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Le conservatisme est d’abord une éthique et une esthétique

par Augusto von Pickendorf, essayiste, auteur des « Couleurs du Soir » (éd. du Flâneur)

Poursuivons ici notre série « Ce qu’être conservateur veut dire » : après le décès de la reine Elizabeth d’Angleterre, nous avons à cœur de rendre hommage à l’un des aspects les plus aimables du peuple britannique, sa tradition conservatrice ; l’officier (CR) et essayiste Augusto von Pickendorf, grand admirateur de nos voisins d’outre-Manche et de leur langue, montre ici que cette tradition est aussi, et peut-être d’abord, une éthique, et même une esthétique. Il est tant de façons d’être conservateur, selon les âges et les nations…

Longtemps, le conservatisme a prospéré dans les pays anglo-saxons ; les partis de droite y portant fièrement ce nom et se revendiquant, encore aujourd’hui, de cette tradition. Alors que partout ailleurs en Europe, ils choisissaient d’autres appellations, et en changeaient d’autant plus souvent qu’était faible leur solidité doctrinale.

Ce courant de pensée, né du rejet que la Révolution Française, ses idées et ses crimes inspiraient au philosophe Edmund Burke, a été repris par de nombreux penseurs, tel feu Sir Roger Scruton. Mais le conservatisme est d’abord une manière d’être, et peut-être plus encore, d’abord une question d’élégance. Il est d’abord une question d’élégance externe, dont le but n’est aucunement de se distinguer en sortant du lot, mais bien au contraire de démontrer son acceptation des règles de l’appartenance à un groupe, et d’éviter le mauvais goût qui offense. Un conservateur sait avant tout qu’il vit en société, et que son groupe est ce qui le structure. L’uniforme, plus ou moins formel selon que l’on est dans son école, son Université, ou son club de sport, est d’abord le signe que l’on se soumet librement aux règles et donc aux hiérarchies d’un groupe. Si le port de la cravate club est assez libre en Angleterre, lors des occasions publiques on ne peut que porter celle de son club.

Aux Régates Royales d’Henley (aviron) ou aux soirées de la semaine de Cowes (yachting), nul ne manquerait à cette obligation. Pour les membres de son club, c’est un signe de respect, pour les concurrents des autres clubs, de courtoisie.

Cette élégance obéit à quelques règles simples, et qui n’interdisent pas l’originalité, voire même une certaine dose d’excentricité revendiquée. Qui oserait, en France, porter des cravates club rouge, jaune et verte sur une chemise lavande comme le fit H.R.H. le Prince de Galles, aujourd’hui Charles III ? Et pourtant il est un des hommes les plus élégants d’Angleterre, même avec ses costumes croisés antédiluviens, et qui plus est, l’héritier de la plus vieille dynastie européenne. Enfin, cette élégance externe, aide à mettre en valeur la beauté du corps, et quand les déformations viennent avec les blessures de guerre, les conséquences de la bonne chère, ou l’âge tout simplement, elle nous rappelle que l’on doit d’abord se tenir droit. Chez Bigeard, on mourait rasé de frais.

« Si vous voulez changer le monde, commencez par faire votre lit. Si vous faites votre lit chaque matin, vous aurez réussi votre première tâche du jour qui vous donnera un modeste sentiment de fierté, et vous encouragera à en affronter une autre, et une autre, et encore une autre. »

Car le conservatisme est aussi une élégance du corps que l’on éduque par le sport. Je sais que Churchill disait : « No Sport ». Pourtant dans sa jeunesse, à Brighton, puis Harrow et enfin à Sandhurst, il s’adonna largement au triptyque des « Public Schools » : même s’il préférait l’équitation et l’escrime. La première vertu du sport est d’affiner et d’affermir les corps, de redresser les silhouettes et ce n’est pas pour rien que la beauté des jeunes spartiates qui s’exerçaient sur la Platanistas était réputée jusqu’à Troie. La seconde vertu du sport, la plus importante à mon goût, est qu’il forge le caractère et apprend l’humilité. Il faut du caractère pour se lever chaque matin à six heures pour aller s’entraîner dans le froid et la pluie avec sept autres rameurs sur la Cam, la Tamise ou encore la Charles River… Il faut de l’humilité pour répéter mille fois le même geste jusqu’à ce qu’il devienne une part de soi.

On dit que la première qualité des Anglais est d’être opiniâtres. C’est exact. Pour commencer, ils formaient leurs élites au sein de leurs écoles privées et dans leurs universités par le sport, et surtout les sports collectifs : rugby, cricket… Et c’est bien cette détermination qui est enseignée par l’effort collectif, et la répétition des mêmes gestes pendant des années. A la cérémonie de remise des diplômes de l’Université d’Austin, l’Amiral McRaven a prononcé un des plus extraordinaires discours qui soit, sur l’importance de se lever tôt et de refaire mille et une fois les mêmes gestes : « Si vous voulez changer le monde, commencez par faire votre lit. Si vous faites votre lit chaque matin, vous aurez réussi votre première tâche du jour qui vous donnera un modeste sentiment de fierté, et vous encouragera à en affronter une autre, et une autre, et encore une autre. C’est cette première petite chose qui vous conduira à en faire bien d’autres. […] Et si par hasard vous avez eu une mauvaise journée, vous rentrerez dans une maison où le lit est fait, que vous avez fait, et ce sera un encouragement pour un meilleur lendemain. ». C’est exactement cela qu’apprend le sport, et particulièrement le sport collectif. L’effort physique tire vers le haut.

Vous pourrez découvrir la suite de cette analyse d’Augusto von Pickendorf dans le numéro VIII du Nouveau Conservateur.

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