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Napoléon III, l’Empire en mieux

Par Valentin Gaure et Paul-Marie Coûteaux

Proche conseiller d’Éric Ciotti, le jeune historien Maxime Michelet publie aux éditions Passé/Composés une intéressante synthèse historiographique du regard ambigu que nous portons sur la personne et le bilan politique de Napoléon III, figure longtemps tenue à l’écart, un temps proscrite, enfin remise à l’honneur par Philippe Séguin, et plus récemment par l’historien Eric Anceau. Deux membres de notre équipe ont lu le livre de Maxime Michelet et sont tombés d’accord pour donner la moyenne à notre second Napoléon. De notre histoire, ne devons-nous pas assumer toutes les pages?   

Le Second Empire constitue décidément une période incongrue de l’Histoire de France. Une parenthèse hybride et étrange, certes non dénuée de gloire, mais qui termina dans les limbes, effacée par la débâcle de Sedan, et ce désastreux coup de pouce donné à l’impérialisme allemand, par là aux guerres affreuses qu’il provoqua aux siècles suivants. Il est certain toutefois qu’à l’oncle (supposé « grand »), mieux vaut préférer le neveu (prétendument « petit »), tant Napoléon III fut à bien des égards un dirigeant efficace, stratège, souvent visionnaire – du moins si l’on veut bien jeter un voile pudique sur la catastrophe finale, dont il ne fut certes pas le seul responsable, sinon au regard de l’impréparation militaire dans lequel ce paradoxal Empereur qui n’était pas un guerrier plongea la France.

Sa personnalité foisonnante, toute en clair-obscur, fut parfaitement dévoilée par Pierre Milza, dans la biographie exigeante qu’il lui consacra en 2004 et qui fit autorité. Citons également l’œuvre d’un autre de nos grands historiens, Éric Anceau, dont les travaux sont à l’origine de l’actuel mouvement de réhabilitation de notre ultime empereur.

Victime de la cabale lancée par Victor Hugo

D’aucuns se souviennent également du Louis-Napoléon Le Grand de Philippe Séguin qui, réfutant le fameux quolibet de Victor Hugo (« Napoléon le Petit ») rendit hommage à la fibre sociale de l’auteur de L’Extinction du paupérisme, ouvrage qui témoignait de son souci des classes populaires et du développement de l’industrie. Parfois gaullien avant la lettre, Napoléon III était aussi l’homme du « recours au peuple » par le biais des plébiscites et le continuateur exigeant de la politique étrangère traditionnelle de la France en faveur des Nations, contre les Empires et les hégémonies.  

Nous n’oublions pas, avec Maxime Michelet, que l’ancien prisonnier du fort de Ham posa aussi les bases de la Marine moderne – chantier abandonné depuis Colbert… Et que nous devons également au Second Empire les formidables travaux haussmanniens – bien que, vus sous un autre aspect, leur modernité arrogante aboutit au saccage d’une bonne partie du vieux Paris… Ainsi, l’une des périodes artistiques qui fut assurément l’une des plus fastes de notre Histoire – mais ne fut-elle pas le produit de l’extraordinaire bouillonnement culturel que la France connut tout au long du XIXe siècle, d’abord dû aux « trente glorieuses » des restauration royales (1815-1848), années d’expansion économique, de stabilité politique, de paix – et d’un grand soin apporté à l’Instruction Publique, spécialement aux Universités ?

Celui qui conserva longtemps une image de despote, un peu simple d’esprit (c’est l’image que lui donna la gauche républicaine et l’école très idéologique de la IIIe République) peut en vouloir à Victor Hugo, son éternel ennemi, qui fut au neveu ce que Madame de Staël fut à l’oncle. Ses morceaux choisis constituent un modèle de cruauté littéraire : « Louis Bonaparte est un homme de moyenne taille, froid, pâle, lent, qui a l’air de n’être pas tout à fait réveillé. […] Il a la moustache épaisse et l’œil éteint. […] C’est un personnage vulgaire, puéril, théâtral et vain. […] Il aime la gloriole, le pompon, l’aigrette, la broderie, les paillettes […], les grands mots, les grands titres, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. En sa qualité de parent de la bataille d’Austerlitz, il s’habille en général ». Jugement bien trop sévère, certes !

Le difficile héritage d’une figure aux contours flous

Rien d’étonnant à ce que Maxime Michelet, jeune historien de talent, ait dédié son ouvrage à Philippe Séguin, sans doute désireux de perpétuer un héritage que l’on présente aujourd’hui sous les noms un peu nébuleux de « droite sociale » ou de « droite bonapartiste », comme si le gaullisme n’était pas avant tout un légitimisme, plus proche du classicisme capétien de Chateaubriand ou de Maurras que des conquêtes impériales ? Le drame pour ce jeune auteur à la plume alerte, cadre important du mouvement dit Les Républicains, est sans doute que le plus probable héritier de ce courant de pensée soit davantage la très bonapartienne Marine le Pen, ou le napoléonophile Eric Zemmour qu’Eric Ciotti (curieux Ciotti auquel il arriva que Le Nouveau Conservateur accorde, avec beaucoup de magnanimité, le prix du courage politique – LNC n° 9), si du moins celui-ci se soucie d’avoir un héritage historique quelconque. Il reste que son Napoléon III, la France et nous est à saluer, en ce qu’il achève d’exhumer une grande figure longtemps abandonnée dans les cachots républicains de la mémoire nationale. Et nous déplorons à notre tour que sa dépouille repose toujours en Angleterre, où il mourut en paria, malgré les successifs appels au rapatriement auquel eut droit son oncle ?

Il est à noter que Maxime Michelet fut également le biographe de l’impératrice Eugénie, dont on souligna, tantôt à raison, tantôt à tort, l’influence qu’elle exerça sur son époux. Il est certain toutefois qu’elle l’encouragea à certaines actions d’éclat mal menées mais bien inspirées, notamment au Mexique ou en Italie, en partisane des courants ultramontains, c’est-à-dire de la défense du Pape et de la Chrétienté face au foisonnement de l’unité italienne et du Risorgimento – et aussi, comme Eric Anceau l’exposa dans nos colonnes (cf. Le Nouveau Conservateur n° 9 ) face à cet impérialisme yankee parti à la conquête de la très catholique Amérique du Sud, ce qui inquiétait l’Empereur des Français et sa chère Eugénie.Sur l’anglophile, moderniste et grand modernisateur Napoléon III, le conservateur ne peut qu’hésiter : merci à Maxime Michelet de nous inciter à lui accorder, finalement, un peu  mieux que la moyenne !

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