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Ligne éditoriale du N°2

Voici plus de trois siècles, les fondements classiques de la civilisation et de la politique françaises, que la monarchie capétienne avait rendus admirable-ment constants au cours des siècles précédents, se voyaient remis en cause par une cosmogonie nouvelle substituant peu à peu, aux anciennes guides de la tradition, la promesse d’un progrès indéfini, et d’une modernité qui, en quelques générations, disqualifia l’un après l’autre les fondements de ce qui dès lors passa pour «l’ancien monde». Paul Hazard décrivit le basculement des années 1680-1715, dans un livre fameux, La Crise de la conscience européenne : « La majorité des Français pensait comme Bossuet ; tout à coup, ils pensent comme Voltaire », et dont rendit compte aussi Frédéric Rouvillois – « L’invention du Progrès 1680-1730 ».

Le phénomène fut brutal : l’ «ancien monde » qu’avaient forgé les cultures antiques puis chrétiennes, ainsi que les efforts de la monarchie française pour établir un Bien Commun capable de garantir, aussi imparfait fût-il, un ordre juste, n’eut dès lors pour défenseurs que ces « Classiques » que les « Modernes », conquérant l’un après l’autre les domaines de la pensée, puis les instruments de l’action, nommèrent « Réactionnaires ».

De réactions, il y eut de brillantes : d’abord sous la Restauration – quand fut créée, en 1818, la revue « Le Conservateur » autour de Libéraux comme François-René de Chateaubriand et d’ultra-royalistes comme Louis de Bonald, Joseph de Villèle ou du père de Lamen-nais, l’un des fondateurs de la démocratie chrétienne. Il y en eut aussi dans la suite des grandes guerres : après Sedan, quand monarchistes et catholiques refleurirent en pensées fécondes – notamment ce qu’on nommera « la doctrine sociale de l’Eglise » ; après la Grande Guerre de 14-18 autour de la puissante Ecole d’Action Française ; après le désastre de 1940, dans le foisonnement de la Résistance ouvrant la restauration gaulliste.

Réactions chaque fois salvatrices mais chaque fois éphémères, la fantasmagorie du Progrès (paradigme commun à toute les gauches, y compris les fausses droites que son hégémonie a colonisées) reprenant toujours le dessus – avec sa soeur Modernité, aux séductions sans cesse renouvelées. A vrai dire, ce qu’on nomme hâtivement « conservatisme » (systématisation hasardeuse pour un mouvement qui, à la fois traditionaliste et pragmatique, entend adapter, à des circonstances changeantes, une tradition dont l’Histoire a rendu les contours eux-mêmes imprécis), et que nous nommerons plus volontiers « l’esprit conservateur », n’eut guère de succès politiques entre la Restauration des années 1815-1848 et celle des années de Gaulle : c’est plutôt dans la littérature, de Balzac et Flaubert à Montherlant et Mauriac en passant par Péguy, Bernanos et tant d’autres, que s’illustra l’esprit conservateur -souvent aussi dans la philosophie, l’histoire et les arts – ce pourquoi il sera fait ici une large place aux œuvres méta-politiques.

Or, après trois siècles de domination, renforcée par celle des puissances anglo-saxonnes, l’anglaise puis l’états-unienne, ce progressisme qui se donnait pour éternel dissipe ses sortilèges : depuis le tournant du troisième millénaire, la Modernité est moins une série de promesses que de menaces de tous ordres, sociales, financières, militaires, morales – menaces, aussi, sur la Nature, notamment la Nature humaine et jusqu’à l’humanité même de l’Homme.

L’arraisonnement progressif de toutes les activités humaines par la Technique, le Commerce et la Marchandise réduit l’homme d’aujourd’hui à un matérialisme effrayant, de plus en plus élémentaire, angoissant et totalitaire, qui à la fois triomphe et s’effondre sous nos yeux. Sous mille formes, la fin de la modernité glorieuse redonne aujourd’hui la parole aux Classiques : un monde meurt tandis que reverdissent à bas bruit de vieilles racines, nourries par une nostalgie nouvelle pour les traditions, les saveurs et les savoirs qu’on aurait pu croire disqualifiés pour toujours – voir les réflexes qui portent un nombre croissant de nos contemporains à la protection de la Nature. C’est ce nouveau basculement, décrit par Pierre-André Taguieff (voir notamment « l’Effacement de l’Avenir ») que Le Nouveau Conservateur entend décrire, et surtout instruire, pour que de nouvelles générations renouent la chaîne des temps – tant il est vrai que l’Histoire n’est pas une ligne droite progressant mécaniquement vers on ne sait quel nirvana et qu’elle est aussi faite de cycles, décadences et renaissances.

Les fondateurs du Nouveau Conservateur, sûrs que d’immenses périls menacent aujourd’hui la France, l’Europe, et peut-être le monde dans son entier, entendent œuvrer à la création d’une force politique nouvelle, cœur et noyau dur d’une droite française dont les héritiers ont abandonné le terrain intellectuel, faute d’oser remettre en cause les paradigmes de leurs adversaires ; ils entendent retrouver la pensée française classique (sans référence nécessaire aux mouvements étrangers qui, par nature, n’entrent pas dans ses traditions propres) et unir par un paradigme commun des mouvements féconds mais in-complets : le souverainisme, qui pourrait être l’autre nom de la tradition capétienne ; le libéralisme, certes traversé de sens contradictoires, ou encore ce populisme qui, s’il retrouve les réflexes de notre peuple, ne saurait suffire à créer une culture conservatrice et, partant, une force de Gouvernement propre à redresser un pays qui s’abandonne ; ils se veulent ainsi les instituteurs d’une double réconciliation : de la droite avec elle-même, et des Français avec l’essentiel d’eux-mêmes.

Tel est le projet d’une revue qui sollicitera des intellectuels, des politiques et des praticiens venus de divers horizons mais inscrits dans la grande réforme intellectuelle et morale sans laquelle il ne serait plus possible de redresser et perpétuer l’Etat, ni la Nation, ni même la continuité plus de deux fois millénaire de la civilisation française.

Le Nouveau Conservateur

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