la vie politique nationale. Né en 1965, il épouse en 2009 Philomena de Tornos y Steinhart dont il a cinq enfants – l’aîné, Gaston, vient de fêter son douzième anniversaire. D’un naturel prudent, et quelquefois réservé, il intervient ponctuellement (dans les colonnes du Figaro, sur TVLibertés, ou encore sur son site https://comtedeparis. com/france-doit-retrouverautorite) sans jamais interférer avec l’actualité, mais reste inflexible sur les questions de principe, l’unité, la souveraineté et l’indépendance nationales. A l’approche de l’élection présidentielle où se joue l’incarnation, réussie ou manquée, du Bien Commun, nous avons eu à cœur de lui poser, sur cette notion cardinale, quelques questions, à l’occasion de l’une de ses visites à Paris, trop peu fréquentes selon ses partisans, lesquels jugent aussi trop rares ses interventions, ce qui n’en donne que plus de prix à l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder, et dont nous le remercions

Monseigneur, pensez-Vous qu’il soit possible de reprendre la question royale à partir de ce qui est à nos yeux le fondement de toute politique, la mise en œuvre d’un Bien Commun ?

La « question royale » comme vous dites, cher Paul-Marie, est intimement liée à la réalité du Bien Commun. Cette notion même de Bien Commun, si je prends l’image du soleil, permet en même temps d’éclairer la société dans son ensemble (le Bien du Tout de la Nation) et de protéger et « réchauffer » chacun (le Bien de chaque partie de ce Tout). La recherche et la réalisation de ce Bien-là, caractéristique de la res publica, la « chose publique », me paraît aujourd’hui indispensable pour conduire nos sociétés dans la bonne direction. Et qui de mieux pour ce faire que le prince impartial, « homme de tous parce qu’il n’est l’homme de personne », dont la conscience d’un intérêt supérieur lui évite toute sortes de dérives, comme celles que nous avons connues dans un passé récent, et que, hélas, nous connaissons encore ?

Il y a un vice, de moins en moins caché, de la « République » au sens moderne : celui qui veut être chef de l’Etat doit déployer une vaste palette de talents (ruser, mentir, flatter l’électorat, monter des « coups de communication »…), alors que gouverner suppose des qualités non seulement différentes mais inverses : savoir être distant, ne pas se perdre dans les proximités factices, savoir dire au peuple la vérité, vouloir le Bien Commun et pas seulement celui d’une clientèle qui vous a élu ou que l’on convoite pour être réélu, etc. La personnalité de M. Macron, bien plus apte à séduire qu’à gouverner, ne vous paraît-elle pas caricaturale ?

La question est intéressante, car l’élection est le premier argument mis en avant pour écarter la monarchie héréditaire. Or, elle ne va pas sans de multiples chausse-trappes, en effet ! De toutes façons, ainsi qu’il se voit dans d’autres pays comme l’Angleterre, rien n’empêche la dichotomie, la cohabitation d’un roi et d’autorités élues, celle du temps long (l’action de la famille royale) et celle de l’alternance (l’action du Gouvernement). Au contraire, et cela peut même être un apport réciproque : car aucun des deux temps, ni aucune des légitimités, la démocratique et l’historique, n’est ainsi laissé de côté. Cela fait d’ailleurs de ce pays, l’Angleterre, un pays libre et indépendant – caractère sans doute renforcé par son insularité. Mais les deux légitimités se combinent aussi harmonieusement dans d’autres pays : voyez aussi bien les monarchies du nord comme les Pays-Bas que celles du sud, comme l’Espagne. Pour ce qui est de la France et de nos derniers présidents, ils sont devenus à titre principal des communicants. Après avoir renoncé aux outils de notre souveraineté au profit de l’Europe et/ou de structures administratives externes ou internes, ils ont perdu bien des ressorts de l’autorité, laquelle est indispensable pour agir vraiment, au plein sens de ce terme.

Il y a un autre vice caché, dans l’actuelle « République » : celui qui accède à la fonction suprême est supposé « être l’homme de personne pour être celui de tous », comme disait de Gaulle ; or, il ne peut accéder à la fonction suprême que par un parti et, souvent, en étant l’homme d’un parti – c’est moins le cas d’Emmanuel Macron, encore qu’il soit issu du Parti Socialiste, que de F. Mitterrand, J. Chirac, N. Sarkozy ou F. Hollande… Ce vice est-il réparable ou est-il inhérent aux actuelles institutions ? N’est-ce pas là au fond le grand échec du général de Gaulle ?

Une partie de la réponse se trouve dans le paragraphe précédent lorsque j’évoque le temps long et le temps court. Pour le Chef de l’État, ne pas être tributaire de l’élection le met dans la posture qui doit être la sienne, au-dessus des partis. Quelque part, tous nos présidents ont cherché cette posture, sans jamais y parvenir vraiment. Ce fait, en lui-même très dommageable, est renforcé par la transformation du septennat en quinquennat (j’avais d’ailleurs publié une tribune sur ce sujet dans la Nouvelle Action Royaliste). Avec le quinquennat, se détacher d’un parti devient plus impossible encore. Ce n’est pas un rythme pour un chef d’État : d’abord, il se met dans une posture de Premier Ministre, obligé d’être au four et au moulin. Ensuite, que peut-il faire en cinq ans quand il lui faut déjà un an pour prendre le pouls du pays puis, à peine deux ans plus tard, une autre année, au moins, pour « préparer sa succession » ? Et tout cela avec un parlement qui ressemble de plus en plus à une chambre d’enregistrement. Ce n’est plus, en effet, un système politique capable de servir le Bien Commun, et de présider aux destinées d’un pays comme la France ! Un exemple : rappelez-vous que, il y a quelque temps, le ton est monté entre la France et l’Italie (sur la fermeture d’urgence de la frontière franco-italienne) au point que le Président de la République dut rappeler notre ambassadeur. Nous approchions alors des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, et l’on se demandait comment commémorer un tel événement en pareille circonstance. Comme il se trouve que Léonard de Vinci est enterré chez nous, à Amboise, j’ai proposé à M. Macron d’utiliser cette occasion et ce cadre pour réconcilier nos deux pays : si son homologue italien n’avait pas été, de par son statut constitutionnel, « au-dessus de la mêlée », jamais le Président de la République n’aurait pu l’inviter à Amboise ; la période était trop tendue. C’est pourtant là, à la faveur d’une visite d’Etat, que fut réalisée cette réconciliation.

Il semble bien que le Général de Gaulle ait vu la faille originelle de sa propre Constitution, puisque, au début des années 60, il a véritablement (bien des témoignages concordent) incité votre grand-père, Henri, à se présenter à l’élection de 1965. Avez-vous parlé de cet épisode avec votre grand-père ? N’y voyez-vous pas un aveu, par son auteur même, de l’incomplétude de notre Constitution ? A partir de 1965, et plus encore des législatives de 1967, de gaulle doit s’appuyer surtout sur sa majorité. Finie la fonction, ou la fiction, arbitrale !

Même si nous ne sommes jamais allés aussi loin dans nos échanges, mon grand-père, lorsque nous parlions de ce sujet, a toujours évoqué le glissement qui s’était opéré chez le Général de Gaulle entre sa position de départ, qui avait été de mettre constitutionnellement le Chef de l’État comme arbitre audessus de la mêlée, et sa décision de se présenter aux élections de 1965, c’estdire de rentrer en effet dans la logique majoritaire. N’est pas Franco qui veut pour remettre un roi à la tête de la France, et préserver une autorité centrale et installer une alternance et des élections (ce qu’a permis le Roi), faisant leur place au temps court, un gouvernement, un premier ministre procédant, lui, d’une majorité parlementaire élue.

Puis-je Vous demander, Monseigneur, quels auteurs en matière de philosophie politique vous ont le plus directement inspiré ? Rappelons que Vous avez été, comme plusieurs des membres de l’équipe du Nouveau Conservateur, élève à l’IPC (Institut de Philosophie Comparée). Quels sont les enseignements principaux que vous en retenez ?

Je reste très attaché à Aristote et Saint Thomas d’Aquin, dont les commentaires qu’il a faits d’Aristote ont été à la base de l’enseignement que j’ai reçu à l’IPC et à la Sorbonne. Mon mémoire de maîtrise, à la Sorbonne, a d’ailleurs porté sur « l’actualité du Bien commun chez Aristote ». Ce que je retiens de cette philosophie comparée au réel, c’est un mode de la pensée attaché à la réalité. C’est pour moi une recherche intellectuelle qui m’aide à agir, un peu comme ce qu’évoque la terminologie kantienne de « pensée pure pratique ». Sans doute par vocation !

La suite de cet entretien de Paul-Marie Coûteaux est à retrouver dans Le Nouveau Conservateur (sixième numéro)

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