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Oikophilie, l’amour du « chez soi » 

La Chronique de Laurence Trochu

Sur l’affiche officielle des Jeux Olympiques de Paris 2024, le Dôme des Invalides apparaît amputé de sa croix et le drapeau français a disparu. Négation de l’identité française et du symbole qui la lie à la chrétienté. Alors même que près de 55.000 édifices religieux et leurs clochers dominent toutes nos campagnes françaises, quel terrible symbole : à Paris, tandis que Notre-Dame est toujours privée de sa flèche, par un très malheureux « accident » (toujours pas d’enquête, soit dit en passant, que pourtant la Cour des Comptes continue à demander…), c’est volontairement que l’on retire la croix du Dôme des Invalides !). Qu’il s’agisse de préservation du patrimoine culturel ou du patrimoine naturel, les Conservateurs font face à une entreprise d’éradication nationale, qui est aussi morale et esthétique, dont il ne fait pas de toute que les Français sont loin d’approuver ; sans doute cherchent-il, du moins dans leur grande majorité, à sortir de la rationalité techno-progressiste et finalement nihiliste qui étend autour de nous ses ravages, comme l’exprimait dès le premier numéro du Nouveau Conservateur (« Covid et Totalitarisme » – 2020), Diane de Bourguesdon : « C’est l’homme artiste qu’il faut réhabiliter, celui qui parfait et révèle la beauté de la Nature tout autour de lui, et non l’homme technicien qui sans cesse la traduit en chiffres et rationalité ». Dans sa chronique désormais régulière, Laurence Trochu, présidente du Mouvement Conservateur, dessine ici l’un des antidotes les plus simples au déracinement général : l’amour et le respect de soi, de sa famille, de son foyer, de son environnement immédiat, et de cette oikophilie (du grec oiko, qui est notamment la racine des mots écologie et économie) que nous devons et pouvons tous cultiver, en nous-mêmes et autour de nous (pmc). 

« On est chez nous ! » Ce cri du cœur, c’est celui des hommes et des femmes particulièrement conscients d’avoir quelque chose à perdre, un quelque chose qui leur tient à cœur : leur patrimoine culturel, y compris le plus proche. Ce cri du cœur répond à un instinct de conservation d’autant plus puissant aujourd’hui que tout le menace autour de nous, de la modernité marchande au wokisme, en passant par l’islam politique : or, nous pouvons tous y répondre.

Ce « on est chez nous » clamé dans les meetings politiques trouve son premier corollaire dans l’amour du « chez soi », expression plus habituelle chez les Conservateurs. Ce point est majeur et amoureusement explicitée chez notre cher Roger Scruton : « l’amour de la maison, un motif qui englobe tous nos attachements les plus profonds, créant au milieu de nos urgences, un abri dont les générations futures pourront aussi profiter ».

La simplicité toute humaine de l’Oikophilie

Pour les Conservateurs, l’ancrage local est la Nation, entité politique capable d’incarner un ancrage local qui soit à l’échelle du monde. Nous sommes dévoués aux personnes, aux endroits et aux façons d’agir qui nous nourrissent. C’est la racine même du patriotisme. Le conservatisme met l’accent sur les identités locales, les liens historiques de loyauté et d’interdépendance. Alors que le socialisme et le libéralisme ont des visions mondialisantes et virent de plus en plus souvent à l’éloge du nomadisme, le conservatisme est indubitablement local. 

Au XVIIIe siècle, Edmund Burke s’opposait aux révolutionnaires qui s’arrogeaient le droit de dépenser, gaspiller ou de détruire tous les patrimoines culturels et naturels pour leur propre cause. Rappelons que les écoles, les fondations d’église, les hôpitaux – institutions qui avaient été fondées par des personnes libres pour le bénéfice de leurs successeurs – ont été expropriées ou détruites en grand nombre. Ces destructions ont continué et l’on en connait le résultat : gaspillage de l’épargne accumulée, menant à l’effondrement de l’éducation et à la perte des formes traditionnelles d’assistance, éducative aussi bien que sociale et médicale. En opposition à cette logique, Burke a développé trois idées qui sont autant de solutions. Il nous parle de respect des morts, du « petit peloton » et de la tradition. 

Nos morts sont toujours des objets d’amour et de vénération. Les honorer et en perpétuer la mémoire, c’est planter dans nos cœurs la vision transgénérationnelle de la société. Reconnaître que c’est grâce à eux que nous sommes là est la meilleure garantie que nous modérerons nos appétits actuels dans l’intérêt de ceux qui sont encore à venir. La tendresse envers les ancêtres et ceux dont on raconte l’histoire familiale prépare à faire de la place à nos successeurs dans nos cœurs.

Le petit peloton répond au bon sens et au réalisme qu’on retrouve aujourd’hui par de nouvelles aspirations au localisme. On prend soin du chez soi, car on y est attaché. La société dépend de relations d’affection et de loyauté, et celles-ci ne peuvent être construites que de bas en haut, par des rencontres en face à face. Les ressources communes ne peuvent mieux être gérées de façon stable que par une communauté locale. 

Les visages de l’oikophobie

La tradition est le lien vivant qui permet à une société de se reproduire et de durer. Détruire nos traditions, comme les wokistes s’acharnent à le faire, c’est en effet déconstruire le principe même de la société. Le pacte social exige une relation d’appartenance. Si on décide de notre avenir commun, c’est parce que nous reconnaissons que nous avons en commun hérité du passé. La responsabilité, familiale, sociale, politique naît de la conscience de la volonté de transmettre nos traditions et nos coutumes. 

 Nos adversaires, nous les connaissons : leur domaine d’action, ce ne sont pas les « petits pelotons », mais les supranationalités de tout poil, les ONG et les institutions supranationales. « Les premiers peuvent se tromper sans en subir les conséquences, ils ne sont imputables que devant leurs donateurs. Les secondes souffrent d’un déficit démocratique et elles érodent les volontés populaires au sein de bureaucraties qui ne disposent d’aucune légitimité », écrit Roger Scruton. Nos adversaires sont animés par le ressentiment ; cette rancune et cette amertume à l’encontre des enracinés et des héritiers est le moteur d’actions hargneuses et punitives. Ils instaurent un climat de peur. Et plus un sentiment d’urgence est instauré, plus les individus sont enclins à accepter les solutions radicales de la centralisation excessive et de la supranationalité aux mille visages. Ce n’est plus la raison qui prime, mais l’émotion. Ils détestent l’attachement local et le dénoncent comme « esprit de clocher » et patriotisme. C’est la « culture de la répudiation ».

Eloge des Intendants

Pour prendre soin du « chez soi », il faut être des intendants. L’oikophilie est un appel à la responsabilité. Elle nous dit d’aimer et non d’utiliser, de respecter et non d’exploiter. En considérant une chose comme belle, nous la sortons de l’arène pratique et la dotons d’une valeur qui ne peut être cédée ou échangée. « C’est cette valeur intrinsèque de la beauté qui confère une utilité à long terme aux belles choses, une utilité qui vient seulement lorsque vous ne la poursuivez pas ». La recherche de la beauté et de l’harmonie dans les villes et les campagnes, thème qui a hélas déserté le discours politique, relève du simple amour du chez-soi. « Le foyer n’est pas n’importe quel endroit. C’est l’endroit qui contient ceux que nous aimons ; c’est le lieu que l’on partage, que l’on défend, pour lequel on peut encore être amené à se battre et à mourir », écrit encore Scruton. C’est la raison même de notre engagement. 

Laurence Trochu est la présidente du Mouvement conservateur

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